Assurances libres ou insécurité sociale ?

Publié le 29 février 2012 par Copeau @Contrepoints

Les « assurances sociales » ont été dévoyées de leur but par une mainmise étatique toujours plus forte et perverse.

Par Jean-Yves Naudet, publié en collaboration avec l’aleps.

La fameuse TVA, dite sociale ou maintenant « contre les délocalisations », a été largement analysée ici même et sur le site www.libres.org. Jacques Garello, comme d’autres, a montré qu’elle n’est pas une arme suffisante pour lutter contre le chômage, et qu’il s’agirait en fait d’un impôt nouveau, un de plus. Mais elle est l’aboutissement d’un long processus, qui a peu à peu fait disparaitre la notion d’assurances sociales au profit d’une grande machine monopolistique et redistributrice qui n’a plus rien à voir avec l’assurance. Les assurances sociales sont mortes, reste un monstre bureaucratique et nocif, la Sécurité Sociale.

Des corporations aux sociétés de secours mutuels

La question de la protection contre les risques de la vie est aussi vieille que le monde. Au moyen-âge, et même jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, en dépit des tentatives de réformes de Turgot, c’était les corporations professionnelles qui organisaient la sécurité et la protection contre les risques de la vie. Turgot avait compris qu’elles avaient vieilli, bloquant l’innovation et détruisant la liberté du travail. Le décret d’Allarde a fini par les détruire en 1791.

La question de la protection demeurait entière. La loi Le Chapelier, toujours en 1791, puis la limitation des possibilités de libre association au début du 19e ont empêché les sociétés de secours mutuel, organisées librement entre salariés, de jouer ce rôle ; les textes ont été très restrictifs tout au long du 19e siècle, le pouvoir ayant toujours eu la tentation de mettre la main sur elles, d’en limiter la liberté et de les contrôler, voire de les détruire. Pourtant, quoi de plus logique que d’utiliser un système soit mutualiste, soit assuranciel, pour faire face à des événements indépendants les uns des autres ? Tout le monde ne tombe pas malade ou ne devient pas chômeur le même jour. C’est donc en général un problème techniquement assez facile à résoudre, comme celui des assurances incendies, accidents de véhicule ou vol.

Étatisation et mélange des genres

L’État a toujours eu la tentation de contrôler ces systèmes, sous divers prétextes. Inventée par Bismark partisan de l’État arbitre dans la lutte des classes, perfectionnée par Beveridge au nom de l’État Providence, la Sécurité Sociale est apparue en France sous le régime de Vichy, puis paradoxalement dans le programme du Conseil National de la Résistance. Elle souffre de plusieurs vices de constitution : c’est un organisme étatique (en dépit des fausses apparences de la gestion par les « partenaires sociaux »), c’est un monopole obligatoire, comme seuls les monopoles publics peuvent l’être (nul ne peut y échapper ni choisir un autre mode de protection), c’est un mélange opaque de systèmes et de régimes.

En effet, dans la Sécu, on trouve tout d’abord les retraites : Jacques Garello et Georges Lane (« Futur des retraites et Retraites du Futur ») ont démontré qu’elles devraient se gérer suivant le système par capitalisation (placement d’une épargne) et non le système par répartition, à la fois onéreux et explosif dans un pays vieillissant. Il y a ensuite l’assurance maladie et accidents du travail, qui relève de la logique classique de couverture de risques indépendants Il y a encore le régime famille, destiné à redistribuer, à revenu égal, des familles avec pas ou peu d’enfants vers les familles ayant plusieurs enfants ; il n’a cessé d’être dévoyé en introduisant des conditions de ressources, alors que la vraie politique familiale consisterait d’abord à laisser aux familles ce qu’elles ont légitimement gagné, au lieu de les spolier par les cotisations et l’impôt. Il y a enfin (mais en dehors de la Sécu) les assurances chômage, avec à nouveau un problème classique d’assurance.

Le salaire complet

Les vices de la Sécu ont maintes fois été démontrés dans ces colonnes. Ils n’apparaissent pas aux yeux du grand public, notamment en ce qui concerne le vrai coût de cette multiforme « protection sociale ». En effet la distinction entre cotisations salariales et patronales purement illusoire – puisqu’il s’agit toujours de retenues sur des salaires – conduit à masquer au salarié ce que lui coûte « sa » protection. Quel salarié, touchant net 2 000 euros, sait qu’en réalité il a acheté (contraint et forcé) 1 500 euros de protection sociale ? Si les Français savaient que leur protection sociale représente presque autant que leur salaire net, est-ce qu’ils ne se révolteraient pas contre ce système hors de prix ? Voilà pourquoi l’ALEPS, à l’initiative d’Axel Arnoux qui a testé la méthode dans son entreprise, recommande de faire connaître au salarié le montant de son « salaire complet », dans notre exemple 3.500 euros.

Cotisations ou impôts ?

Une autre tromperie est de laisser croire que la Sécurité Sociale est une institution d’assurance (comme au bon vieux temps des « assurances sociales ») et d’assimiler les cotisations à des primes. Or, les cotisations, même s’il existe un plafond, dépendent du revenu. Que dirait-on si l’assurance auto dépendait non du type de voiture ou du choix libre de l’assuré, mais du revenu de l’automobiliste? Généralisons à toute l’économie : si les prix doublent pour celui qui gagne deux fois plus, cela revient à payer tout le monde au même salaire : de quoi satisfaire les jaloux et les « niveleurs ». On doit ajouter qu’en principe un contrat d’assurance est volontaire et offre des options diverses à l’assuré. Rien de tel : non seulement il y a obligation de s’assurer (ce qui à la limite peut se défendre dans un système par répartition), mais il n’y a pas de choix ni de la formule d’assurance, ni de l’assureur.

Jusqu’à une période récente demeurait cependant un lien entre le cotisant et l’assuré. Mais ce lien a été distendu avec l’apparition de la CSG puisque désormais, cette « contribution» n’est qu’un impôt, et payé par tout le monde (« généralisé »), pour financer l’assurance maladie essentiellement. Ceux qui proposent de fondre CDS et impôt progressif sur le revenu accentueraient encore cette dérive : avec la CSG, chacun paie un pourcentage donné de son revenu, donc ce n’est déjà plus de l’assurance, et si on y ajoutait la progressivité, les cotisations augmenteraient plus vite que le revenu !

Revenir à la liberté de s’assurer

La TVA sociale, même si elle vise à compenser les cotisations familiales et non les cotisations maladie, parachève cette déconnexion : un touriste va financer par ses achats la Sécu dont il ne bénéficie pas ; plus généralement le lien entre cotisant et assuré est rompu. Au fond, la TVA sociale ne fait que poursuivre dans la voie précédente : fiscaliser les cotisations. Les « assurances » sociales sont mortes, définitivement ; il est vrai qu’elles avaient un pied dans la tombe depuis longtemps. Nous sommes au bout de la logique du Big Brother redistributif, qui coûte de plus en plus et rembourse de moins en moins.

Il faudra reconstruire : la capitalisation pour les retraites ; la fin de la spoliation pour les familles ; l’assurance pour le reste. Cela passe par la liberté du choix de son assurance et de son assureur. Cela passe par de vrais prix, indépendants du revenu, mais liés au type de service ou de protection librement choisi. Privatisation, concurrence, liberté : c’est mieux qu’étatisme, monopole, contrainte. Les Français auraient-ils peur de la liberté ? Cette peur est créée et entretenue par des hommes politiques qui légitiment leurs pouvoirs et privilèges en s’attribuant le rôle de protecteurs de la nation.


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