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« NOUS VIVONS TOUS DE LA TERRE ET DU SOLEIL…de l'EAU et du FEU ».L’imaginaire de l’espace des indiens huichols

Publié le 29 février 2012 par Regardeloigne

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« Qui part de Tatei Kie à destination de Hayukarita trouvera devant soi une haute colline qu'on appelle Tiirikie . Aucune autre colline en ces parages n'est aussi haute et imposante, rien qu'un amoncellement de petites collines couvertes de pins et de pierres. Avant même d'atteindre la moitié du trajet la terre devient blanche. Les gens de là-bas disent que c'est pour la couleur de cette terre que nos dieux choisirent ce lieu pour y vivre et que, s'en étant rendu maîtres, ils couvrirent de noms sacrés tout l'espace de Hayukarita. Il disent aussi que tout ce qui vit et pousse en ces lieux leur appartient. Lorsque arrive le temps de la froidure tout y semble raidi et comme garrotté, un vent fort et sinistre passe en secouant les pins gelés et même l'eau hésite entre continuer sa course ou s'arrêter tout à coup à cause du froid qui la prend par le dehors et par le dedans. On trouve par là des profondeurs où coulent les ruisseaux et des plateaux élevés où les vents légers se divertissent en se glissant librement par toutes les directions.

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Même si je savais tout cela de bouche à oreille, j'en ai touché un mot à mon grand-père. « Nous allons nous mettre en route  pour connaître Hayukarita », m'avait-il souvent dit sans pour cela se décider à m'emmener. Le moment parut enfin venu : disposé a tout je cheminais enfin derrière mon grand-père. On marche d'abord un peu sur le plat puis il faut grimper jusqu'à un plateau assez régulier, enfin on descend un moment pour arriver a destination. La variété des paysages était si grande et si abondante l'information que me donnait mon grand-père que je ne ressentis aucune fatigue.

« Là-bas à Hayukarita tu sauras ce que c'est que d'avoir froid La grande colline, tu vas la voir de près. Les gens disent que le froid vient d'elle, que c'est la raison du froid de là-bas. Mais bon, allons-y et tu le sauras par toi-même. Là-bas c'est bien plat. 11 y a un grand tuki, un temple cérémoniel, entouré d'oratoires Hayukarita est comme une grande cape blanche et froide. Tes yeux vont le vérifier par eux-mêmes ».

De tout cela mon grand-père m'entretenait pendant que nous marchions. Par moments il gardait le silence ou alors sa voix allait s'éteignant jusqu'à se perdre dans le frottement de ses sandales. Il marchait sans faire de pauses.

 

Mon grand-père montrait avec sa main les lieux qu'il nommait. Le temps que j'en localise un il m'en avait déjà dit trois autres et je me sentais un peu perdu. J'avais beau m'efforcer de suivre du regard la direction de sa main, je ne parvenais pas à fixer ces lieux cachés mais seulement des silhouettes de collines et des grosses taches sur la terre. J'arrivais pourtant parfois, me concentrant sur quelques détails, à identifier quelque colline, rivière, champ, bosquet ou rocher...il n'en finissait pas de nommer de tous les côtés et termina par le côté sud jusqu'à revenir là où nous nous trouvions, sur une colline qui porte le nom de Tetsuraiime.

 

« Par où tu marcheras tu trouveras encore d'autres noms Mais, bon, tu es ici pour connaître. Que c'est beau ! Combien de pâturages, d'arbres et toutes ces variétés de fleurs après les, grandes pluies ! Les habitants de cette contrée ont la bonne fortune de vivre en un paradis où les accompagnent toujours Tatutsima et Tateteima (ancêtres mythiques) qui, je te l'ai dit, ont élu ce lieu. Prés des gens de Hayukarita sont les maisons des dieux. Même si tu viens en saison sèche, l'air est trop frais pour que la sueur te perle du visage. Les gens d'ailleurs qui passent la nuit ici se réveillent emmitouflés dans leurs couvertures alors que les natifs se promènent dans leur cour sans que le froid les importune. L'obscurité tombe vite, dès la fin de l'après-midi alors que plus à l'est le soleil brille toujours, mais l'aube vient comme partout ailleurs. Ici « Notre Créateur » Soleil prend congé plus tôt. Il salue et prend congé des gens de Hayukarita, puis de « Notre Grand-Père » Feu et aussi de Tatei Haramara, « Notre Mère » l'océan Pacifique, de Tatei Xapawiyeme, « Notre Mère » la pluie du sud, de Tatei Nii'ariwawe, « Notre Mère » pluie de l'orient et éclair du ciel, et aussi de ceux qui vivent au tuki (temple cérémoniel)de Pariya, qui est le point de l'aube ; et il n'oublie pas non plus les ancêtres de, qui eux vivent vers le nord. Il en salue encore beaucoup d'autres, surtout ceux qui vivent dans le tuki des habitants de Hayukarita. Avec l'aide des esprits de Turikie la grande colline, « Notre Créateur » parvient à quitter les gens de Hayukarita. C'est depuis le début des temps la mission de Tiïrikie : aider « Notre Créateur » Soleil et laisser ainsi en repos les dieux de Hayukarita… »

    

« Nous descendîmes la colline en nous laissant entraîner vers l'avant ; nos pas enfonçaient les feuilles desséchées et craquantes, parfois le chemin disparaissait sous leur abondance puis se laissait à nouveau voir un peu plus loin. Il était environ midi : l'ombre n'était nulle part ailleurs qu'à nos pieds.

