Mais ce n'était pas tout.
D'abord, ce fut la rage.
Dès mardi matin, puis tout au long de la journée, les réactions furent à droite: « impôt spoliateur », « fuite en avant fiscale », etc... Quelques éditorialistes de renom, comme Jean-Michel Aphatie, s'ajoutèrent au troupeau des effrayés.
Jacques Séguéla, l'admirateur de Rolex et zélote du Monarque, parla même de « racisme financier ». Rien que ça. Ces gens-là n'ont pas compris la rage.
En fin de journée, juste avant d'entrer en meeting, Nicolas Sarkozy lui-même évoqua « une impression d'improvisation, de précipitation, pour tout dire d'amateurisme qui est assez consternante ». En fait d'improvisation, la mesure avait été réfléchie et préparée. Dès lundi 14 heures, quelques millions de tracts du parti socialiste étaient imprimés. Le candidat socialiste avait simplement peaufiné sa surprise en très petit comité durant le weekend. La critique de Sarkozy tombait à plat.
Sur l'estrade du Zenith de Montpellier, il sombra dans la caricature lors d'un meeting que d'aucuns jugèrent raté: « Payer davantage ceux qui travaillent plus (…), c'est le contraire de cette folie égalitariste, de cette folie du nivellement qui nourrit cette folie fiscale qui s'en prend au talent, à la réussite, à l'esprit d'entreprise (…), qui isole la France du reste du monde. »
Ensuite, l'inquiétude.
Le quotidien économique Les Echos, mercredi matin, titra sur cette France qui « pourrait devenir le pays qui taxe le plus les riches ». Fichtre ! Pire que Cuba, la Corée du Nord et le Vénézuela réunis ! Sans surprise, le Figaro titra « Fiscalité: Hollande joue la surenchère ». Le quotidien de Serge Dassault s'exerça à une revue partielle de la presse anglo-saxonne et financière (Wall Street Journal, Financial Times, The Economist) pour illustrer combien l'homme inquiétait la finance internationale. Etait-ce bien raisonnable ?
On mobilisa aussi quelques richissimes footeux ou leurs représentants. Jean-Pierre Louvel, président de l'Union des clubs professionnels (UCPF), s'inquiéta de « l'affaiblissement » des clubs: « Le plus grave, c'est que l'on ne gardera même pas les jeunes talents ». Peu avares en contre-vérités, certains supporteurs expliquèrent que ce nouvel impôt était même injuste: « Dissuader les hauts salaires de venir en France, c'est se priver d'une source de revenus importante puisque ce sont eux qui payent le plus d'impôts ». Vraiment ? Samuel Laurent, pour le Monde, rappelait que le taux moyen de prélèvement fiscal des 0,01% de foyers les plus aisés (qui étaient 3.523 en 2009, avec plus de 1 million d'euros de revenu fiscal) est de ... 17,5%. La France dispose actuellement du taux marginal de l'Impôt sur le revenu les plus bas de la zone euro.
On se croyait en 1981, quand certains nous promettait les chars soviétiques sur les Champs Elysées si François Mitterrand était élu. On sentait la panique.
Le plus étonnant était que les estimations de l'impact fiscal variaient considérablement d'une critique à l'autre. On se rabattra sur celles des Echos: 200 à 250 millions d'euros par an, une mesure qui « se situe entre le symbole politique et le rendement budgétaire » commenta le journal.
Sur fond, il fallut rappeler qu'un taux marginal ne porte que ... sur la marge. En d'autres termes, les 75% ne porteraient que sur la fraction de revenu (par foyer fiscal) supérieure à un million d'euros par an.
Pourquoi cet effroi ? Un signe de nervosité ? Non seulement la proposition Hollande avait surpris, mais elle s'était imposée dans l'agenda politique, et avait replacé l'équipée sarkozyenne dans le camp des Riches.
Un vrai désastre !
La semaine était vraiment gâchée.
Mardi, il avait oublié de lire un paragraphe entier de son discours de Montpellier sur l'Education. Il y promettait la fin du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux pour les écoles primaires et maternelles. Cette mesure aurait été l'unique réelle nouveauté du jour tant le reste du discours semblait un copié/collé des promesses de 2007. On aurait pu se demander si le candidat sortant envisageait du coup d'accroître l'effort de réduction de postes sur les collèges et lycées...
Autre coup bas, coup dur ou coup du sort, le Conseil Constitutionnel avait censuré la pénalisation de la négation du génocide arménien, une mesure sur laquelle il comptait pour s'attirer les faveurs des quelques 450.000 Français d'origine arménienne. Le Monarque a tout de suit annoncé qu'il «rencontrera prochainement les représentants de la communauté arménienne de France», et qu'il avait « chargé le gouvernement de préparer un nouveau texte, prenant en compte la décision du Conseil constitutionnel».
Mercredi, un sondage pour Paris-Match l'affectait d'une baisse d'intentions de vote. Et il reste le candidat où les soutiens fermes et définitifs sont les plus faibles. L'élan, déjà maigre, donné à sa campagne depuis son coming out il y a 15 jours serait-il retombé ?
Dans le Canard Enchaîné du jour, une des ministres du président sortant était surprise en flagrant délit de figuration. Nadine Morano, ministre de l'Apprentissage, n'avait pas supporté, lundi dernier, de visiter un chantier qui tournait au ralenti. Cela ne faisait pas propre pour les clichés médiatiques qu'elle espérait nombreux. Elle réclama des « renforts » de figurants au préfet de Meurthe-et-Moselle, qui lui dépêcha une cinquantaine d'agents d'entretien. Elle avait appris à la bonne école...
Mercredi toujours, l'Assemblée nationale adoptait définitivement la hausse de 13 milliards d'euros de la TVA. Le jour où tous les grognards du candidat Sarkozy se jetaient sur la proposition Hollande d'augmenter de 250 millions d'euros par an la pression fiscale sur les 0,01% plus riches du pays.
Deux poids, deux mesures ?