« Qui part de Tatei Kie à destination de Hayukarita trouvera devant soi une haute colline qu'on appelle Tiirikie . Aucune autre colline en ces parages n'est aussi haute et imposante, rien qu'un amoncellement de petites collines couvertes de pins et de pierres. Avant même d'atteindre la moitié du trajet la terre devient blanche. Les gens de là-bas disent que c'est pour la couleur de cette terre que nos dieux choisirent ce lieu pour y vivre et que, s'en étant rendu maîtres, ils couvrirent de noms sacrés tout l'espace de Hayukarita. Il disent aussi que tout ce qui vit et pousse en ces lieux leur appartient. Lorsque arrive le temps de la froidure tout y semble raidi et comme garrotté, un vent fort et sinistre passe en secouant les pins gelés et même l'eau hésite entre continuer sa course ou s'arrêter tout à coup à cause du froid qui la prend par le dehors et par le dedans. On trouve par là des profondeurs où coulent les ruisseaux et des plateaux élevés où les vents légers se divertissent en se glissant librement par toutes les directions.
Même si je savais tout cela de bouche à oreille, j'en ai touché un mot à mon grand-père. « Nous allons nous mettre en route pour connaître Hayukarita », m'avait-il souvent dit sans pour cela se décider à m'emmener. Le moment parut enfin venu : disposé a tout je cheminais enfin derrière mon grand-père. On marche d'abord un peu sur le plat puis il faut grimper jusqu'à un plateau assez régulier, enfin on descend un moment pour arriver a destination. La variété des paysages était si grande et si abondante l'information que me donnait mon grand-père que je ne ressentis aucune fatigue.
« Là-bas à Hayukarita tu sauras ce que c'est que d'avoir froid La grande colline, tu vas la voir de près. Les gens disent que le froid vient d'elle, que c'est la raison du froid de là-bas. Mais bon, allons-y et tu le sauras par toi-même. Là-bas c'est bien plat. 11 y a un grand tuki, un temple cérémoniel, entouré d'oratoires Hayukarita est comme une grande cape blanche et froide. Tes yeux vont le vérifier par eux-mêmes ».
De tout cela mon grand-père m'entretenait pendant que nous marchions. Par moments il gardait le silence ou alors sa voix allait s'éteignant jusqu'à se perdre dans le frottement de ses sandales. Il marchait sans faire de pauses.
Mon grand-père montrait avec sa main les lieux qu'il nommait. Le temps que j'en localise un il m'en avait déjà dit trois autres et je me sentais un peu perdu. J'avais beau m'efforcer de suivre du regard la direction de sa main, je ne parvenais pas à fixer ces lieux cachés mais seulement des silhouettes de collines et des grosses taches sur la terre. J'arrivais pourtant parfois, me concentrant sur quelques détails, à identifier quelque colline, rivière, champ, bosquet ou rocher...il n'en finissait pas de nommer de tous les côtés et termina par le côté sud jusqu'à revenir là où nous nous trouvions, sur une colline qui porte le nom de Tetsuraiime.
« Par où tu marcheras tu trouveras encore d'autres noms Mais, bon, tu es ici pour connaître. Que c'est beau ! Combien de pâturages, d'arbres et toutes ces variétés de fleurs après les, grandes pluies ! Les habitants de cette contrée ont la bonne fortune de vivre en un paradis où les accompagnent toujours Tatutsima et Tateteima (ancêtres mythiques) qui, je te l'ai dit, ont élu ce lieu. Prés des gens de Hayukarita sont les maisons des dieux. Même si tu viens en saison sèche, l'air est trop frais pour que la sueur te perle du visage. Les gens d'ailleurs qui passent la nuit ici se réveillent emmitouflés dans leurs couvertures alors que les natifs se promènent dans leur cour sans que le froid les importune. L'obscurité tombe vite, dès la fin de l'après-midi alors que plus à l'est le soleil brille toujours, mais l'aube vient comme partout ailleurs. Ici « Notre Créateur » Soleil prend congé plus tôt. Il salue et prend congé des gens de Hayukarita, puis de « Notre Grand-Père » Feu et aussi de Tatei Haramara, « Notre Mère » l'océan Pacifique, de Tatei Xapawiyeme, « Notre Mère » la pluie du sud, de Tatei Nii'ariwawe, « Notre Mère » pluie de l'orient et éclair du ciel, et aussi de ceux qui vivent au tuki (temple cérémoniel)de Pariya, qui est le point de l'aube ; et il n'oublie pas non plus les ancêtres de, qui eux vivent vers le nord. Il en salue encore beaucoup d'autres, surtout ceux qui vivent dans le tuki des habitants de Hayukarita. Avec l'aide des esprits de Turikie la grande colline, « Notre Créateur » parvient à quitter les gens de Hayukarita. C'est depuis le début des temps la mission de Tiïrikie : aider « Notre Créateur » Soleil et laisser ainsi en repos les dieux de Hayukarita… »
« Nous descendîmes la colline en nous laissant entraîner vers l'avant ; nos pas enfonçaient les feuilles desséchées et craquantes, parfois le chemin disparaissait sous leur abondance puis se laissait à nouveau voir un peu plus loin. Il était environ midi : l'ombre n'était nulle part ailleurs qu'à nos pieds.