De nouveau je me laissai distancer. Lorsque je sentais mon grand-père trop loin je courais pour le rejoindre et il renouait alors le fil de sa narration :

« Quand j'étais jeune, je faisais déjà tout ce chemin à pied. Je n'ai jamais cessé d'y venir, jamais cessé de porter des offrandes là-haut où sont les tukis(temples). Souviens-t-en plus tard : c'est aux jours de cérémonies que je vous y emmène vous tous, ma famille. Car je suis d'ici et je suis fier de ce lieu si magnifique ; j'ai la chance de savoir que je suis d'ici et c'est la raison pour laquelle je veux que tu gardes tout cela bien en mémoire ».GABRIEL PACHECO CONTES MODERNES DES INDIENS HUICHOLES.L'HARMATTAN.

 

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Le peuple huichol ou Wirârika vit aux confins septentrionaux de l'État de Jalisco, au Mexique

.La Sierra Huichol est formée d'une succession ininterrompue de gorges et de pics, qui s'élèvent jusqu'à 3 ooo mètres d'altitude, et de vertigineux' (barrancas,) dont le fond se trouve à quelques centaines de mètres au-dessus du niveau de la mer. Le terrain extrêmement accidenté, les fortes pentes et les sentiers incertains rendent le passage dangereux, surtout à la période des pluies, quand leur tracé est presque effacé par l'eau, si bien que seuls les Indiens peuvent s'y reconnaître. Comme il n'existe aucune voie de communication terrestre avec le reste du pays, ceux qui veulent traverser la contrée doivent employer des mulets ou bien marcher, comme le font les Indiens. C'est surtout grâce à leur isolement géographique qu'ils ont pu conserver une partie importante du patrimoine ancestral.Mises à part les pistes récentes qui permettent à des petits avions de se poser sur leur territoire, la solitude des Indiens est la même qu'au temps de la Conquête: il faut six ou sept heures d'une dure marche pour franchir certains ravins et cinq jours de marche ou une semaine pour atteindre les viles les plus proches..Les contrastes naturels qui caractérisent le milieu géographique se retrouvent dans le climat et la végétation : sur les hauts plateaux, le climat est rude et il gèle à certaines périodes ;on y trouve des bois de conifères, des chênes et des rouvres. Dans le fond des barrancas, où la température dépasse 30 degrés pendant les mois chauds, croissent des plantes tropicales comme le bananier, la canne à sucre, le goyavier et le manguier.

Le peuple wirârika se divise en cinq communautés complètement indépendantes les unes des autres, avec chacune ses autorités religieuses et civiles propres, ainsi que son propre territoire : San Andrés, Santa Catarina, San Sébastian, les principales, et deux moins importantes, Tuxpan et Guadalupe Ocotân.

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Chaque communauté forme un petit « État » économiquement et politiquement indépendant; ses membres se marient entre eux et n'ont que de rares contacts avec ceux des autres communautés. Les limites incertaines de leurs territoires respectifs sont même à l'origine de rivalités séculaires et constantes.

Le cœur de la vie civile et religieuse de chaque communauté est son village politico-cérémoniel, petit groupe de constructions avec son « temple », aussi l'église construite par les missionnaires espagnols, et maintenant souvent en ruine , la maison communale et quelques habitations où vivent les autorités civiles pendant la durée de leur charge. Le reste de la population vit dispersée sur toute l'étendue du territoire de la communauté dans de petits groupes de huttes, les « ranchos » ou « rancherias », et ne se réunit au village qu'à l'occasion des fêtes et des cérémonies. Dans chaque rancho, il y a un ou plusieurs oratoires. Sur l'ensemble du territoire huichol, il y a une vingtaine de temples. Chaque communauté comporte un groupe plus ou moins important de ranchos et de petits hameaux où vivent, sous l'autorité d'un homme âgé, en général le grand-père, des noyaux d'Indiens unis par des liens de parenté.

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La vie des Huichol est régie par deux groupes d'autorités, civiles et religieuses. Au sommet de la hiérarchie civile, se trouve le «le gouverneur » qui, ainsi que les autres autorités civiles, est élu pour un an et exerce sa charge sans rémunération. Le pouvoir religieux est partagé entre les prêtres du temple, gardiens du bol votif et des divinités vénérées. Mais en réalité le pouvoir suprême est détenu par un conseil d'Anciens, composé de prêtres-chamans, qui, durant leur vie, ont occupé les charges les plus hautes, tant religieuses que civiles. Ils sont les responsables de l'élection des nouvelles autorités.

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Le romancier Mario Vargas Llosa a écrit que l'indigène péruvien prouvait le monde en marchant. On pourrait en dire autant des Huicholes même si les routes nouvelles, aérienne et terrestre, ont grandement modifié depuis quelques années leur vie et leur conception du monde. La plus grande partie de leurs sources, grottes et montagnes sacrées est située en des lieux inabordables à tout véhicule.

