Sebastien Tellier

Publié le 29 février 2012 par Hartzine

Incarnant depuis déjà plus de dix ans l’homme qui devrait logiquement prendre forme à la suite de l’ère de l’after-pop, Sébastien Tellier ne produit pas uniquement sa musique, mais tend à la vivre pleinement, s’incarnant en héros de ses albums. Dandy pseudo sexy, maintenant entité spirituelle… Le compositeur nous offre à chaque album une démonstration des dérives que cela entraîne : il s’immerge intensément dans les sujets de ses chansons, au point de s’y perdre et de se rendre, parfois, ridicule. Mais c’est, de fait, un artiste total.

Le disque, s’il ne nous a malheureusement pas ouvert les yeux sur une nouvelle manière d’appréhender le monde, reste un grand disque, très riche en mélodies et en textures, qui illustre plus qu’il ne transforme le thème de la spiritualité. Vêtu d’une parure cosmique concoctée par l’imparable Castelbajac, il nous a exposé sa manière de travailler un album, puis on a tenté d’expliciter avec lui le concept de l’Alliance Bleue.

Tu portes actuellement une tenue space-galactique-pepito-bleu. Tu ne la mets que pour les interviews, ou tu la portes aussi pour aller chercher le pain ?

C’est comme ça que je m’habille, c’est-à-dire que ce sont mes vêtements, quoi. Pour aller chercher le pain, non, par contre. Je m’habille, je dirais, comme ça, mais en moins… en adapté. Mais ça dépend, parfois, je me fais plaisir, j’y vais comme ça.

Et ça rencontre un certain succès ?

Je crois que c’est surtout un truc de curiosité. On peut pas vraiment parler de succès, c’est plus : « Tiens, ce mec doit être trippé »…

Parlons du disque. Quel était le projet musical de l’album, comment s’est-il composé ?

J’ai pris neuf mois pour tout composer. J’ai d’abord cherché une inspiration que malheureusement je n’ai pas trouvée. J’ai composé au moins trois albums avant de faire My God Is Blue. J’ai essayé de trouver le sujet parfait. J’ai fait un album Fruits et Légumes, j’ai fait un album Agriculture. J’étais obsédé par la terre, mais tout ça ne donnait rien. C’était médiocre, sans intérêt. Et j’ai eu cette transe bleue dont je parle souvent et là, j’ai eu des « vérités », comme sous trip, et c’est autour de ces « vérités » que j’ai commencé à composer. Pour être plus concret, je me réveillais le matin, et j’allais directement au piano, ou dans mon studio qui est dans mon appartement. Et là, je jouais tout, jusqu’à tomber sur ce qui correspondait à ce que j’avais ressenti, vu ou vécu selon mes « flashback » du trip. Il fallait qu’il y ait une connexion, une résonance. Et là, j’ai trouvé un grand nombre de passages différents. C’est vraiment une phase créative totale, d’une très grande liberté. Et après, là, je me mets à construire, comme sur un grand tableau ou j’aurais disposé différents éléments, coller tel passage à tel autre, je regarde comment ça fait à l’envers, à l’endroit, deux fois plus vite, deux fois moins vite… J’ai une méthode extrêmement empirique. Être compositeur, c’est vraiment formidable, parce qu’avant une compo, c’est le silence, enfin… À part des percussions… C’est comme s’il n’y avait rien. Faire naître un morceaux, c’est fantastique. Ensuite, pour qu’il puisse vraiment vivre sa vie, il faut l’habiller. C’est comme un bébé. Il ne peut pas survivre tout nu, ça n’irait pas. Il faut le protéger, faut le mettre dans un confort. Après, ce que j’aime faire, c’est la composition. Pour la production, j’ai demandé à Mister Flash de s’en charger. Je ne sais pas mettre mes musiques en relief. Ce qui m’a toujours obsédé, c’est la création : de rien, créer une matière. Après, je dirais que l’enjolivement n’a jamais été ma passion. J’ai toujours été passionné par la matière première.

Justement, c’est un album très riche en ambiances, en textures, très gonflé. À quoi les morceaux pouvaient-ils bien ressembler sur démo ?

