Wood - Kelly © Guy Delcourt Productions - 2010
Elle s’appelle Megan McKeenan. Son nom, c’est la seule chose qui la raccroche au monde.
A 20 ans, Megan est une fugueuse. Elle fugue depuis toujours. Vers 12 ans, elle est partie au fond du jardin, « c’était la première fois que je fuguais. Je suis allée jusqu’au chêne, devant la maison. Partie quatre heures et, au crédit de ma mère, elle n’est pas venue me chercher. Bien que sur le coup, ça m’ait vraiment blessée ». La suite n’est qu’un enchainement de faux-départs et de retours jusqu’à ce jour où, suite à une altercation avec son ex-petit ami toxicomane, Megan décide de partir pour de bon.
Que fuit-elle ? La vie et toutes ses attaches possibles. De ville en ville, une année par ville, elle va parcourir tout le Nord des États-Unis. Un long voyage à la recherche d’elle-même.
Voici un épais volume (320 pages) qui va nous faire parcourir les États-Unis d’Ouest en Est sur une période d’une décennie. Le voyage se fait aux côtés d’une jeune femme audacieuse. Lorsque le lecteur fait sa connaissance, elle est insouciante et peu à peu, nous allons voir comment elle gagne en maturité.
On débute cette lecture avec une seule information : elle part sur un coup de tête, lasse des pressions de son mec en manque de dope. On ne saura rien de plus durant plusieurs chapitres mais peu à peu, son histoire personnelle et familiale se dévoile à nous et interpelle. Elle semble choisir ses destinations au hasard et n’avoir aucune attache affective. Débrouillarde, elle trouve une collocation et un petit job dans chacune des villes où elle se pose. J’ai immédiatement accroché avec ce personnage mystérieux et qui a de la prestance.
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Depuis plusieurs années, Brian Wood a peu à peu imposé son nom dans l’univers des comics publié en France. Il signe notamment les scenarii de DMZ, Supermarket et Northlanders. Avec Local, il signe un road-trip très prenant. Il développe et donne vie à un personnage féminin touchant dont le parcours interpelle. L’album est découpé en 12 chapitres : un par ville et une ville chaque année.
Encore une ville à rayer de la liste, un billet de train à acheter. Encore un “nouveau départ”. Combien de fois as-tu décampé en ne laissant derrière toi qu’un mot minable ? Tu vas recommencer ? Te réduire à une anecdote marrante pour un groupe d’inconnus ?
Même avec des gens, j’avais toujours l’impression d’être une étrangère. Je me sentais seule. On n’est jamais aussi seul que quand on se sent déconnecté au milieu des autres.
Graphiquement, les dessins de Ryan Kelly collent parfaitement au rythme narratif. Le dessinateur est parvenu à créer une ambiance propre à chaque ville traversée par Megan. De plus, en fin d’album, on prend la mesure de l’évolution de son trait : il s’est affirmé et il a mûri en parallèle du personnage qu’il met en scène. Une lente métamorphose qui contribue à investir ce personnage itinérant, comme si Ryan Kelly avait cheminé avec son personnage durant les deux années qu’il a consacré à cet album. Le visage de l’héroïne va progressivement quitter ses rondeurs pour s’affiner, les rides d’expression vont apparaître et ainsi faire le deuil d’une certaine superficialité. Un cheminement graphique logique qui délaisse l’importance du paraître de l’adolescence pour s’attarder sur l’Être et sur son devenir.
Une lecture que je partage avec Mango et les lecteurs du mercredi
Je ferais volontiers le parallèle avec La Perdida (Jessica Abel) qui présente une démarche similaire (quête de soi, quête des autres, remise en question permanente) et cela me conforte dans l’idée que je devrais creuser du côté de l’album de Saulne que présentait Noukette en février.
La chronique de Champi, L’Art en bulles, Enna, Jean-Mi.
Extraits :
“T’as besoin de gâcher la vie de tout le monde rien que pour te sentir un peu mieux dans la tienne” (Local).
“Les autres voudraient qu’on fasse les mêmes choix qu’eux. Ils voudraient qu’on fasse comme eux, pour les rassurer sur le fait qu’ils ont pas merdé. Ne laisse personne te persuader de faire ça. Tu dois faire ce qui est bon pour toi, même si ça veut dire quitter des gens, brûler des ponts, couper des liens. Sinon, tu ne te le pardonneras jamais. On n’a qu’une seule chance. Saisis la tienne quand tu peux et ne la plante pas” (Local).
Local
Éditeur : Delcourt
Collection : Contrebande
Dessinateur : Ryan KELLY
Scénariste : Brian WOOD
Dépôt légal : septembre 2010
ISBN : 978-2-7560-2050-1
Bulles bulles bulles…
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–––Local – Wood – Kelly © Guy Delcourt Productions – 2010