« Les visiteurs de la sierra qui ont cheminé jusqu'à ses grottes situées dans les espaces les plus inaccessibles, à l'abri de la violence militaire et du fanatisme catholique, se racontent leurs marches comme d'authentiques exploits, avouant qu'ils ont terminé le voyage, épuisés, à dos d'âne ou de mule. Tous témoignent, lorsqu'ils ont voulu se risquer seuls, de leurs errances, de pertes de repères qui peuvent entraîner en des parages encore plus désolés. Les Huicholes rient quand nous leur contons nos tribulations. Ils ne peuvent prendre au sérieux des gens incapables de s'orienter. Savoir où l'on est, c'est pour eux le propre de l'homme.

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Combien de fois me suis-je perdu au point de marcher deux jours quand les autochtones mettent quelques heures ? Toujours cependant, dans les moments de désespérance, de faim et de soif, passait un cavalier qui me remettait dans le droit chemin ou bien, caché dans un recoin de la barranca, se découvrait tout à coup un petit rancho extrêmement solitaire d'où les hommes venaient vers moi en me saluant : « Bienvenue, ami ! Tu arrives bien car nous faisons une fête ! »

Quand j'ai été trop longtemps absent de la sierra, la vie de là-bas m'apparaît d'autant plus âpre, austère. Je regrette le confort urbain, la nourriture facile, les nuits douillettes, ma famille et mes amis. C'est par la marche que je retrouve le rythme, que je réapprend un certain sens du sacrifice qui précède l'énergie retrouvée et l'éclaircie mentale. Je veux raconter l'une de ses marches, non par narcissisme (on va voir que je ne fus pas brillant), mais justement parce que celle-ci fut sans doute la plus difficile, me confirmant mes limites physiques et mentales, mais aussi la plus belle, m'enseignant la rigueur et l'authenticité de la vie religieuse de mes hôtes. »DENIS LEMAISTRE.LE CHAMANE ET SON CHANT.L'HARMATTAN.

 

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A l'instar de ceux des Aztèques les mythes locaux content que toute la culture et l'organisation sociale sont issues d'une longue marche. Tous les ancêtres fondateurs vinrent de l'ouest, de la mer : l'Océan Pacifique, tatei, « notre mère ». Des variantes soucieuses d'harmoniser passé préhispanique et passé colonial ajoutent qu'au-delà de la mer ils venaient d'Espagne, ou de Rome. Cette tradition sacrée que les Huichol se sont transmise oralement, de génération en génération, est riche d'indications sur le passé de la tribu. Il est néanmoins difficile d'en tenter l'interprétation : elle se présente en effet comme un ensemble extrêmement complexe où les éléments historiques et mythiques, réels et légendaires, provenant d'époques différentes, s'enchevêtrent, se superposent et se confondent. Des témoignages recueillis par les chroniqueurs, il se dégage que les Indiens conservaient vivant le souvenir de deux grands courants migratoires qui s'étaient succédé dans l'intervalle de quelques siècles : le premier fut celui dont firent partie les Toltèques, le deuxième comprenait plusieurs tribus guerrières parmi lesquelles les Mexica ou Aztèques.

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Leur contrée est, selon la tradition, le « centre » du monde, car c'est là qu'apparut, dans les temps primordiaux, le Feu primitif. Il surgit au cœur même du territoire huichol, dans le sanctuaire naturel de Teakâta, point névralgique de la vie religieuse. L'autre « centre » par excellence de l'univers WIRIKATA est situé dans la lointaine Terre du peyotl, où « naquit le Soleil ». C'est là, dans les régions désertiques ( San Luis Potosi), que vécurent probablement les ancêtres des Huichol; d'après certains récits traditionnels, ils furent ensuite contraints de les quitter, sans doute sous la pression de tribus guerrières venues du Nord. Le peuple wirârika aurait alors entrepris une longue pérégrination vers le Sud, sous la conduite d'un grand chef portant le nom de Marra Kwarrï, « Queue-de-Cerf ». Après de nombreuses vicissitudes, les ancêtres des Huichol arrivèrent « sur les terres que les dieux leur avaient destinées ».
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Là, Marra Kwarri fonda un royaume puissant « après avoir vaincu un peuple de « géants » et soumis plusieurs tribus autochtones. Il étendit ensuite sa domination sur un très vaste territoire, dont on peut supposer que le centre religieux était Teakâta. Il aurait apporté une civilisation assez avancée, les arts et l'agriculture en même temps que la religion». Le monarque fonda un « gouvernement théocratique », promouvant le culte du Soleil et du Feu et instituant « une religion panthéiste, dont 37 dieux principaux présidaient aux actes et destinées humaines; il se plaça lui-même sur la liste des dieux sous le nom de Ta-Totzi ». Il laissa à son peuple un code de lois morales et civiles que les indiens continuent à se transmettre fidèlement.

A la mort du grand chef, des luttes intestines divisèrent le peuple de Marra Kwarri; son royaume se morcela et, à la suite de guerres et d'invasions, se réduisit considérablement.

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Chez les Huichols le rapport à l'espace est toujours médiatisé par le mythe.Les différentes composantes spatiales ainsi que la position que les indiens y occupent, reçoivent leur signification par l'intermédiaire des récits, transmis oralement et qui expliquent l'origine du monde.

