Le " respect du bien être animal " fait partie de la réglementation bio française et européenne. La méthode d'abattage Halal est-elle conforme à cette règlementation et cette viande peut-elle être labellisée bio?
L'abattage Halal des animaux soulève décidément bien des problèmes, notamment politiques et religieux. Mais rien d'étonnant à cela car nous sommes en période électorale. En réalité si cette pratique est autant répandue c'est surtout par choix économique car elle permet aux abattoirs de supprimer l'étape qui consiste à assommer les animaux avant de les abattre et donc de réduire les coûts de production.
Mais cet abattage pose un autre problème qui concerne non seulement les éleveurs bio, mais aussi les consommateurs bio : celui du respect de la règlementation bio et de la qualité de la viande bio.
Les engagements des éleveurs bio
Pour obtenir le label " Agriculture biologique " pour leurs viandes, les éleveurs doivent en effet prendre des engagements stricts à plusieurs niveaux.
Parmi ces engagements il y a bien entendu ceux qui concernent l'alimentation des animaux, celle-ci ne doit être composée que de végétaux et produits végétaux issus de l'agriculture biologique : herbe fraîche poussant dans des terres labellisées bio depuis au moins trois ans, et du foin et des céréales bio l'hiver. Ce qui permet d'éliminer les résidus de pesticides. En outre les farines animales sont interdites, ainsi que les végétaux OGM.
L'autre aspect de la règlementation concerne les traitements curatifs et préventifs des animaux. Ainsi la réglementation bio interdit l'usage des médicaments vétérinaires allopathiques de synthèse, et les antibiotiques. Seul le recours à la phytothérapie et à l'homéopathie est autorisé. Et si des médicaments allopathiques sont nécessaires, la viande des animaux est déclassée et ne peut pas être commercialisée sous le label bio.
Sont également interdits les produits destinés à stimuler la croissance ou la reproduction des animaux, ainsi que les hormones ou substances analogues destinées à maîtriser la reproduction ou à d'autres fins comme, par exemple, l'induction ou la synchronisation des chaleurs.
Enfin l'usage d'additifs, auxiliaires technologiques, et autres substances et ingrédients non bio est totalement interdit.
Quid de l'abattage ?
Mais qu'en est-il de l'abattage des animaux ? La réglementation bio a-t-elle intégré cette étape, et si oui que dit elle?
Si on se réfère au texte officiel, la règlementation bio européenne, exige en effet que les animaux soient respectés afin de " rendre leur vie agréable : sans stress, au rythme de leurs besoins naturels ". Cela veut dire que le travail de l'éleveur bio ne consiste pas seulement à nourrir et traiter les animaux selon les normes bio. Il doit en plus " prendre soin de l'animal en créant un environnement approprié pour chaque espèce, et qui repose sur un accès permanent au libre parcours, des pâturages capables de satisfaire les besoins nutritionnels et comportementaux, l'interdiction d'attacher ou d'isoler les animaux, la mise à disposition d' aires de couchage et de litières appropriées, une faible densité à l'hectare, et la réduction au minimum de la durée des transports ".
Dans l'élevage biologique, il est donc clairement dit que le bien être de l'animal est une priorité à respecter, depuis sa naissance, jusqu'à l'abattoir. Y compris pendant le transport.
Mais concernant l'abattage, qu'en est-il ? La règlementation précise que " les méthodes d'abattage doivent être conçues pour être aussi rapides et indolores que possible ".
Et c'est là que le problème se pose car, les grands abattoirs tuent majoritairement les bovins de manière " Halal ". C'est-à-dire que les animaux sont directement égorgés vivants provoquant une souffrance aiguë et prolongée, alors qu'une méthode moins " douloureuse " existe.
Dans ces conditions peut-on considérer que la viande obtenue par abattage Halal peut être labellisée Bio ?
Des professionnels de la viande bio pensent que non, et ils ne choisissent que de la viande provenant des abattoirs qui pratiquent l'abattage conventionnel en privilégiant les circuits traditionnels locaux. Mais malheureusement ces abattoirs sont de moins en moins nombreux. La majorité des ateliers de découpe appartiennent aujourd'hui à des grands groupes industriels qui pratiquent bien évidemment l'abattage à la chaine, et seule compte la notion de rentabilité.
Mais d'autres éleveurs bio disent qu'ils font leur travail et respectent bien tous les critères qui leur permettent d'avoir la labellisation bio, et estiment que le transport et l'abattage ne sont pas de leur responsabilité mais de ceux qui achètent les animaux et qui se chargent de les faire abattre.
Qui a raison ? Quelle que soit la réponse nous voyons bien qu'il y a un vide, un manque de traçabilité entre le moment ou les animaux arrivent à l'abattoir et la mise en vente de la viande : ou l'animal a-t-il été abattu ? Par quelle méthode ? Par quelle société ?...
Alors que faire ? Supprimer le label bio des viandes obtenues par l'abattage direct sans étourdissement ? Demander aux organismes certificateurs qui délivrent le label AB (Ecocert, Nature et Progrès...) d'intégrer la méthode d'abattage dans les critères de traçabilité et de certification ? Exiger que les étiquettes de viandes bio indiquent la méthode d'abattage ?
Les consommateurs de viandes bio ont droit à une information claire pour choisir leurs produits, et bien entendu indépendante de toute considération religieuse ou politique.
Aujourd'hui ils ne l'ont pas. Ces questions vont devoir être traitées rapidement.
Hervé de Malières