« J’ai claqué beaucoup d’argent dans l’alcool, les filles, et les voitures de sport- le reste je l’ai gaspillé »
George Best
A moins d’être autiste ou de vivre au fin fond de la steppe sibérienne (et encore…), impossible d’échapper au football. Même quand on aime ça et quand on trouve que c’est un jeu pas plus débile que le sudoku ou les élections, on peut atteindre l’overdose ou la crise de foi en quelques minutes tant la dictature médiatique autour du ballon rond est ubuesquement ubiquitaire. Entre la Ligue 1, les coupes de France, de la Ligue, de mon quartier et de mon cul, les championnats étrangers, l’Euro, la Coupe du Monde, les jeux olympiques, la coupe d’Afrique des Nations, et les compétitions locales, l’addictologie a matière à faire passer l’Encyclopedia Universalis pour un livre de poche écrit par des sous-fifres de Marc Lévy et Guillaume Musso.
Entendons nous bien: comme pour les religions, je ne cogne pas gratuitement sur les supporters endoctrinés, mais bien sur les organisateurs du culte et sur les séquelles psychanalytiques qui vont perdurer pour les siècles des siècles, même et surtout chez ceux qui n’ont rien demandé. Et au delà du spectacle de vingt-deux jeunes personnes qui préfèrent courir en rectangle pandant une heure et demie au lieu d’apprendre à jouer au jeu de go qui est à la fois moins fatigant et plus captivant, le foot s’empare de la politique comme peu d’entreprises oseraient le faire sans se faire taxer de lobbying ultra-libéral. Prenons l’exemple de la candidature de Metz à l’euro 2016. L’article de Jérôme du même jour vous apprendra le détail des motifs du retrait de cette candidature.
Bien que je comprenne le courroux des supporters à l’endroit de notre premier édile dans la mesure où la perennité du club est mise en cause, je comprends aussi les motivations de Dominique Gros, et en particulier des ses alliés écolos à l’Hôtel de Ville. Cependant, difficile de penser construction de grande envergure sans penser à la manière toujours très élégante avec laquelle les entrepreneurs du BTP font « suer le contrat » une fois le marché attribué, difficile d’oublier l’attitude passablement poujadiste de Jean-Michel Aulas qui fait du chantage au Sénat pour avoir son nouveau stade, et impossible d’oublier que les hypocrites promesses d’emploi associées à ces chantiers ne créent toujours que d’abyssales dettes publiques, demandez à Albertville qui paie toujours les investissements pour les JO de 1992 ou à la Grèce, où les jeux olympiques pèsent encore pour 8 milliards d’euros dans la crise que connait le pays. Bref, dans l’absolu je ne suis pas contre la rénovation des infrastructures, mais pas si elle est fondée majoritairement sur des fonds publics. Le FC Metz a pu se targuer pendant très longtemps d’être le seul club professionnel de France à ne pas être subventionné par des fonds publics, ce qui évitait de prêter le flanc à des commentaires politisés, qu’ils émanent d’autorités nationales ou de supporters bas du front, et c’était très bien comme ça.
Mais le foot est une immense industrie, qui comme les escrocs des labos pharmaceutiques ou les gredins du bâtiment, a su mettre dans la balance son immense poids financier pour arranger le droit à sa sauce. Les clubs français pleurent sur la pingrerie du régime fiscal français, mais bénéficient de droits télévisuels exubérants pour des associations, et sanglotent comme des premières communiantes contre la DNCG (Direction Nationale du Contrôle de Gestion) qui les empêchent de s’endetter comme un pays méditerranéen. Les footballeurs, l’espèce humaine qui a le moins évolué après les animateurs télé, bénéficient d’un statut fiscal particulier assimilé à celui des artistes, et arguent du fait que leur carrière se finit au plus tard vers 35 ans pour justifier leurs salaires astronomiques, même dans un club fauché comme le FC Metz. Mais dis-moi, Ducon du short, un maçon se permettrait-il de se rendre avec tant de morgue dans le bureau de son patron pour lui dire qu’à 30 ans il souhaite mettre sa carrière en suspens car il souffre de douleurs lombaires qui l’empêchent de donner sa pleine mesure et de rentrer sur le chantier sans état d’âme en respectant les fondamentaux sans sous-estimer l’échaffaudage et l’aggloméré qui quoique n’ayant que peu d’expérience dans cette compétition sont de redoutables adversaires? Certes, camarade footballeur, tu es un con de prolétaire exploité « par le haut » par son patron, et certes le supporter a du mal à admettre qu’il est un con de client doté d’un portefeuille. Mais quand même, quand les footeux se plaignent parce que François Hollande prétend créer une taxe de 75% sur les hauts revenus, on a envie de les mettre au régime des ouvriers taiwanais qui fabriquent les ballons.
Heureusement, on peut encore aimer le foot malgré tous ces cons qui ont un paradis fiscal pour tout horizon. On a déjà parlé d’Eric Cantona qui malgré ses maladresses défend des idées généreuses, alors qu’il pourrait couler des jours heureux à St Barth et défendre le tout petit père des peuples qui aime tant le football. Encore mieux, George Best qui paradoxalement, a comme Cantona a joué à Manchester United, le club le plus riche du monde, et qui était un hédoniste accompli et un pochetron notoire, n’hésitant pas à rentrer bourré sur le terrain, à dribbler un adversaire et à se retourner pour vomir avant d’adresser un centre millimétré, comme disent les rhéteurs du football.
En bref, on a toujours tort d’assimiler le football à une cause politique, les patrons de clubs étant comme tous les patrons des esclavagistes au service de leur propre cause, une cause numérotable et soumise à feu l’ISF, et certainement pas des mécènes confits en dévotion pour l’écusson de leur club. C’est aussi valable pour Guy Forget, la Thatcher du tennis, pour Max Guazzini, qui cumule les handicaps mentaux des animateurs radios et des sportifs, comme pour les entrepreneurs qui menacent de délocaliser si on les oblige à participer à la solidarité nationale. Cassez-vous, vous ne nous manquerez pas.