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Toutes les manifestations spatiales et temporelles sont conçues en effet à l'intérieur d''un réseau de relations qui les rend indissociables les unes des autres. Par exemple, la notion de points cardinaux n'existe pas chez eux. Dans le langage quotidien, ils peuvent employer des termes comme tautata (à notre gauche, le nord) ou tàserietà (à notre droite, le sud) pour les évoquer. Mais ce sont les divinités de leur panthéon qui servent de repères pour désigner chaque direction, et plus généralement pour définir leur géographie..

Celle-ci est marquée par des répartitions précises. Selon la conception des Huichol, l'univers est divisé en cinq Régions,« monde » horizontal (Heriepa) de la Terre Mère (Tatei Yurienaka) : le Sud, le Nord, l'Est, l'Ouest et la Région du Centre qui comprend le Haut et le Bas. Ces régions ne prennent sens qu'à travers leur mise en relation et leur complémentarité.

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La vision du monde huichol correspond à un découpage qui leur permet de donner sens au réel : ils classent, ils regroupent, ils définissent. Ainsi classent ils tous les attributs du monde selon un ordre bipolaire basé sur la distinction entre masculin et féminin, et opposant le soleil/feu (Tao et Tatewart) et l'eau/terre (Nakawéet Tatei Yurienaka), le sec et l'humide, le haut et le bas, la création et la destruction, la droite et la gauche, etc. Prédomine la signification du chiffre cinq et son rôle de connecteur entre des éléments très différents : les cinq communautés principales, les cinq couleurs du maïs - l'élément de subsistance par excellence -, les cinq localisations des divinités, les cinq régions du monde terrestre «. Le cinq, qui symbolise à la fois le « Centre » de l'univers et sa totalité, est donc le chiffre sacré; il est présent dans toutes leurs manifestations, jusque dans les pratiques en apparence les plus insignifiantes. Si, par exemple, un musicien joue un air ou si un chanteur chante une chanson, ils poursuivent pour atteindre le nombre magique, et s'ils commencent le sixième air ou chant, ils doivent continuer jusqu'au dixième, et ainsi de suite. Dans la mythologie, Modèle suprême, les actes des Ancêtres se répètent toujours cinq fois.

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« Dans la pensée amérindienne, notamment, l'espace ne se réduit jamais à des considérations géographiques et géométriques « susceptibles d'être représentées sous formes de cartes ou de schémas permettant de saisir uno intuitu en tant qu'ordre des choses coexistantes, ce qui ne peut être parcouru que successivement, donc dans le temps mais s'élargit en une approche mythico-rituelle dont la signification symbolique est liée avant tout à sa forme nominale ». DENIS LEMAISTRE

On peut percevoir l'importance et la polyvalence de l'actions symbolique de délimiter .Elle signifie donc, dans ce cas précis, le fait de  différencier le domaine du sacré et faire émerger le domaine du profane

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. La réalité dans laquelle les deux composantes sont circonscrites répond à un principe fondamental d'ordre: c'est une réalité ordonnée par un projet culturel, c'est-à-dire un «monde». La réalité est ce qu'elle est, et l'homme se trouve désarmé devant elle, du moins tant qu'il ne parvient pas à lui trouver - ou à lui attribuer - un sens, une raison d'être. Les événements réels, bons ou mauvais, se déroulent sur le plan de la pure contingence naturelle - incommensurable et inacceptable à la pensée humaine - à laquelle le mythe soustrait ce qui est important pour l'homme. Tout prend un sens qui est fondé sur les temps des origines, tout devient nécessaire, et une fois la réalité arrachée à la contingence, la société humaine parvient à s'y adapter et à fonder à son tour sur elle son ordre humain. C'est donc là le rôle des mythes - histoires «sacrées» - qui les distingue de tout récit «profane»

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Dans chacune des Régions que conçoivent les Huichols, vivent ainsi des groupes d'entités ou « Puissances »  .

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Source de toute vie, elles détiennent aussi le terrible pouvoir de mort et de destruction. En chaque « dieu » coexistent lumière et ténèbres, tendances créatrice et destructrice. De leur volonté dépend le destin de l'homme et de l'univers. Sans l'équilibre, toute forme durable de vie serait impossible. Dans les temps primordiaux, les dieux établirent les lois cosmiques qui régissent l'univers, fixèrent les rites nécessaires pour perpétuer cet ordre et révélèrent aux ancêtres les secrets magiques pour en assurer la continuité. Mais cet équilibre est précaire, et seuls l'obéissance totale aux volontés divines et aux lois des ancêtres, l'accomplissement parfait des rituels et des sacrifices éloignent les menaces cosmiques toujours présentes et empêchent le monde de retourner au chaos des origines. Avant de manger, de boire, de chasser, bref, avant d'entreprendre une quelconque activité, les Huichol adressent leurs prières aux entités des Cinq Régions du Monde.

