[Feuilleton] Mont Ruflet d'Ivar Ch'Vavar - 35/41

Par Florence Trocmé

Mont-Ruflet 
poème-feuilleton d’Ivar Ch’Vavar 
35e épisode 
Résumé de l’épisode précédent : Alice forcée, Alice violentée, Alice piétinée par la meute et livrée à la Beste... mais Alice sauvée, Alice rédimée, Alice traversant le parc du château, légère, légère, et tombant en arrêt, pâmée, devant le bombement sous-ventral du Prince Charmant... Mais est-ce que les poètes ont le droit de raconter des histoires ? 
 
Ticité ne prête pas au doute ?... Cosmogonies et épopées, fables 
Contes, récits divers et même d’été ? Pourquoi pas ? Est-ce que,   (1770) 
Ainsi faisant, il n’aurait pas une chance de faire nettement moins 
Chier
, Camarades, le lecteur ? Un peu de pitié pour lui, à la fin !    
Le lecteur, je veux dire ; dont le grand poète J.  Roubaud nous a    
Pprend -  dans une double page du « Monde diplomatique »   - 
Que c’est à cause de lui (toujours le lecteur), clampin, feignasse 
Et incurieux – que la poésie n’est pas lue. Peut-être, ça n’est pas 
Entièrement faux...Mais regardons la réalité en face, ne croyez- 
Vous pas que c’est fatigant, à la longue (et tout poète, étant éga 
Lement lecteur de poésie, connaît cette expéri.ence), de n’ouvri 
R une plaquette que pour sentir ses paupières battre, ses yeux i      (1780) 
Nexorablement se clore et la plaquette en question qui te glisse  
Des mains ? C’est du reste devenu un réflexe conditionné, vous    
Tirez des rayons un livre tel et... vous vous sentez du flou au ni 
Veau des creux poplités il vous faut écarquiller les yeux pour é 
Viter que vos paupières ne se collent de suite l’une à l’autre.. et 
D’une main remettre en place votre maxillaire inférieur désarti 
Culé par un bâillement intempestif et prolongé...Oui : « Les Po 
Ètes sont chiants comme il n’est pas possible », comme l’écrivit  
Roland Wulverdinghe dans le n°2 de L’Invention de la Picardie i  
L y a vingt-cinq ans déjà, presque.Et le constat reste d’actualité      (1790) 
Si ce n’est que le bluff poétique est encore plus culotté, qui veut    
Nous faire croire que si nous ne trouvons dans ces textes que vi    
De et ennui, c’est parce que nous sommes trop cons et fainéants 
Et beaucoup de naïfs tombent dans le panneau : ils ne pourront 
Jamais s’avouer qu’ils n’y comprennent rien et s’emmerdent, et, 
Même...  n’y rien piger + se faire consciencieusement chier voilà 
Les signes par lesquels ils en sont,  fatalement,  arrivés à décider 
Qu’un écrit est un vrai poème, pourvu qu’il soit court,  aussi, et 
Qu’il y ait beaucoup de blanc autour et dedans. « Fatalement », 
Oui, mais sans doute ce mot est-il trop noble, pour désigner  un   (1800) 
Processus tout simplement pavlovien.  En mon jeune temps j’ai,    
C’est vrai, passablement salivé,  et je ne veux me gausser de per    
Sonne. Mais les années passant, les écailles me sont tombées des 
Yeux, tant les livres des poètes  (y compris plusieurs des miens)  
Ne cessaient de me tomber des mains. Mais je reviens à la ques 
Ti.on que je posais pour commencer : Et pourquoi les poètes ne 
Raconteraient-ils pas des histoires ? Je ne faisais pas allusion au 
Grand bluff poétique, mon interrogation était au premier degré 
Et, posée de telle sorte, appelait la réponse : oui, pourquoi pas ? 
Et, de fait, oui, pourquoi pas ? Je constate, en tout cas, que de jeu  (1810) 
Nes poètes en reviennent à l’épopée, et certes je ne vais pas m’é    
Tonner que ce soit justement à l’heure où on nous a tiré le tapis    
De l’Histoire sous les pieds (de l’Histoire, avec un grand H), et, 
Où nous avons roulé cul par dessus tête sur le bas-côté. ‒ Voilà 
Beaucoup de discours pour dire qu’il ne faut pas avoir peur de 
Raconter: ainsi aggravé-je mon cas (car le discours lui non plus 
N’est admis, par ceux qui nous disent ce que ne doit pas être la 
Poésie). Je profite de l’opportunité qui se présente ici et me tou 
Rne vers Florence Trocmé, mon hôtesse. Tout d’abord, je la féli 
Cite pour son indépendance d’esprit et son culot. Me proposer   (1820)

épisode 36 le vendredi 2 mars 2012