On voit à peine son visage
Les malheureux n’ont l’air de rien
Son père dit qu’il n’a plus d’âge
Sa mère dit je l’aimais bien
Des jours brisés qu’il se rappelle
Il n’est pas sûr qu’il ait souffert
Tant sa douleur est naturelle
Son sourire est mort l’autre hiver
Il pleut des jours le jour en pleure
L’avril périt de ses parfums
Et comme lui les regrets meurent
Sait-on d’un mort s’il fut quelqu’un
Ils iront le voir à l’asile
Il a des frères il a des soeurs
Jouer aux sous dans sa sébile
Nul ne peut rien à son malheur
S’il a vécu comme personne
Souvenez-vous par charité
Qu’un monstre attend qu’on lui pardonne
L’affreux bonheur d’avoir été
Joë Bousquet (1897-1950).
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(La Connaissance du soir)