 

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Bien que le Panthéon huichol soit l'un des plus riches et des plus complexes de l'Amérique indigène ( Lumholtz, un des premiers ethnologues à les étudier, avait compté « 46 Dieux reconnus par la tribu ») on peut cependant constater que le sort de l'univers dépend d'un nombre limité , le Feu, le Soleil, le Vent, la Terre et l'Eau, les « Grandes Puissances du Monde ».La théogonie huichole voit ainsi la création du monde comme née de l'union et de la combinaison dynamique d'éléments primitifs, le FEU et l'EAU Souterraine, d'où un panthéon qui se répartit en deux groupes: d'une part les dieux de la saison sèche ou plus généralement ceux qui, par leurs attributs et par les fonctions qu'ils exercent, font preuve de « virilité », d'autre part les Déesses de la saison des pluies, divinités de la Terre, de l'Eau et de la Végétation, qui, en raison de leurs liens avec la fertilité et la croissance, sont considérées comme féminines.
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Les « Grandes Puissances » de l'Univers ont chacune leurs plantes et leurs animaux, ainsi que de nombreux aides, émanations de leurs pouvoirs. Mais avec le temps, plusieurs de ces esprits auxiliaires, ont acquis une personnalité propre et sont devenus l'objet d'une fervente vénération; ils ont ainsi donné origine à un culte qui n'est pas sans rappeler, par certains aspects, celui des saints de la religion catholique. Au «monde-autre»se rattachent ainsi des particularités locales qui donnent chaque fois sens à l'espace. Ainsi les « kakauyarja », entités qui constituent la trace d'une époque mythique antérieure, sont éparpillées à la surface de la terre, dans des lieux comme les roches, les grottes où encore les cours d'eau.

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Elles reçoivent une attention particulière, de la part des autochtones qui, lors de leurs déplacements d'un endroit à' l'autre, n'hésitent pas à faire un long détour pour vénérer ces divinités. Un autre exemple, à un autre niveau, illustre les différences locales qui marquent la relation au territoire. Chaque unité familiale a son propre lieu de vénération ancestral et siège des « divinités » auxiliaires du groupe et de son mara'akame(chaman). À l'instar de l'ensemble du panthéon, les morts de la famille - devenus ancêtres sont l'objet d'un soin continu de la part des vivants. Leur présence dans ce monde se concrétise ; sous la forme de petits cristaux de roche, les urukate. Des éléments « naturels » de la terre deviennent ainsi l'expression visible de « la négation ; de la discontinuité entre la vie et la mort.Il faut ajouter à ce panthéon, certains « ancêtres, mi-hommes mi divinités » qui constituent la trace devenue mythique des actions historiques du peuple huichol .On peut citer ainsi trois ancêtres importants : Marra Kwarri, le législateur, a donné les lois sociales; Paritzica, le chasseur, a expliqué les relations indissociables entre les lois divines et la nourriture des humains ; Kauyumarri a été le premier dépositaire des connaissances corporelles et du savoir des soins

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La cosmogonie du groupe transforme ainsi tous les éléments organiques et inorganiques en une manifestation divinisée, et l'espace devient un principe vivant, intelligent et, multidimensionnel. Cet espace est gouverné par un phénomène de perméabilité, « le monde autre » étant sujet aux transformations, voire à l'ubiquité! Les divinités se métamorphosent, et peuvent apparaître aux humains sous des formes variées, ou être présentes dans plusieurs lieux à la fois : Aux quatre extrémités' de l'espace des Wixaritari on retrouve en effet les émissaires de chaque divinité principale : les aigles, les cerfs, les mers et «les divinités de la pluie, qui représentent respectivement le soleil, le feu, l'eau de l'océan et l'eau du" ciel, et ont chacun leurs correspondances symboliques spécifiques ainsi qu'une dénomination particulière Mais ces «présences», diffuses, ne sont pas constantes dans le temps; elles se modulent en effet selon les attributions des divinités auxquelles elles sont rattachées, qui se définissent en fonction de l'alternance annuelle des saisons. Les divinités situées dans les régions septentrionales et orientales' sont à l'honneur pendant la saison sèche, qui s'affirme comme la période du soleil, protecteur du monde, et du feu, doyen de la vie sur terre. En revanche, le retour progressif des précipitations entraîne celui des divinités méridionales et occidentales, liées à l'eau de l'océan et à la pluie, qui est dans l'optique autochtone sa manifestation sur la terre. La loi cyclique du temps, «l'éternel retour», permet ainsi les renouvellements sans lesquels la vie dans l'espace, lieu de concentration de la mémoire temporelle, ne serait pas possible.

 

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"Comme le dit la tradition, au commencement des temps, sur un univers envahi par l'eau régnaient le chaos et les ténèbres. Grâce à la pensée puissante des dieux, à leurs actions magiques, la terre réussit peu à peu à émerger de l'immense mer primitive, à prendre sa forme actuelle, celle d'un disque entouré d'eau, à se consolider. De nombreuses générations d'hommes-animaux vivaient alors dans l'obscurité. Ces ancêtres participaient à la double nature d'êtres divins et d'animaux : hommes-scorpions, hommes-loups, hommes-coyotes, hommes-jaguars, hommes-pumas, hommes-araignées et les innombrables hommes-serpents qui, par leur variété et leur nombre, semblaient destinés à dominer le monde.