De nouveau je me laissai distancer. Lorsque je sentais mon grand-père trop loin je courais pour le rejoindre et il renouait alors le fil de sa narration :
« Quand j'étais jeune, je faisais déjà tout ce chemin à pied. Je n'ai jamais cessé d'y venir, jamais cessé de porter des offrandes là-haut où sont les tukis(temples). Souviens-t-en plus tard : c'est aux jours de cérémonies que je vous y emmène vous tous, ma famille. Car je suis d'ici et je suis fier de ce lieu si magnifique ; j'ai la chance de savoir que je suis d'ici et c'est la raison pour laquelle je veux que tu gardes tout cela bien en mémoire ».GABRIEL PACHECO CONTES MODERNES DES INDIENS HUICHOLES.L'HARMATTAN.
Le peuple wirârika se divise en cinq communautés complètement indépendantes les unes des autres, avec chacune ses autorités religieuses et civiles propres, ainsi que son propre territoire : San Andrés, Santa Catarina, San Sébastian, les principales, et deux moins importantes, Tuxpan et Guadalupe Ocotân.
Le cœur de la vie civile et religieuse de chaque communauté est son village politico-cérémoniel, petit groupe de constructions avec son « temple », aussi l'église construite par les missionnaires espagnols, et maintenant souvent en ruine , la maison communale et quelques habitations où vivent les autorités civiles pendant la durée de leur charge. Le reste de la population vit dispersée sur toute l'étendue du territoire de la communauté dans de petits groupes de huttes, les « ranchos » ou « rancherias », et ne se réunit au village qu'à l'occasion des fêtes et des cérémonies. Dans chaque rancho, il y a un ou plusieurs oratoires. Sur l'ensemble du territoire huichol, il y a une vingtaine de temples. Chaque communauté comporte un groupe plus ou moins important de ranchos et de petits hameaux où vivent, sous l'autorité d'un homme âgé, en général le grand-père, des noyaux d'Indiens unis par des liens de parenté.
La vie des Huichol est régie par deux groupes d'autorités, civiles et religieuses. Au sommet de la hiérarchie civile, se trouve le «le gouverneur » qui, ainsi que les autres autorités civiles, est élu pour un an et exerce sa charge sans rémunération. Le pouvoir religieux est partagé entre les prêtres du temple, gardiens du bol votif et des divinités vénérées. Mais en réalité le pouvoir suprême est détenu par un conseil d'Anciens, composé de prêtres-chamans, qui, durant leur vie, ont occupé les charges les plus hautes, tant religieuses que civiles. Ils sont les responsables de l'élection des nouvelles autorités.
« Les visiteurs de la sierra qui ont cheminé jusqu'à ses grottes situées dans les espaces les plus inaccessibles, à l'abri de la violence militaire et du fanatisme catholique, se racontent leurs marches comme d'authentiques exploits, avouant qu'ils ont terminé le voyage, épuisés, à dos d'âne ou de mule. Tous témoignent, lorsqu'ils ont voulu se risquer seuls, de leurs errances, de pertes de repères qui peuvent entraîner en des parages encore plus désolés. Les Huicholes rient quand nous leur contons nos tribulations. Ils ne peuvent prendre au sérieux des gens incapables de s'orienter. Savoir où l'on est, c'est pour eux le propre de l'homme.