L’esprit des démos, c’est le même que celui qu’on trouve aujourd’hui. Ça raconte la même histoire. C’est le même fil qui se déroule. Mais c’est vrai que Mister Flash a ajouté un relief immense. On aurait été dans des plaines, et là, tout à coup, c’était les Alpes, c’est ça qui était très jouissif dans le travail avec lui. Cette mise en valeur de chaque partie, de chaque sensation… Quand j’ai écouté le dernier maxi de Mister Flash, je venais de finir mes compositions, et j’ai tout de suite imaginé sa production sur mes compositions et là, c’était fantastique. Là, j’ai jubilé, je crois que j’en ai pleuré de joie.

Comment, quand tu as composé Cochon Ville, ultra disco, puis Magical Hurricane, ballade tout en folk, t’es-tu dit que ça allait faire un album, que ça allait être cohérent ?

Les chansons sont toutes au service de la même chose, c’est-à-dire me faire vivre mes fantasmes, mes nouvelles idées, en musique. Elles le font toutes. Je suis très mal à l’aise avec un album où toutes les chansons se ressemblent. Je n’aime pas, aussi, quand d’un album à l’autre il y a trop de résonances. À part si c’est un trip comme AC/DC, ça, forcément, au final, on ne peut qu’aimer. L’intérêt, c’est ça, c’est que ça change. D’un album à l’autre, je change tout : d’appart’, de matériel, de voiture… J’essaie de composer quelque chose de toujours différent. J’attends de moi-même d’être quelqu’un de nouveau pour refaire un disque.

Ici, avec l’Alliance Bleue, la spiritualité, n’arrives-tu pas à un point de non-retour ?

Oui, c’est ça ! Mais en même temps, je veux dire, grands ou petits, tous les sujets sont intéressants. Là, c’est vrai que je continue sur l’autoroute que j’ai empruntée il y a dix ans, finalement, avec l’Incroyable Vérité. Ce que je fais là, c’est la suite logique, c’était construit depuis longtemps dans mon esprit. Je devais en arriver là. J’ai fait des interviews, il y a peu de temps, où les mecs avaient retrouvé des vieux trucs que j’avais dits, où je voulais faire ce que je suis en train de faire maintenant. Ce qui est jouissif, c’est de ce dire qu’on ne peut pas aller plus haut, parce que ce serait dommage de sortir un album en se disant : « Je peux faire mieux ». Là, je suis content, j’ai enfin un grand thème, un thème ultime. Comme j’essaie de faire des notes ultimes, j’essaie de trouver des thèmes équivalents. Ce qui compte dans ma vie, ça varie en fonction des périodes. J’ai cru à un moment que l’épanouissement total de l’homme se trouvait dans la sexualité, à un autre dans le contrôle, la politique, et au tout début, je pensais que c’était dans la famille. C’est une idée à laquelle beaucoup de gens croient. Maintenant, je suis persuadé que mon épanouissement est dans la spiritualité. C’est vrai, mais ça ne veut pas dire qu’avant c’était faux : ça évolue avec moi.

Tu as été associé, pour diverses raisons, à la scène électronique des Chivers, d’Ed Banger. Ce n’est pas la base de ta musique, de faire danser les gens. Comment te considères-tu, là-dedans ?

La danse et la musique, c’est un mariage heureux. C’est assez formidable, voilà. Mais il y a tellement d’autres domaines dans lesquels on peut aller grâce à la musique, les sentiments… Il y a plein de choses formidables qu’on peut créer par la musique. Alors c’est vrai que moi, je ne me suis pas spécialisé dans la musique dancefloor, qui finalement est quelque chose que j’adore, mais qui ne peut pas être mon tout. Cela ne peut en être qu’une parcelle. Si je devais me placer d’une certaine manière sur cet échiquier-là, je serais le « doux poète » (rires). Je serais le ménestrel de cette bande. Eux, la plupart, c’est des violents, et c’est très jouissif, mais moi, c’est la douceur, plus la poésie, on peut dire. J’ai essayé de faire une musique complètement à l’inverse de la leur. J’essaie de faire une musique de maman, c’est-à-dire une musique qui rassure, dans laquelle on se sent bien… Un truc familial en fait.

Ça ne te frustre pas, justement, d’avoir comme public une forte proportion de gens qui attendent de danser ?