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"Le premier grand événement qui bouleversa la vie des ancêtres-animaux fut l'apparition, sur la face humide et obscure de la terre, d'une forme lumineuse et mouvante. C'est ainsi que se montra, aux ancêtres émerveillés et terrifiés, le plus ancien des dieux, Tatotzi « Notre-Arrière-Grand-Père », le Feu primitif. Il surgit des profondeurs du monde inférieur, du nombril de la terre où il avait toujours existé. Avec l'Arrière-Grand-Mère Nakawé, déesse de l'Eau souterraine et de la Fertilité, ils forment le « couple primordial » dont sont issus tous les dieux et tous les ancêtres.

Lorsque le héros culturel des Huichol, le Frère-Aîné Kauyumâri, eut satisfait tous les désirs du Feu en lui offrant des flèches, des bols votifs et d'autres objets magiques, et en construisant un temple en son honneur, le Vieillard divin accepta alors de se sacrifier pour le bien des ancêtres. Il transmit ses pouvoirs à son fils Tatewari « Notre-Grand-Père », le Feu domestique, qui vécut désormais parmi les anciennes générations.

La présence du Feu changea profondément leur existence : ils purent s'éclairer, se réchauffer et préparer leurs aliments. C'est autour de Tatewerî que se forma et se développa la vie religieuse : dans le temple dédié au Feu, qui fut le premier tokipa édifié sur la terre, se constituèrent les premières autorités religieuses, que le Feu lui-même avait élues pour qu'elles le veillent et lui offrent prières, rites et nourriture sacrée. Chaque groupe d'ancêtres voulut ensuite construire son propre temple, au centre duquel brûlait le feu sacré, et élire ses autorités religieuses.

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De nombreux projets furent faits pour permettre à la vie de s'organiser sur terre. Il fallait, avant tout, que le monde fût éclairé, que la lumière du jour illuminât la face de la terre. Du sacrifice d'une vieille femme, qui brûla en tombant dans le feu, naquit la lune; mais c'était une déesse obscure, sa lumière était trop faible, et les ancêtres ne pouvaient encore apercevoir le monde.

Plusieurs tentatives furent faites pour créer le jour, mais elles échouèrent toutes car, comme le dit la tradition, «ils manquaient de pouvoir et de magie». Ce fut encore le héros culturel Kauyumâri qui parvint à pénétrer les secrets de l'univers et à découvrir l'Enfant-Soleil. Cet enfant, fils du Feu et de la Terre, vivait parmi les ancêtres; sa prodigieuse habileté dans le maniement de l'arc et des flèches, son infaillibilité à frapper, lors des compétitions, le centre de la cible, permirent à Kauyumâri de reconnaître la nature divine du futur guerrier céleste. Par des rites magiques et des offrandes, il sut le convaincre de donner sa lumière au monde. Avant de s'immoler sur le bûcher purificatoire, l'Enfant-Soleil exigea qu'on lui construisît un temple et qu'on lui offrît du sang, des flèches, et beaucoup d'autres objets de pouvoir. Il élut les autorités civiles qui devraient gouverner le monde, modèle suprême dont s'inspireraient les générations futures.

Lorsque le Soleil se leva pour la première fois, il marchait près de la terre, et il aurait brûlé le monde si Kauyumâri ne l'avait repoussé vers le haut avec ses cornes de cerf, qui sont ses sceptres chamaniques. Avec la naissance de l'astre, un nouvel ordre cosmique fut créé. Plusieurs générations d'ancêtres, qui avaient lutté aux côtés des divinités des ténèbres, périrent et furent transformées en rochers, en animaux, en plantes.

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Il y eut ainsi le jour et la nuit, la saison sèche et la saison humide. Les dieux s'étaient partagé l'univers. Mais le drame cosmique, la lutte titanesque des éléments continuèrent : déluge, inondations, sécheresse, calamités s'abattirent sur le monde. La vie n'aurait pu se perpétuer sur la terre si les grandes Puissances n'étaient arrivées à une sorte de compromis. Le Feu et le Soleil établirent leur pouvoir sur la saison sèche, les divinités de la Terre, de la Végétation et de l'Eau sur la saison humide. Mais, pour maintenir cet équilibre, ils exigèrent des ancêtres des sacrifices, des prières, des offrandes et des fêtes. A travers le héros culturel Kauyumâri, le dieu du Peyotl et de la Chasse Parîtzika, et le héros et législateur Marra Kwarri, ils imposèrent tous les rites que les Huichol doivent observer pour assurer le cycle des saisons et l'équilibre du monde". MARINO BENZI.LES DERNIERS ADORATEURS DU PEYOTL

 