Quand j'ai été trop longtemps absent de la sierra, la vie de là-bas m'apparaît d'autant plus âpre, austère. Je regrette le confort urbain, la nourriture facile, les nuits douillettes, ma famille et mes amis. C'est par la marche que je retrouve le rythme, que je réapprend un certain sens du sacrifice qui précède l'énergie retrouvée et l'éclaircie mentale. Je veux raconter l'une de ses marches, non par narcissisme (on va voir que je ne fus pas brillant), mais justement parce que celle-ci fut sans doute la plus difficile, me confirmant mes limites physiques et mentales, mais aussi la plus belle, m'enseignant la rigueur et l'authenticité de la vie religieuse de mes hôtes. »DENIS LEMAISTRE.LE CHAMANE ET SON CHANT.L'HARMATTAN.
A l'instar de ceux des Aztèques les mythes locaux content que toute la culture et l'organisation sociale sont issues d'une longue marche. Tous les ancêtres fondateurs vinrent de l'ouest, de la mer : l'Océan Pacifique, tatei, « notre mère ». Des variantes soucieuses d'harmoniser passé préhispanique et passé colonial ajoutent qu'au-delà de la mer ils venaient d'Espagne, ou de Rome. Cette tradition sacrée que les Huichol se sont transmise oralement, de génération en génération, est riche d'indications sur le passé de la tribu. Il est néanmoins difficile d'en tenter l'interprétation : elle se présente en effet comme un ensemble extrêmement complexe où les éléments historiques et mythiques, réels et légendaires, provenant d'époques différentes, s'enchevêtrent, se superposent et se confondent. Des témoignages recueillis par les chroniqueurs, il se dégage que les Indiens conservaient vivant le souvenir de deux grands courants migratoires qui s'étaient succédé dans l'intervalle de quelques siècles : le premier fut celui dont firent partie les Toltèques, le deuxième comprenait plusieurs tribus guerrières parmi lesquelles les Mexica ou Aztèques.
A la mort du grand chef, des luttes intestines divisèrent le peuple de Marra Kwarri; son royaume se morcela et, à la suite de guerres et d'invasions, se réduisit considérablement.
Chez les Huichols le rapport à l'espace est toujours médiatisé par le mythe.Les différentes composantes spatiales ainsi que la position que les indiens y occupent, reçoivent leur signification par l'intermédiaire des récits, transmis oralement et qui expliquent l'origine du monde.
Celle-ci est marquée par des répartitions précises. Selon la conception des Huichol, l'univers est divisé en cinq Régions,« monde » horizontal (Heriepa) de la Terre Mère (Tatei Yurienaka) : le Sud, le Nord, l'Est, l'Ouest et la Région du Centre qui comprend le Haut et le Bas. Ces régions ne prennent sens qu'à travers leur mise en relation et leur complémentarité.
On peut percevoir l'importance et la polyvalence de l'actions symbolique de délimiter .Elle signifie donc, dans ce cas précis, le fait de différencier le domaine du sacré et faire émerger le domaine du profane
Dans chacune des Régions que conçoivent les Huichols, vivent ainsi des groupes d'entités ou « Puissances » .
Les « Grandes Puissances » de l'Univers ont chacune leurs plantes et leurs animaux, ainsi que de nombreux aides, émanations de leurs pouvoirs. Mais avec le temps, plusieurs de ces esprits auxiliaires, ont acquis une personnalité propre et sont devenus l'objet d'une fervente vénération; ils ont ainsi donné origine à un culte qui n'est pas sans rappeler, par certains aspects, celui des saints de la religion catholique. Au «monde-autre»se rattachent ainsi des particularités locales qui donnent chaque fois sens à l'espace. Ainsi les « kakauyarja », entités qui constituent la trace d'une époque mythique antérieure, sont éparpillées à la surface de la terre, dans des lieux comme les roches, les grottes où encore les cours d'eau.
"Comme le dit la tradition, au commencement des temps, sur un univers envahi par l'eau régnaient le chaos et les ténèbres. Grâce à la pensée puissante des dieux, à leurs actions magiques, la terre réussit peu à peu à émerger de l'immense mer primitive, à prendre sa forme actuelle, celle d'un disque entouré d'eau, à se consolider. De nombreuses générations d'hommes-animaux vivaient alors dans l'obscurité. Ces ancêtres participaient à la double nature d'êtres divins et d'animaux : hommes-scorpions, hommes-loups, hommes-coyotes, hommes-jaguars, hommes-pumas, hommes-araignées et les innombrables hommes-serpents qui, par leur variété et leur nombre, semblaient destinés à dominer le monde.