J’ai réussi à éviter la plupart des frustrations, mais c’est vrai qu’il m’en reste quelques unes, notamment le fait d’être considéré comme une espèce de « Parisien de la nuit », ce genre de truc… Effectivement, j’ai déjà été boire des verres en boîte de nuit, c’est évident, mais je n’ai aucun contact avec le monde de la nuit, je ne connais pas ces gens-là. Je ne vais jamais dans les endroits hype, parce que je m’y sens très très mal à l’aise. Je me sens regardé, et à la fois je me sens obligé de regarder. Moi, ce que j’aime, ce sont les lieux romantiques, tranquilles. L’endroit du monde que je préfère, c’est la Normandie. J’ai jamais compris pourquoi on me prenait pour un mec hype ou branché, alors que j’ai compris il y a quelques semaines seulement comment répondre à un mail, donc…

Malgré tout, la première interview autour de l’album, tu la donnes à Technikart, qui se revendique plutôt de ça, de la nuit, de la hype…

Ah merde, oui, Technikart… (rires) Souvent, les lancements de mes albums ont été faits par Technikart. Sexuality, c’était comme ça. Et puis la réalité, c’est que le tout premier article que j’ai eu dans la presse, le tout tout premier, sur un morceau que j’avais sorti sur une compil’, c’était chez eux. C’était la première fois que je devenais quelqu’un de public. Donc il y a une certaine fidélité qui s’est installée entre nous. Surtout de moi vis-à-vis d’eux. C’est toujours un petit peu mes préférés.

Tu n’hésites pas à rentrer dans le kitsch et le grandiloquent les deux pieds devant. Ton père, qui a joué dans Magma, t’as-t-il refilé ce « jusqu’au-boutisme » ?

Il a joué avec les mecs de Magma avant que Magma s’appelle Magma. Mais oui, parce que j’ai des souvenirs où, très jeune, vers environ 12 ans, j’allais dans de grands appartements… On avait pas de beaux appartements. Alors quand j’allais dans un bel appartement, j’étais fasciné, et je me voyais vivre dedans. Je me disais : « Tiens, je serai grand compositeur, et je créerai un mouvement ». Pour moi, c’était pas quelque chose de fou, j’étais persuadé que les gens pouvaient penser à ce genre de chose. Ma mère a toujours été extrêmement impliquée dans la spiritualité, donc c’est vrai que j’ai vraiment eu le terreau nécessaire pour en être là où j’en suis aujourd’hui. C’est dans ce sens-là que je ne me considère absolument pas comme un rebelle, parce que j’ai fait exactement ce qu’attendaient mes parents de moi. Mes parents voulaient que je fasse ça. Je suis un bon élève, en fait. Je fais ce qu’ils m’ont dit de faire.

Tu alternes entre français et anglais au sein d’un même album, mais surtout au sein d’une même chanson. C’est une recette qui n’a jamais vraiment marché. Quelle signification donnes-tu à ces deux langues ?

Pour moi, l’anglais c’est de la musique, et le français c’est des mots. Quand je chante en anglais – même si quand tu lis le texte, il a un sens – c’est comme l’opéra italien. On met des mots, mais voilà, c’est pour créer une ambiance, le sens n’est pas très important. Mais en français, c’est que j’ai quelque chose d’important à dire, très spécifiquement. Je considère généralement que le message passe par la musique, qu’on peut « comprendre sans comprendre », mais parfois, c’est plus compliqué, alors il faut expliquer, en plus. Donc là, je chante en français. C’est aussi des moments où je suis réellement sincère, c’est-à-dire des moments où j’exprime mes grandes vérités et tout ce que j’ai de plus intime. Par exemple, L’Amour et la Violence, je le fais en français.

Parlons maintenant de cette Alliance Bleue. Tout simplement : qu’est-ce que c’est ?