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À la vision horizontale de l'espace s'ajoute, comme l'indique le texte ci-dessus, une dimension verticale. La première renvoie au « monde autre, » à ses affiliations avec les éléments de la nature et les principes qui y sont rattachés ; la deuxième se rattache : au processus qui a, à travers la naissance du soleil et du feu, déterminé la -répartition du monde entre haut, milieu et bas. Les Wixaritari n'opèrent pas de distinction nette entre espace cosmique et espace terrestre; en effet, tout ce qui se trouve «là-haut» se retrouve également « ici-bas». Au commencement des temps, nous racontent les mythes, sur un univers envahi par l'eau régnaient le chaos et les ténèbres. Grâce à la pensée puissante des dieux, à leurs actions magiques, la terre réussit peu à peu à émerger de l'immense mer primitive, à prendre sa forme actuelle, celle 'un disque entouré d'eau, à se consolider.
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Le soleil est donc postérieur aux autres formes de vie sur terre, telles que l'eau ou le vent, et son apparition a achevé le cycle de la création d'un cosmos en effet plongé dans le noir et appartenant au monde du bas. Le feu naquit par l'action et le sacrifice d'un enfant/dieu qui permit à la lumière et à la chaleur de se manifester sur la terre, mais dont le rayon d'action resta limité à un espace circonscrit, la région du milieu (Heriepa). Le soleil se manifesta alors, donnant lieu à une diffusion et à une généralisation de la lumière et de la chaleur sur la toute la terre. À l'instar de son parcours actuel, la naissance du soleil s'est déroulée selon un mouvement qui, partant du bas, le projeta vers le haut. Cette ascension associa dès l'origine le soleil au ciel et lui permit de faire vivre toute la terre et de régir l'équilibre .Le soleil, « doyen du cosmos », envoya alors ses propres «gardiens» dans les cinq régions du monde pour veiller sur l'humanité: les rouges au centre, les verts au sud, les noirs à l'ouest, les bleus au nord et les blancs à l'est. La nuit ces gardiens se montrent aux hommes sous la forme d'étoiles.

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Les kakaijyari) sont tous les êtres vivants qui précédèrent ' apparition du soleil. Il n'y avait ni feu ni lumière ni jour. Les ancêtres Marchaient dans le froid, sous la clarté indécise de la lune. Celle-ci était issue du démembrement de l'ancêtre terrestre primordiale. Les ancêtres qui jetteront les bases de la culture vont tout d'abord ensemble, animaux et hommes non séparés, au point qu'il est difficile de les distinguer.

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C'est bien la naissance du soleil, source mythique du pouvoir politique, qui instaure la grande séparation. La plupart des animaux terrestres ne résistèrent pas à la grande déflagration, à l'insupportable chaleur, à la lumière aveuglante. Ils devinrent pierres toujours visibles et révérées aujourd'hui. On appelle précisément ces pierres kakaiiyari.

Lorsque naquit le soleil, les ancêtres qui ne se cachèrent pas devinrent hommes : ils reçurent les bâtons de commandement issus des rayons solaires. Wirikuta, à 500 kilomètres à l'est des communautés de la sierra, est cet espace miraculeux dominé par Reunaxu, le «volcan» aux pieds duquel s'étendent les champs du peyotl. C'est une plaine aride où poussent des cactus aux épines redoutables, que les peyoteros présentent comme les « gardiens » du peyotl, et des palmiers rabougris. Ici il n'y a ni maïs ni troupeaux. L'eau est rare. Les villages métis, aux murs d'une aveuglante blancheur, sont particulièrement pauvres. Mais la culture transfigure la nature. La vision illuminée, le nierika, transforme l'aridité en un tableau flamboyant Après l'étape culminante de Wirikuta, que le chant nomme aussi wa mxiïapa, « leur centre » (aux ancêtres), les « bisai'euls et vieux ancêtres » reviendront vers l'ouest, donnant naissance aux différents villages de la sierra. Leur mission accomplie, ils se sont « refroidis »— le mot « mort », , est absent des chants, sauf des chants proprement funéraires - et se sont dressés sous forme de pierres levées auxquelles leurs « descendants » continuent à porter offrandes et sang sacrificiel.

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Le chemin que les ancêtres ont fait, il faut infiniment le refaire. La fatigue des pèlerins, les jeûnes qu'ils s'imposent, sont une part de l'offrande. Tous les grands lieux du culte sont le point d'aboutissement ou de départ d'un voyage initiatique. Teakata, ensemble de rochers rouges, de grottes et de sources, où un vieillard aux yeux chassieux se transforma en feu et devint le premier Mara'akame ; Teuxuripa («où les pierres sont rougies de sang»), où "enfant qui se fit soleil se jeta dans le brasier pour réapparaître « cinq pas plus loin», à Wirikuta; Nii'ariivameta, faille dans un rocher, toute petite grotte où le «messager», Nù'ariwame se «refroidit» après un très long voyage pour retrouver son père Soleil et devenir éclair, tnuwieri haitùa, « bâton à plumes porteur de nuages ».DENIS LEMAISTRE .OP.CITE

 

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C'est ainsi que les lieux de naissance du soleil et du feu sont au centre du monde huichol. La dénomination espagnole utilisée par certains pour qualifier cet espace, «centro», renvoie à «l'accomplissement», à la «totalité», au moment où «toute chose est à sa place». C'est bien le centre qui assure l'équilibre de l'ensemble, dans ce monde-ci et dans le monde autre, entre horizontalité et verticalité. Pour donner sens à cette conception d'un espace dessiné à la fois horizontalement et verticalement et concrétiser ainsi la notion de centre, les Huichols ont leur propre terme «uawaui », concept qui réunit territoire, communauté et peuple et qui renvoie à l'idée de fil, de corde, ou de lien entre les trois niveaux du monde. Ce lien est perpétué et réactualisé par les moyens du rituel( chant, rêve, ivresse mescalinique) les Wixaritari se voient ainsi immergés dans un système inextricable de correspondances. Ils organisent leur vie en la reliant systématiquement à l'écosystème dans lequel ils évoluent et dont dépend leur survie «physique» et «spirituelle».

