Extrêmement fort et incroyablement près ? Le genre d'émotion qui ne court pas les salles actuellement…
Vous aurez pigé l’allusion à la célèbre phrase de Shakespeare in Richard III… C’est que je suis encore une fois accaparée par le théâtre, mon cheval de bataille actuel, et je suis donc charrette comme on dit bêtement. Mais si la mule est bien chargée, en attendant de ne plus galoper comme je le fais en ce moment, voilà un peu d’actu cinéma made in USA, sélection Oscars, que vous pouvez découvrir en salles. Car j’ai vu à peu près tout ce qui a été nommé aux Academy Awards, le PMU ciné de l’année.
Dont le Cheval de guerre, de Spielberg. A moins d’avoir 16 ans maxi et d’adorer les canassons, et bien autant attendre la diffusion à la télé. C’est vrai, c’est adapté d’un livre jeunesse, je ne dois donc pas être tout à fait le public. Il y a plein de jolis plans, c’est vrai aussi, ça fait parfois songer au cinéma de Ford et de Huston, d’accord, mais quand même, c’est dégoulinant de bons sentiments. Ça fait pas de mal, vous allez me dire. Mais ce conte, car c’en est un, ne m’a personnellement pas fait de bien non plus. Comme The Help, film dont Steven Spielberg est aussi à l’origine. Passablement divertissant, bon pour le format télé. J’attends davantage du cinéma en général. Galopons ailleurs voulez-vous.
Extrêmement fort et incroyablement près (j’ai toutes les peines du monde à retenir ce titre qui vient du beau roman de Jonathan Safran Foer, ici adapté pour la caméra de Stephen Daldry), ne m’a pas semblé ni extrêmement réussi ni incroyablement émouvant. Le réal de Billy Elliot doit avoir gardé certains réflexes “jeune public”… et oublié le talent exploité dans The Hours ou The reader, deux excellents films. Car cette adaptation est, là aussi, un bel exemple de sirupeux sucré comme Hollywood sait si bien les faire. C’est dommage, car le gamin est formidable, la distribution impeccable, et l’histoire est forte – qui commence par la disparition d’un père dans les twin towers le 11 septembre 2001. Mais enfin… disons que ça se laisse regarder.
La taupe, voilà un excellent film, brillamment porté par Gary Oldman, génial depuis belle lurette. Il faut s’accrocher à cette intrigue réalisée par Thomas Alfredson, mais là ça fait du bien, et cette histoire d’espionnage période Guerre froide est, elle, extrêmement bien ficelée.
So british, so efficace.
The Descendants sont touchants. Cette histoire du presque veuf qui doit se débrouiller avec ses deux filles sur son île hawaïenne est bien écrite, bien interprétée. Mais il m’a manqué un souffle. Et il me semble que l’argument principal, filmé par Alexander Payne, consistait à donner un rôle sur mesure à mon cher George (Clooney) pour qu’il décroche l’Oscar. Qui ne sait pas qu’il s’est fait coiffer au poteau par The Artist Dujardin…? sur lequel je ne reviens pas car j’en parlais ici, dans ma sélection spécial Festival de Cannes.
Je ne vais pas revenir non plus sur Moneyball, bon film mais dont le sujet (le baseball) ne m’interpelle pas assez pour m’exprimer sur son compte, ni sur Midnight in Paris (vu et apprécié il y a un bail). Tâchons de rester dans l’actualité.
[Je remarque au passage que dans ces films américains, une accent singulier est donné à la figure du père. Absent dans Hugo, et Extrêmement fort…, défaillant dans Cheval de guerre, seul à bord dans The Descendants… C'est aussi le cas de Matt Damon, sexy veuf dans We bought a zoo, de Cameron Crowe, sortie prévue en avril. Y aurait-il une crise d'identité paternelle ?]
Pas mielleux du tout cet engagement
Hors catégorie, je donnerais si c’était en mon pouvoir une mention spéciale à Angelina Jolie. Cette actrice n’a pas toujours fait des choix heureux, c’est une star de l’entertainment et il n’y a pas de mal à ça… Mais elle s’est toutefois brillamment illustrée dans certains films – je retiens ses prestations en Marianne Pearl, épouse du journaliste Daniel Pearl disparu au Pakistan dans Un cœur invaincu de Michael Winterbottom, et en mère éplorée dans L’échange de Clint Eastwood. Elle ne manque pas de cran, la dame, et son premier film en tant que réalisatrice et scénariste est franchement de la belle ouvrage bien gonflée. D’abord pour le choix du sujet : la guerre en ex-Yougoslavie, entre Serbes et Bosniaques. Dans son Pays du sang et du miel, le parti-pris est disons “européen”, il n’est pas (totalement) manichéen et c’est drôlement bien mené, même si la narration est classique. Sujet et approche sont ambitieux, la volonté de la réalisatrice est clairement pédagogique. J’ai trouvé l’exercice aussi prenant que réussi. Chapeau bas, Mlle Jolie.
Je tire également mon chapeau (de cowgirl pour rester dans le genre) à Meryl Streep pour La dame de fer. Hallucinante, tout bonnement hallucinante. Dommage que le propos du film, soit, lui, pour le moins douteux, ce portrait pas du tout critique dressé par Phyllida Lloyd se révélant une hagiographie exécrable.
Exceptionnel. Exceptionnel.
Mais je garde le meilleur pour la fin : il est sorti depuis longtemps (j’assume ma contradiction) mais quel film les Amis ! Une séparation, de Asghar Farhadi, relate un divorce. C’est tout, mais en contant ce couple qui se déchire, c’est aussi la société iranienne et sa complexité qui sont narrées – loin des clichés qu’on nous sert au journal télé. Et l’ensemble est mené avec une finesse et un art du suspense digne d’un film noir. Voilà ce qui m’a vraiment fait plaisir aux Oscars comme aux Césars : que l’on distingue cette superbe Séparation, histoire simple et impressionnante, dont je ferais un cas d’école de cinéma pour pallier les fréquentes médiocrités qu’on nous présente.
Résumons donc : peu d’excellents films dans cette sélection, sauf cette Séparation encore, Hugo, La taupe, et mention au Pays du sang et du miel. Cavalez donc pour les voir sur grand écran. Le reste : c’est à l’avenant.
Ps. J’oubliais My week with Marilyn! Merci Mariposa… Bon, si je l’ai oublié, c’est qu’il ne m’a pas marqué. Il faut dire que j’en demandais beaucoup : apprendre de nouvelles choses sur Marilyn Monroe ? Ben non, pas possible… C’est un biopic tout ce qu’il y a de conventionnel, que je classerai donc dans la catégorie “soirée télé”. Même si l’actrice s’en sort plutôt bien, et que Kenneth Branagh fait dans l’abattage en interprétant Sir Lawrence Olivier.
Pps. Hors nominations aux Oscars, il y a aussi, en ce moment, Chronicle. Présenté comme un film d’ados, c’est à mes yeux davantage un film sur l’adolescence où les effets spéciaux servent tout à fait le propos. Dans le genre : pas mal du tout, et le jeune rôle principal, Dane DeHann, absolument émouvant.