Ma Mor est morte, de Paul de Brancion
Publié le 29 février 2012 par Onarretetout
Hamlet, prince du Danemark, est un héros de la langue anglaise. Paul de Brancion n’est sans doute pas ce fils à qui le père demanderait vengeance. Il est fils d’une mère dont il dit à plusieurs reprises avoir ou avoir eu honte et d’un père qu’il nomme la plupart du temps le « vieux panard ». Et s’il avoue ne pas imaginer ses parents faisant l’amour, ce n’est pas seulement cette impossibilité commune, c’est qu’il ne les imagine pas du tout capables d’amour. Mais ce serait un faible argument pour ce livre. La douleur est si profonde qu’elle ne trouve pas les mots qui la traduiraient. Alors, l’auteur cherche à la contourner et, pour cela, puise dans trois langues, la française, l’anglaise et la danoise. Et c’est ainsi que vient à l’esprit Hamlet. Cependant, ce n’est pas le père qui est mort. C’est la mère. Or, en danois, la langue du pays où a vécu l’auteur, mère se dit Mor. Mor est morte, elle est enfin, par le truchement des langues, ce qu’elle devait être. Bien que cela ne serve à rien : morte elle échappe à toute haine.
Comment lire un livre dont le texte enchevêtre trois langues ? Parfois en commençant par la page de gauche qui porte la version originale et en s’y débattant comme on peut ; parfois en commençant par la page de droite qui porte la version française, comme on aspire de l’air avant de plonger. Accepter ces règles « parce qu’il n’y a pas moyen de s’y soustraire ». Et progresser, non sans difficulté, dans ce récit poétique fait de courts textes, en y voyant un peu plus de page en page.
« Qui a prononcé les mots ? Qui les a transcrits ? Qui m’a donné la langue en quoi je me débats ? Mor. C’est une lutte pour la survie où les mots sont seuls capables de délivrer. » Et la violence des souvenirs se heurte à l’intelligence de mots de langues différentes. « Never Mor »