Mont-Ruflet
poème-feuilleton d’Ivar Ch’Vavar
35e épisode
Résumé de l’épisode précédent : Alice forcée, Alice violentée, Alice piétinée par la meute et livrée à la Beste... mais Alice sauvée, Alice rédimée, Alice traversant le parc du château, légère, légère, et tombant en arrêt, pâmée, devant le bombement sous-ventral du Prince Charmant... Mais est-ce que les poètes ont le droit de raconter des histoires ?
Ticité ne prête pas au doute ?... Cosmogonies et épopées, fables
Contes, récits divers et même d’été ? Pourquoi pas ? Est-ce que, (1770)
Ainsi faisant, il n’aurait pas une chance de faire nettement moins
Chier, Camarades, le lecteur ? Un peu de pitié pour lui, à la fin !
Le lecteur, je veux dire ; dont le grand poète J. Roubaud nous a
Pprend - dans une double page du « Monde diplomatique » -
Que c’est à cause de lui (toujours le lecteur), clampin, feignasse
Et incurieux – que la poésie n’est pas lue. Peut-être, ça n’est pas
Entièrement faux...Mais regardons la réalité en face, ne croyez-
Vous pas que c’est fatigant, à la longue (et tout poète, étant éga
Lement lecteur de poésie, connaît cette expéri.ence), de n’ouvri
R une plaquette que pour sentir ses paupières battre, ses yeux i (1780)
Nexorablement se clore et la plaquette en question qui te glisse
Des mains ? C’est du reste devenu un réflexe conditionné, vous
Tirez des rayons un livre tel et... vous vous sentez du flou au ni
Veau des creux poplités il vous faut écarquiller les yeux pour é
Viter que vos paupières ne se collent de suite l’une à l’autre.. et
D’une main remettre en place votre maxillaire inférieur désarti
Culé par un bâillement intempestif et prolongé...Oui : « Les Po
Ètes sont chiants comme il n’est pas possible », comme l’écrivit
Roland Wulverdinghe dans le n°2 de L’Invention de la Picardie i
L y a vingt-cinq ans déjà, presque.Et le constat reste d’actualité (1790)
Si ce n’est que le bluff poétique est encore plus culotté, qui veut
Nous faire croire que si nous ne trouvons dans ces textes que vi
De et ennui, c’est parce que nous sommes trop cons et fainéants
Et beaucoup de naïfs tombent dans le panneau : ils ne pourront
Jamais s’avouer qu’ils n’y comprennent rien et s’emmerdent, et,
Même... n’y rien piger + se faire consciencieusement chier voilà
Les signes par lesquels ils en sont, fatalement, arrivés à décider
Qu’un écrit est un vrai poème, pourvu qu’il soit court, aussi, et
Qu’il y ait beaucoup de blanc autour et dedans. « Fatalement »,
Oui, mais sans doute ce mot est-il trop noble, pour désigner un (1800)
Processus tout simplement pavlovien. En mon jeune temps j’ai,
C’est vrai, passablement salivé, et je ne veux me gausser de per
Sonne. Mais les années passant, les écailles me sont tombées des
Yeux, tant les livres des poètes (y compris plusieurs des miens)
Ne cessaient de me tomber des mains. Mais je reviens à la ques
Ti.on que je posais pour commencer : Et pourquoi les poètes ne
Raconteraient-ils pas des histoires ? Je ne faisais pas allusion au
Grand bluff poétique, mon interrogation était au premier degré
Et, posée de telle sorte, appelait la réponse : oui, pourquoi pas ?
Et, de fait, oui, pourquoi pas ? Je constate, en tout cas, que de jeu (1810)
Nes poètes en reviennent à l’épopée, et certes je ne vais pas m’é
Tonner que ce soit justement à l’heure où on nous a tiré le tapis
De l’Histoire sous les pieds (de l’Histoire, avec un grand H), et,
Où nous avons roulé cul par dessus tête sur le bas-côté. ‒ Voilà
Beaucoup de discours pour dire qu’il ne faut pas avoir peur de
Raconter: ainsi aggravé-je mon cas (car le discours lui non plus
N’est admis, par ceux qui nous disent ce que ne doit pas être la
Poésie). Je profite de l’opportunité qui se présente ici et me tou
Rne vers Florence Trocmé, mon hôtesse. Tout d’abord, je la féli
Cite pour son indépendance d’esprit et son culot. Me proposer (1820)
épisode 36 le vendredi 2 mars 2012