Air Méditerranée victime d’un changement d’époque.
C’est une sale affaire, pleine d’incompréhensions, d’erreurs de jugement, de commentaires abscons : Air Méditerranée, en très mauvaise posture, cherche à survivre grâce à une opération de relocalisation en Grèce, avec l’aide technique de sa filiale Hermes Airlines. Environ 85 licenciements vont affecter les personnels navigants et, puis telle est la règle, une proposition de reclassement leur sera faite, en Grèce, au niveau salarial local.
Ce dossier «Air Med», qui a déboulé sans prévenir dans l’actualité aérienne et sociale, tient de la caricature bien involontaire d’un système victime de ses errements, de ses contradictions en même temps que d’un phénomène de mémoire courte. Créée en 1997, Air Med a sans doute été bâtie sur une fausse bonne idée, mais avec une énorme bonne foi, par une équipe qui n’est pas très bonne en histoire. Sans quoi elle aurait opté pour une toute autre stratégie. Comment, en effet, résister à la concurrence de compagnies issues d’économies low cost avec des coûts bien français ? C’est évidemment impossible.
Or le monde particulier des charters ignore encore mieux les frontières que celui des compagnies régulières à bas coûts et bas tarifs. Dans un cadre totalement déréglementé, aucune formule n’est vraiment efficace et il ne suffit pas d’appliquer des grilles salariales minimales et de «densifier» des avions (A321 à 220 sièges, A320 à 180 sièges) pour gagner sa vie tout en pratiquant des prix très bas. Air Med le prouve à ses dépens.
Pourquoi est-il utile d’être bon en histoire, de connaître ses classiques ? Tout simplement parce que le secteur charter français, quasi inexistant depuis belle lurette, a déjà connu une solide défaite quand les compagnies du Maghreb sont entrées en scène. AOM, Point Air et d’autres avaient déjà été balayées et seule restait en lice Air Charter International (ACI), filiale d’Air France et Air Inter, «instrument choisi de la compagnie nationale et de la compagnie intérieure sur le front du transport aérien à bon marché» (1). Habilement menée par Jean-Didier Blanchet, ACI connut une petite quinzaine de bonnes années avant de baisser la garde devant les nouveaux venus.
Puis l’ennemi a changé de visage avec l’arrivée fracassante de Ryanair et EasyJet. Une tentative de résurrection d’ACI a été confiée à Transavia.com, avec des résultats timides. Mais que pouvait faire Air Med dans cette galère ? Rien de probant, face au rouleur compresseur low cost anglo-irlandais laissant au mieux un strapontin aux prétendants marocains, tunisiens et algériens. L’énumération des principales destinations desservies par Air Med disent tout, Alger, Oran, etc., se trouvant en tête de liste.
A sa manière, dans un geste désespéré de tentative de survie, Air Med tente aujourd’hui de trouver son inspiration dans la méthode low cost. Elle ne pouvait le faire, d’un point de vue strictement arithmétique, qu’en délocalisation tout ce qui peut l’être. Le personnel navigant, tout d’abord, les avions, ensuite. D’où la formule Hermes Airlines, hypocrite mais logique. Les accusations de dumping social sont fondées, certes, mais on attend encore le génie du transport aérien français en mesure de proposer une formule légale acceptable et suffisamment efficace. En clair, Air Med est bel et bien bloquée dans une dangereuse impasse.
Pierre Sparaco - AeroMorning
(1) Robert Espérou, Histoire du transport aérien français, Pascal Galodé Editeurs.