 

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Les Wixaritari organisent ainsi leur perception de l'espace et du temps de façon unitaire et indissociable, selon l'idée, propre au paganisme que tout est imbriqué. De fait, chaque lieu constitue une empreinte de l'ensemble dans lequel il s'insère.

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Dans cette culture chamanique en effet, l'imaginaire qui régit sa vision du monde repose sur une perception qui fait de chaque manifestation, visible ou non, du réel une surface d'inscription des équilibres sacrés, un réceptacle des divinités du panthéon. Celles-ci, loin d'être des entités abstraites, s'entremêlent étroitement aux éléments naturels de base - le feu, l'eau, l'air et la terre - et à leurs combinaisons multiples et sans cesse renouvelées - l'énergie solaire, les cours d'eau, la force du vent, les cavernes, les rochers, les montagnes, etc. Dans cette vision de mutations perpétuelles, dont les changements de climat constituent une des expressions les plus tangibles, tout phénomène est compris dans sa dimension associative et qualitative, et s'insère dans un réseau fort complexe de relations, caractérisé par une grande perméabilité entré,] toutes ses composantes.

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Chaque lieu est ainsi marqué culturellement et perçu comme l'émanation du principe unique et vital de l'existence.

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Chaque lieu se définit ainsi par la « parole mythique » une «  topographie «sacrée», qui transforme tout endroit en territoire symbolique. Malgré des degrés variables d'importance, tout endroit permet en effet d'orienter les actions perpétrées par les êtres humains vers le religieux. Cette vision règle aussi la perception du temps : les hommes et les femmes de cette «tradition» chamanique voient; dans le cycle immuable de la répétition, un principe, une loi rythmique de renouveau collectif et individuel. Le maintien de cet ordre dépend de l'harmonie qui s'établit entre les êtres humains et leur milieu naturel, voire le monde autre, et requiert l'entretien de rapports constants entre ces deux sphères. Tatei Yurienaka, la terre, est ainsi perçue sous la forme d'un DON ,« crédit de sens » octroyé par le monde autre, en échange duquel ils ont contracté une sorte de «dette de sens», à savoir des obligations envers ceux qui leur donnent la possibilité de vivre, ouvrant ainsi au monde des rites et du social.
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Les actions des Wixaritari, au cours de ce qu'on peut définir comme leur cycle rituel annuel, s'organisent autour d'une trilogie symbolique réunissant le maïs, le cerf et le peyotl soit, dans l'optique locale, l'expression d'une même chose au-delà des différences visibles. Le complexe maïs-cerf-peyotl intervient couramment aussi bien dans les mythes et les rites que dans l'organisation matérielle et temporelle de la vie. En effet, le maïs est l'aliment principal des communautés tandis que la chasse au cerf constitue une des activités les plus répandues au sein des différents groupes. La consommation du maïs et de la viande de cerf est complétée par l'absorption du peyotl, « la chair des dieux », le moyen rituel le plus important pour transcender le monde «profane» et la manifestation la plus évidente du «sacré». Cette trilogie évoque aussi bien la nourriture «terrestre» que la nourriture «divine», associant la terre au « monde autre ». Dans ce contexte, il est impératif, pour chaque individu comme pour la collectivité dans son ensemble, d'intérioriser complètement cette vision du réel et ses enseignements, en vue, d « accomplir » la tradition. Ce n'est qu'en remplissant ce contrat envers le monde autre — sous la forme d'un voyage dans l'ensemble du territoire — que la collectivité humaine donne sens à son existence. Sans la réactualisation annuelle du lien entre toutes les dimensions qui composent le monde, par l'accomplissement de rituels et d'offrandes dans chaque lieu et pour chaque divinité, l'équilibre qui régit le monde se romprait, engendrant des conséquences qui seraient catastrophiques pour les humains.

 

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« Mes bisai'euls, mes vieux ancêtres, on dit

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que cette montagne est votre demeure ; vraiment

on dit que tout a commencé en cette montagne, que vraiment elle est votre demeure

Sur la plaine on cueille la « fleur »,

on le dit,

on dit qu'on y file la fleur,

qu'on y file les traces du cerf,

vraiment,

là où la montagne verdit,

là est votre demeure.

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Là où l'on dit que pousse la « fleur »,

mes bisai'euls, mes vieux ancêtres,

vraiment,

levez-vous .'

Alors

je serai à votre écoute,

à tout ce qui se lèvera à Wirikuta,

à la montagne couverte de « fleurs »,

à la montagne couverte de rosés de Saint Jean.

Vraiment, là où ils se tiennent,

on dit que la montagne se couvre de cierges,

là-bas, là-bas où ils se tiennent,

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que la montagne se couvre de « fleurs »,

que c'est vraiment là qu'ils apparurent,

et qu'ils se mettent en mouvement,

vraiment par là-bas,

et qu'ils sont toute écoute,

là-bas, là-bas où ils se tiennent. »

CHANT CHAMANIQUE.

323SisquocRiverOct06L

Il est possible de comparer le rapport au territoire des Huichols avec le "REVE" aborigène ou avec la pensée Inuit.Cliquer pour ce faire sur la catégorie PENSEE/PAYSAGE.

Pour certaines photos:http://omananda.com/


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