Cela ne vous arrive-t-il pas de vous en prendre non pas au monde entier, mais à vous-même... Que faut-il voir dans l'implacable enchaînement des faits? Qu'il y a-t-il de vrai dans ces paysages qui défilent sous mes yeux? Que dire de mon absence future? Aucun mot ne peut traduire ce néant qui m'envahit quand j'y pense. Pris au piège je suis, et me débattre est à la fois absurde et nécessaire. Me débattre, débattre, combattre, battre la terre et l'acier. Ne serais-je pas en train de scier la branche de l'arbre sur laquelle repose mon pied? Ne pas baisser les bras, je dois prendre la peur par les cornes, le serpent par le cou, regarder l'ignominie en face. Je n'attends pas des jours meilleurs, je sens que les jours pires sont à venir. Problème: mes gestes et mes pensées sont de plus en plus circonscrits. Mon imaginaire s'est asséché, mes rêves sont décatis. Résister devient une tâche plus difficile. L'énergie me fuit, me lâche, va voir ailleurs si j'y suis. Je ne sors plus de mon moi. Barricadé dans ma suite pénale, je suis cloîtré à mort, ou presque. Dans tous les pays, les gens sortent dans la rue, les policiers répriment, les affrontements claquent. Et moi je lis les nouvelles, ça m'attriste, je n'y crois pas, je doute, je m'interroge. L'ennemi est diffus, les pistes sont brouillées, je nage en plein désert.