L’Alliance Bleue, c’est un mouvement que je crée ces temps-ci, dont je suis pour l’instant le seul participant. Pour l’instant, ça va être un site, sur lequel les gens qui croient en mes idées ou en ma musique pourront se rejoindre, pour partager. Ensuite, le but précis c’est, dans un premier temps, de transformer l’énergie virtuelle en quelque chose de positif. Que l’on n’utilise pas Twitter, Facebook, etc. juste à perte. Que le temps et cette énergie que l’on prend pour écrire tout et n’importe quoi trouve un but, soit utile à quelque chose. Et donc, quand l’album sortira, on pourra découvrir le projet, où justement chaque phrase contribuera à quelque chose de positif pour le monde, tout simplement. C’est là où est l’intérêt de l’Alliance Bleue. C’est de faire progresser les choses sans faire d’efforts supplémentaires. On remplacera certains efforts par d’autres, qui ne coûtent rien de plus, mais qui emmèneront l’Alliance vers là où elle doit être.

Ça se rapproche pas un peu d’un fan club, en fait ?

Non, parce que l’Alliance Bleue va dépendre des gens qui la créent. Si un mécène veut acheter un terrain, nous aurons un terrain. Si quelqu’un sait construire une maison, on aura une maison. Moi, j’ai envie de créer un grand parc de manège. Il faut aller chercher certains manèges en Russie. Si quelqu’un peut prêter un camion, c’est parfait. Si quelqu’un fabrique des fontaines, on mettra des fontaines. Ça dépendra de gens que je ne connais pas encore, mais qui viendront à moi avec ma musique, et là, suivant ce qu’ils proposent, on verra comment les choses évoluent. Si ça se trouve, ce sera virtuel pour toujours, ou ce sera réel, et on pourra construire un château, ou juste un cabanon. Ou au lieu d’acheter un champ, on aura un potager…

En fait, tu veux monter un genre de second Christiania (quartier communautaire autogéré à Copenhague, ndlr) ?

Ah oui, je vois ça ! J’y suis allé plein de fois, c’est très amusant là-bas. J’aime beaucoup cet endroit. Mon rêve fait aussi référence à Fela Kuti, à l’État dans l’État, ça englobe tous les fantasmes que j’ai eus depuis toujours… Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai toujours été en contact avec des gens qui travaillaient en Afrique, qui me racontaient des histoires qui me faisaient rêver de mecs qui arrivaient dans les villages et qui manipulaient tout le monde… Ça m’a toujours plu et effrayé en même temps, ces types qui pensaient à utiliser les autres pour eux, ça me semblait complètement horrible. D’autres artistes que moi, et bien avant et sans doute beaucoup mieux, on parlé de créer un mouvement qui pourrait s’apparenter, dans un terme abominable, à une secte – Houellebecq, par exemple. Mais ils ne sont jamais passé dans le réel. J’ai envie de faire un art qui dépasse le fait de faire un disque. Il y a des milliers de disques qui sortent chaque année, enfin… C’est être un grain de sable. Je serais perdu si j’étais juste un disque. J’essaie donc de créer un monde qui est bien plus ample que le disque, dans lequel je puisse peindre des tableaux, créer des œuvres diverses, faire des concerts gigantesques gratuits… C’est ça que je veux, c’est étendre mon art. Qu’il y ait une vague bleue, qui représente en fait ma liberté, que j’ai de plus en plus envie de prendre. C’est pas juste un truc musical. On entend souvent les mecs dire qu’ils créent leur univers, mais moi, je veux vraiment créer le mien. Qu’il y ait tout. Les meubles, tout.

Donc ce serait plutôt, de manière terre-à-terre, un genre de MJC-Lieu de vie couplé à un genre de label multi-artistique, qui permettrait aux gens… ou à toi ?

Aux gens !

…donc aux gens de concrétiser leurs projets, artistiques ou idéologiques.

