1931, Stefan Zweig, romancier célèbre et juif autrichien, part en exil au Brésil, avec sa femme Lotte. moins d’un an plus tard, il se donneront la mort…
Edité chez Casterman,
Adapté du roman de Laurent Seksik,
Dessin de Guillaume Sorel,
Sortie le 02/02/2012
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Public conseillé : Adulte, homme ou femme
Style : Roman intimiste
Ce que j’en pense
Voici un album dont la fin n’est pas une surprise. Seksik, adaptant lui-même son roman nous fait vivre les derniers temps de Stefan Zweig, immense romancier autrichien et de sa femme Lotte, qui se suicideront quelques mois plus tard. C’est donc, sans surprise, mais avec humanisme et empathie que Seksik et Sorel nous transportent dans le monde de Zweig, quelque temps avant sa mort et nous permettent de les accompagner vers leur fin tragique.
1931, Zweig, auteur populaire, mais interdit dans son pays d’origine, fuit le nazisme. Il trouve refuge, à défaut de l’ Angleterre au Brésil. Le “jeune couple” pourrait tout recommencer dans ce nouvel Eden, ce pays “virginal”, ou tout est possible mais l’histoire en décidera autrement.
Stefan est fatigué par la vie. Comme certains grands esprit de ce siècle (Max Ernst, Sigmund Freud…) il a le malheur d’être né juif au mauvais endroit, au mauvais moment. Heureusement pour lui, sa célébrité l’a préservé des exactions nazis et il réussi à fuir la vague de haine hitlérienne qui monte dans son pays. Mais à quel prix ? A quel renoncement ?
Lotte, sa jeune femme affamée de vie, est rongée par un asthme dévorant. Malheureusement, sa constitution si fragile ne trouvera pas de remède miracle dans ce nouvel exil. Seksik décrit un homme brillant et discret, mais profondément pessimiste, qui s’enfonce dans la dépression. En questionnement sur le futur et sur sa littérature, c’est un homme accablé, qui porte la culpabilité de son passé. Quelque soient les nouvelles, Il imagine les pires dénouements à la guerre. Fatigué de fuir, fatigué d’avoir perdu ses amis et ses proches dans la fureur nazi, il est lassé de vivre. Ce qui le poussera à inscrire son suicide au cœur même de son existence.
Je n’avais pas lu le roman de Seksik, paru chez Flammarion, mais Zweig, oui. J’en garde un souvenir incroyablement fort. J’avais été profondément touché par la nostalgie de ses œuvres, et les émotions qui m’ont submergés en le lisant. C’est dans un même intensité que je fus plongé en parcourant cette adaptation des “Derniers jours de Stefan Zweig”. J’y ai ressenti, comme dans un grand roman classique, une tristesse infinie et une beauté émouvante.
Quant on sait que Seksik est médecin, (comme d’autres scénaristes de Sorel) cela pose un éclairage particulier sur cette biographie de Zweig. De par son métier, on peut imaginer qu’il côtoie la mort. Peut-être pour cette raison, aborde-t-il le suicide avec beaucoup de détachement et sans jugement.
Loin de toute parole moralisatrice, il nous permet, nous aussi, à défaut de le comprendre, de l’accepter.
Il faut une audace folle pour relater le suicide d’un grand homme. Car c’est bien de cela que l’album traite : Le suicide de ce couple, non pas comme un geste raté, malheureux, mais comme un aboutissement à une vie trop longue et trop pleine.
Par petites touches, par petits moment d’intimité, Seksik et Sorel dressent un portrait tout en finesse de Zweig . Sans grandiloquence, avec simplicité, Ils nous montrent un homme lassé de vivre qui se tourne toujours plus profondément vers la mort. Tout doucement, avec langueur, ils nous font partager sa vie quotidienne, sa femme et ses amis.
Coté graphisme, lire une bd de Sorel est toujours pour moi un grand bonheur. Sa peinture (je ne peux difficilement parler de dessin) me touche. Epurant toujours plus ses planches Guillaume Sorel travaille sur 2 univers de couleurs qui s’affrontent. Les ocres très présents qui racontent le passé et traduisent avec justesse la mélancolie de Zweig. Par moment, des bleue-verts éclatent pour parler de vie et d’espoirs. Cette palette contradictoire chaud-froid (Sorel en est coutumier) permet de s’immerger dans l’état d’esprit De Zweig.
Pour résumer, C’est une très belle adaptation en bande dessinée du roman de Seksik, qu’ont réussi Seksik et Sorel. Ils y abordent avec beaucoup de sensibilité et d’ intériorité les derniers mois de la vie de Zweig.
Si vous êtes amateur de littérature poétique et sombre (ce n’est pas incompatible avec la lecture de bande dessinée), accompagnez avec compassion cet immense auteur vers son triste destin.
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Cette critique fait partie de l’opération “la BD du mercredi” chez Mango