"Le premier grand événement qui bouleversa la vie des ancêtres-animaux fut l'apparition, sur la face humide et obscure de la terre, d'une forme lumineuse et mouvante. C'est ainsi que se montra, aux ancêtres émerveillés et terrifiés, le plus ancien des dieux, Tatotzi « Notre-Arrière-Grand-Père », le Feu primitif. Il surgit des profondeurs du monde inférieur, du nombril de la terre où il avait toujours existé. Avec l'Arrière-Grand-Mère Nakawé, déesse de l'Eau souterraine et de la Fertilité, ils forment le « couple primordial » dont sont issus tous les dieux et tous les ancêtres.
Lorsque le héros culturel des Huichol, le Frère-Aîné Kauyumâri, eut satisfait tous les désirs du Feu en lui offrant des flèches, des bols votifs et d'autres objets magiques, et en construisant un temple en son honneur, le Vieillard divin accepta alors de se sacrifier pour le bien des ancêtres. Il transmit ses pouvoirs à son fils Tatewari « Notre-Grand-Père », le Feu domestique, qui vécut désormais parmi les anciennes générations.
La présence du Feu changea profondément leur existence : ils purent s'éclairer, se réchauffer et préparer leurs aliments. C'est autour de Tatewerî que se forma et se développa la vie religieuse : dans le temple dédié au Feu, qui fut le premier tokipa édifié sur la terre, se constituèrent les premières autorités religieuses, que le Feu lui-même avait élues pour qu'elles le veillent et lui offrent prières, rites et nourriture sacrée. Chaque groupe d'ancêtres voulut ensuite construire son propre temple, au centre duquel brûlait le feu sacré, et élire ses autorités religieuses.
Plusieurs tentatives furent faites pour créer le jour, mais elles échouèrent toutes car, comme le dit la tradition, «ils manquaient de pouvoir et de magie». Ce fut encore le héros culturel Kauyumâri qui parvint à pénétrer les secrets de l'univers et à découvrir l'Enfant-Soleil. Cet enfant, fils du Feu et de la Terre, vivait parmi les ancêtres; sa prodigieuse habileté dans le maniement de l'arc et des flèches, son infaillibilité à frapper, lors des compétitions, le centre de la cible, permirent à Kauyumâri de reconnaître la nature divine du futur guerrier céleste. Par des rites magiques et des offrandes, il sut le convaincre de donner sa lumière au monde. Avant de s'immoler sur le bûcher purificatoire, l'Enfant-Soleil exigea qu'on lui construisît un temple et qu'on lui offrît du sang, des flèches, et beaucoup d'autres objets de pouvoir. Il élut les autorités civiles qui devraient gouverner le monde, modèle suprême dont s'inspireraient les générations futures.
Lorsque le Soleil se leva pour la première fois, il marchait près de la terre, et il aurait brûlé le monde si Kauyumâri ne l'avait repoussé vers le haut avec ses cornes de cerf, qui sont ses sceptres chamaniques. Avec la naissance de l'astre, un nouvel ordre cosmique fut créé. Plusieurs générations d'ancêtres, qui avaient lutté aux côtés des divinités des ténèbres, périrent et furent transformées en rochers, en animaux, en plantes.
Il y eut ainsi le jour et la nuit, la saison sèche et la saison humide. Les dieux s'étaient partagé l'univers. Mais le drame cosmique, la lutte titanesque des éléments continuèrent : déluge, inondations, sécheresse, calamités s'abattirent sur le monde. La vie n'aurait pu se perpétuer sur la terre si les grandes Puissances n'étaient arrivées à une sorte de compromis. Le Feu et le Soleil établirent leur pouvoir sur la saison sèche, les divinités de la Terre, de la Végétation et de l'Eau sur la saison humide. Mais, pour maintenir cet équilibre, ils exigèrent des ancêtres des sacrifices, des prières, des offrandes et des fêtes. A travers le héros culturel Kauyumâri, le dieu du Peyotl et de la Chasse Parîtzika, et le héros et législateur Marra Kwarri, ils imposèrent tous les rites que les Huichol doivent observer pour assurer le cycle des saisons et l'équilibre du monde". MARINO BENZI.LES DERNIERS ADORATEURS DU PEYOTL
Le soleil est donc postérieur aux autres formes de vie sur terre, telles que l'eau ou le vent, et son apparition a achevé le cycle de la création d'un cosmos en effet plongé dans le noir et appartenant au monde du bas. Le feu naquit par l'action et le sacrifice d'un enfant/dieu qui permit à la lumière et à la chaleur de se manifester sur la terre, mais dont le rayon d'action resta limité à un espace circonscrit, la région du milieu (Heriepa). Le soleil se manifesta alors, donnant lieu à une diffusion et à une généralisation de la lumière et de la chaleur sur la toute la terre. À l'instar de son parcours actuel, la naissance du soleil s'est déroulée selon un mouvement qui, partant du bas, le projeta vers le haut. Cette ascension associa dès l'origine le soleil au ciel et lui permit de faire vivre toute la terre et de régir l'équilibre .Le soleil, « doyen du cosmos », envoya alors ses propres «gardiens» dans les cinq régions du monde pour veiller sur l'humanité: les rouges au centre, les verts au sud, les noirs à l'ouest, les bleus au nord et les blancs à l'est. La nuit ces gardiens se montrent aux hommes sous la forme d'étoiles.