Si un jour il devait y avoir un lieu… C’est-à-dire si un mécène vient, propose un terrain, ou d’acheter un terrain, ce qui n’est pas encore le cas. Mais le jour où ça se fera, effectivement, le but de l’Alliance sera de créer un parc d’attraction pour adulte. Mais très réussi. Finement réussi. Fondé sur des bases profondes de réflexion, de philosophie, de spiritualité, en essayant vraiment de chercher le plaisir, d’un point de vue scientifique. Et donc, c’est ça qui m’intéresse, c’est de pouvoir être dans un lieu où, si tout d’un coup on veut casser la porte, on peut la casser. C’est ça qui me plaît. Si on a envie de conduire à 250, on conduit à 250. Mais je n’aime pas conduire vite, je n’ai jamais dépassé aucune limite mais, pour ceux qui auraient envie de le faire, leur en donner la possibilité. Ce serait donc un espace de liberté, où les fantasmes peuvent être réalisés. J’ai toujours adoré Los Angeles, j’y allais quand j’étais petit… C’est la ville de toutes les folies et pourtant, on est emprisonné dans quelque chose. On va à New-York et on est emprisonné dans quelque chose, idem pour Paris, Rome ou Moscou. Je veux créer un truc pour décompresser complètement, aussi sur le plan intellectuel. Pouvoir se lâcher, sans ordre. C’est dans ce sens où je ne suis pas un gourou mais où, simplement, j’essaie de lancer ce mouvement. Après, je voudrais que les gens y vivent leur liberté sans moi, sans directives, sans autorité.

Pour l’instant ça reste quand même au stade d’une idée, non ?

Oui, là, c’est une idée. Ensuite, ce sera un site auquel des gens réels adhèreront, mais la finalité, c’est quand ça pourra devenir concret et qu’on pourra vraiment créer ce domaine. Je suis assez serein concernant ce que réserve l’avenir. Si l’Alliance Bleue ne veut jamais s’installer quelque part, si on ne trouve jamais de campement où mettre la caravane, tant pis.

Et tu pourrais te rabattre sur des projets plus facilement réalisables, dans ce cas ?

Déjà, simplement par mes concerts – c’est-à-dire que quand je ferai un concert, ce sera le premier lieu de rendez-vous des fidèles. Je serai là, ils seront là, et on pourra communier, ils pourront monter sur scène, on pourra partager, je chanterai du mieux possible, j’essaierai d’être beau, bien… Ce sera donc dans la réalité un premier rendez-vous, où je serai avec les gens qui aiment ma musique, qui ont envie d’adhérer à mon message, qui n’est pas encore délivré d’ailleurs. Mais c’est comme ça que j’espère réaliser un premier contact physique. L’Alliance Bleue y sera réelle.

Le message n’est pas encore délivré. Ce n’est pas un peu problématique ?

Pour moi, c’est comme le chant des sirènes, j’attire les gens à moi avec ma musique. J’espère alors réussir à hypnotiser le plus de gens possible, et quand ils seront à moi, alors, là, on pourra partager les vérités. Après un test de personnalité, une fois que je les aurais vu penser, il y aura de nombreuses choses à réaliser avant d’être accepté. Et ceux qui auront réussi pourront écouter mon message. Et c’est là aussi l’intérêt. Plus on ira loin en tant que fidèle, plus on prouvera sa capacité à donner du plaisir. Plus on sera haut placé dans la hiérarchie de l’Alliance, plus les vérités seront dévoilées. C’est ça l’enjeu. Plus on est proche de moi, et plus on sait.

Ce test de personnalité à quelque chose d’effrayant…

Qui sont les meilleurs, c’est une vaste question qui, en plus, rappelle des idées abominables, mais après, c’est une vision du meilleur. Le meilleur ne sera pas celui qui saura écraser l’autre, pas celui qui va m’écrire le plus long livre. Le meilleur sera celui qui comprendra le feeling de l’Alliance. Le test sera très facile, il n’y aura pas de questions compliquées. Ce sera accessible à tous. Mais il faut qu’il en ressorte un certain feeling. Il sera en grande partie composé de questions absurdes : « Si je devais être un plat », par exemple. Est-ce que je serais un rôti de biche, ou une endive ? Ce serait des question comme ça.

Mettons que tu aies 10 000 demandes, tu vas toutes les gérer ?

Non, non, non… Je pense que je prendrai tout seul en charge les premiers fidèles, que j’arriverai à gérer, ce seront les premiers, puis je leur passerai le relais pour s’occuper des autres fidèles et ainsi de suite. Pour se rapprocher de moi, au sein de cette Alliance, il faut aussi prouver ses capacités à rassembler. Et donc, si quelqu’un s’inscrit et ramène 10 personnes avec lui, il montera en grade. Il aura accès à plus de choses. Au final, c’est ça que je veux faire, m’envoler dans les cieux avec juste les « super champions » et là, ce sera mon dernier concert sur la tournée. On partira tous en montgolfière, ce sera ça, l’ultime récompense : l’envol. J’imagine qu’elle ira à 30 ou 40 mètres, mais ce qui compte c’est ça, c’est l’envolée. C’est juste pour y donner une représentation physique. Mais ce qu’il faut, c’est qu’on partage des choses qui soient éternelles par-delà la durée de vie de l’album. J’aimerais que l’Alliance Bleue existe un jour si possible sans moi. Ce serait formidable.

