Sylvie Bonnot, Mazarine, 2012, vue depuis l'extérieur, la nuit
Des passants qui soudain s’arrêtent dans la rue, reviennent sur leurs pas, regardent et tentent de saisir, de retrouver leurs marques dans cette architecture basculée. Quelques-uns qui osent, qui entrent, qui s’aventurent, se courbent, se contorsionnent, avancent, trouvent une place où se redresser, où respirer enfin, entourés de cette toile faite de bandes noires élastiques et de filins d’acier sur-tendus, prisonniers d’une araignée géante, découpés en morceaux dans ces fragments d’espace.
Sylvie Bonnot, Mazarine, 2012
Mazarine est une installation, un dessin dans l’espace de Sylvie Bonnot dans une annexe de la galerie Arnaud Lefebvre*; l’artiste est coutumière de la découpe, de la griffure, de la séparation, mais le plus souvent sur de grandes feuilles de papier ou sur des photographies des paysages extrêmes auxquels elle s’est confrontée dans ses voyages exploratoires. Ici (pour la seconde fois) c’est à l’espace qu’elle s’attaque. Le risque aurait été d’en faire un exercice d’optique amusante à la Varini ; elle y échappe non point tant par la multiplicité des points de vue possibles que par la physicalité même de l’installation, sa matérialité. On y perd toute perspective, les points de fuite y sont multiples comme dans un tableau du Trecento. Ces lignes noires sur fond blanc sont aussi une écriture, une calligraphie de pliures, avec ses pleins et ses déliés.
Sylvie Bonnot, Mazarine, 2012
Il y a là un interdit, un obstacle, un danger peut-être, et en même temps il y a une invitation pressante, irrésistible à y pénétrer, à l’expérimenter, à s’y mesurer. Et, parfois, comme par magie, d’un endroit donné, sans s’y attendre, on a l’illusion de voir l’espace se scinder, un interstice se faire jour dans l’édifice, une fente s’ouvrir, dans laquelle la réalité pourrait disparaître.
*30 rue Mazarine, jusqu’au 31 mars ; visible de la rue, ouvert sur RDV (06 8133 4694)
Photos courtoisie de l’artiste.