Les kakaijyari) sont tous les êtres vivants qui précédèrent ' apparition du soleil. Il n'y avait ni feu ni lumière ni jour. Les ancêtres Marchaient dans le froid, sous la clarté indécise de la lune. Celle-ci était issue du démembrement de l'ancêtre terrestre primordiale. Les ancêtres qui jetteront les bases de la culture vont tout d'abord ensemble, animaux et hommes non séparés, au point qu'il est difficile de les distinguer.
Lorsque naquit le soleil, les ancêtres qui ne se cachèrent pas devinrent hommes : ils reçurent les bâtons de commandement issus des rayons solaires. Wirikuta, à 500 kilomètres à l'est des communautés de la sierra, est cet espace miraculeux dominé par Reunaxu, le «volcan» aux pieds duquel s'étendent les champs du peyotl. C'est une plaine aride où poussent des cactus aux épines redoutables, que les peyoteros présentent comme les « gardiens » du peyotl, et des palmiers rabougris. Ici il n'y a ni maïs ni troupeaux. L'eau est rare. Les villages métis, aux murs d'une aveuglante blancheur, sont particulièrement pauvres. Mais la culture transfigure la nature. La vision illuminée, le nierika, transforme l'aridité en un tableau flamboyant Après l'étape culminante de Wirikuta, que le chant nomme aussi wa mxiïapa, « leur centre » (aux ancêtres), les « bisai'euls et vieux ancêtres » reviendront vers l'ouest, donnant naissance aux différents villages de la sierra. Leur mission accomplie, ils se sont « refroidis »— le mot « mort », , est absent des chants, sauf des chants proprement funéraires - et se sont dressés sous forme de pierres levées auxquelles leurs « descendants » continuent à porter offrandes et sang sacrificiel.
Les Wixaritari organisent ainsi leur perception de l'espace et du temps de façon unitaire et indissociable, selon l'idée, propre au paganisme que tout est imbriqué. De fait, chaque lieu constitue une empreinte de l'ensemble dans lequel il s'insère.
Chaque lieu est ainsi marqué culturellement et perçu comme l'émanation du principe unique et vital de l'existence.
« Mes bisai'euls, mes vieux ancêtres, on dit
que cette montagne est votre demeure ; vraiment
on dit que tout a commencé en cette montagne, que vraiment elle est votre demeure
Sur la plaine on cueille la « fleur »,
on le dit,
on dit qu'on y file la fleur,
qu'on y file les traces du cerf,
vraiment,
là où la montagne verdit,
là est votre demeure.
mes bisai'euls, mes vieux ancêtres,
vraiment,
levez-vous .'
Alors
je serai à votre écoute,
à tout ce qui se lèvera à Wirikuta,
à la montagne couverte de « fleurs »,
à la montagne couverte de rosés de Saint Jean.
Vraiment, là où ils se tiennent,
on dit que la montagne se couvre de cierges,
là-bas, là-bas où ils se tiennent,
que la montagne se couvre de « fleurs »,
que c'est vraiment là qu'ils apparurent,
et qu'ils se mettent en mouvement,
vraiment par là-bas,
et qu'ils sont toute écoute,
là-bas, là-bas où ils se tiennent. »
CHANT CHAMANIQUE.
Il est possible de comparer le rapport au territoire des Huichols avec le "REVE" aborigène ou avec la pensée Inuit.Cliquer pour ce faire sur la catégorie PENSEE/PAYSAGE.
Pour certaines photos:http://omananda.com/