J’essaie de bien poser les choses. Parce que c’est encore très flou…

Parce que ça n’a pas encore été fait. Ça dépendra des gens qu’il y aura. Si un agriculteur me dit, par exemple, qu’il peut nous filer un grand hangar, on ira là-bas ! Si ça se trouve, l’Alliance Bleue, ce ne sera qu’un point de rendez-vous pour des agriculteurs qui viennent boire un coup, je ne sais pas. Mais si j’ai un scientifique qui me dit : « Voilà, on est en train d’expérimenter des trucs, c’est super, on a un bidule à neutrons, on les entrepose pas loin, machin », on ira par-là. Ça peut aussi être le patron d’une entreprise de cosmétique qui, tout d’un coup, nous emmènera dans une autre aventure, je ne sais pas… Je vais en accoucher, c’est-à-dire que c’est de moi que vont naître le site, les idées, les tests, mais après, j’espère que tout ça trouvera forme avec les propositions des autres.

Donc l’objectif est de mettre les gens en mouvement autour d’un but indéfini ?

Le but est clair, c’est de créer un espace de liberté. Un lieu d’amusement pour adulte, et ce, dans tous les sens. Intellectuel, physique, tout ce qu’on veut. Comment ce sera vraiment… Est-que j’arriverai juste à trouver un seul manège, je ne sais pas. Est-ce qu’un forain va adorer My God Is Blue et se dire : « Tiens, j’ai plus besoin de ce truc, est-ce que tu veux qu’on le mette chez toi ? » Après, j’espère aussi des pâtissiers, tout, tout ! Je serai réceptif à ce qu’on me propose. Si on me dit : « Viens, j’habite dans une maison troglodyte, on pourrait y passer six mois », ben j’irai. Le site sera évidemment plus explicatif. J’espère que ce sera magique, que ce sera luxuriant dans tous les sens. Mais je ne suis sûr de rien. Ça dépendra des gens qui vont adhérer.

Tu as commencé la promo avant de donner cette interview. Est-ce qu’il y a des choses qui te tiennent à cœur et dont personne ne t’a encore parlé ?

Euh… ben j’aimerais dire quelque chose : je trouve ça dommage qu’on ne puisse plus fumer dans les salles de concert ou dans une discothèque. Il faut qu’il y ait des lieux où l’on se libère. Pas fumer au restaurant, c’est bien normal, mais bon, quand même… Et puis pourquoi on ne peut pas se droguer, aussi…

L’Alliance remédiera à ça ?

On pourra fumer sur les manèges, à cheval, enfin voilà, quoi… C’est un espace de liberté. Tiens, je voudrais déchirer ce coussin, et bien je le déchire.

Ça va finir comme un paysage apocalyptique, comme la Maison du Chaos, au bout d’un moment, non ?

C’est pour ça qu’on aura besoin de beaucoup de charpentiers, de mecs comme ça, enfin, je veux dire… de l’huile de coude. À un moment, il faudra pouvoir porter des cartons, décharger des camions… Mais ensuite, on y prend plaisir, hein, faut voir ça comme un truc humanitaire, ça fait parfois du bien de donner de sa personne.

Merci à Mélissa, Sébastien Tellier, Adrian Martin pour les photos.

Vidéo

Mixtape

TL/DL

1. Dr Hooker – Forge Your Own Chains
2. David Crosby – Music Is Love
3. Jonzun Crew – Space Is The Place
4. Aphrodite’s Child – The Four Horsemen
5. Herbie Hancock – Watermelon Man
6. Julio Iglesias – Il Faut Toujours Un Perdant
7. Stevie Wonder – Joy Inside My Tears
8. Guns n’ Roses – You Could Be Mine

Photos

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