Perplexité

Publié le 02 mars 2012 par Toulouseweb
En apparence tout au moins, le transport aérien va bien.
Le thème de réflexion est tout simplement inépuisable : à l’examen des statistiques de trafic, vu dans son ensemble, le transport aérien se porte plutôt bien, laissant loin derrière lui les stigmates d’une crise délicate. Mais la réalité est très contrastée, à l’image d’innombrables cas particuliers qui constituent d’autant d’exceptions à la règle générale.
Les premiers chiffres de 2012, ceux de janvier, étaient attendus avec d’autant plus de curiosité. C’est l’IATA qui nous donne les premières données, lesquelles confirment, a priori, une bonne impression de croissance soutenue et stabilisée : + 5,7% en passagers/kilomètres et un coefficient moyen d’occupation des sièges de 76,6%, correct (sans plus). La bonne opinion qui apparaît ainsi, disent les économistes de l’IATA, est peut-être légèrement exagérée en raison de l’effet conjoncturel favorable lié au nouvel an chinois. Mais ce pourrait n’être qu’une impression ou une manière de pinailler dont on pourrait volontiers se passer.
La grande inquiétude qu’entretiennent les mauvais résultats du fret commence par ailleurs à se calmer. Certes, à 12 mois de distance, le recul atteint 8%, ce qui est considérable, mais cette érosion tend à se calmer. Au cours du quatrième trimestre de 2011, la régression était de 4% seulement sous les résultats de 2008. Mieux, en additionnant les chiffres de décembre 2011 et janvier 2012, le recul est limité à 2,5%. Et, là encore, l’IATA fait référence à la Chine et aux fermetures temporaires d’usines exportatrices, toujours pour cause de nouvel an. Sans quoi les résultats auraient été meilleurs.
La remarque est instructive : la Chine pèse dorénavant suffisamment lourd dans les statistiques mondiales qu’elle mérite qu’on en suive l’évolution avec beaucoup d’attention. Référence complémentaire, ID Aéro a calculé que le trafic aérien sous pavillon chinois a augmenté de 11,8% au cours du second semestre 2011, soit deux fois plus vite que la moyenne mondiale. A titre de comparaison, le trafic des compagnies aériennes américaines, au cœur d’un marché réputé mature, n’a augmenté dans le même temps que d’un modeste 2,4%.
L’Europe continue de bien s’en tirer. En janvier, son trafic a progressé de 5,3% (source IATA), repère qui inclut apparemment toutes les compagnies, membres ou pas de l’association internationale, une notion nouvelle tout particulièrement bienvenue pour la crédibilité et représentativité de ces données.
Si la perplexité persiste, à l’examen de ces résultats, c’est bien en raison des difficultés rencontrées par certains intervenants de premier plan. Ainsi, le pavillon européen va plutôt bien mais Air France fait face à des difficultés sérieuses et le groupe Lufthansa conduit un plan d’économies drastiques. A l’autre bout du monde, Kingfisher, pourtant adossé à un puissant conglomérat, bat dangereusement de l’aile. Et, dans le même temps, de nouveaux projets voient le jour, certains d’entre eux témoignant d’une grande audace.
C’est le cas de celui de Harold Pareti. A condition d’être dotés d’une mémoire infaillible, les moins jeunes des spécialistes se souviendront peut-être de lui : il fut l’un des fondateurs de People Express, compagnie née dans la foulée de l’Airline Deregulation Act américain de 1978 et qui fit long feu. Après un long intermède, il revient à ses premières amours, avec d’autres, et se propose de créer une low cost. Une initiative que le département américain des Transports considérerait avec un zeste de perplexité, voire de méfiance, People Express ayant laissé un mauvais souvenir aux autorités de Washington.
Pareti confirme qu’il ne suffit pas de faire faillite pour être immunisé et ne plus jamais tenter sa chance dans le transport aérien. Il faudra tôt ou tard qu’un psy tente de nous expliquer cela.
Pierre Sparaco - AeroMorning