Magazine Société

Les effets de l'arrêté Bonny s'arrêtent heureusement en 2017

Publié le 28 février 2012 par Francisrichard @francisrichard

Vale-International.jpgLe 6 octobre 1995 un arrêté fédéral est pris, l'arrêté Bonny. Il s'agit de soutenir les régions qui sont confrontées à des difficultés économiques.

Ces régions sont appelées technocratiquement "zones économiques en redéploiement". Ce soutien se présente sous la forme d'allègements fiscaux consentis à des entreprises qui y sont créées.

Le 1er janvier 2008 la Nouvelle Politique Régionale prend la suite de l'arrêté Bonny. Les régions bénéficiaires changent...et sont moins nombreuses. Ce n'est pas un mal.

Le Canton de Vaud a, semble-t-il, fait beaucoup usage de l'arrêté Bonny, de même que le Canton de Neuchâtel. A eux seuls ces deux cantons représentent, d'après un communiqué du Contrôle fédéral des finances du 10 février 2012, "62% du volume d'IFD [impôt fédéral direct] bénéficiant d'allègements en 2008" ici.

En tout 60 sociétés sont à l'heure actuelle au bénéfice d'allègements fiscaux au titre de l'arrêté Bonny dans le Canton de Vaud. Les exonérations fiscales pouvant être au maximum de 100% pendant dix ans, avec un état des lieux effectué au bout des cinq premières années. Ainsi 2 sociétés sur ces 60 ne verront pas leurs allègements prolongés.

Les exonérations fiscales portent sur l'impôt cantonal et communal direct (ICC) et sur l'impôt fédéral direct (IFD). L'administration cantonale de impôts (ACI) de l'Etat de Vaud et l'administration fédérale des contributions (AFC) de la Confédération sont donc parties prenantes.

Mais les intérêts de ces deux administrations fiscales divergent. La Confédération est rien moins que sûre d'être gagnante avec ces exonérations, tandis que le Canton de Vaud dresse un bilan positif de l'application de l'arrêté Bonny

Les entreprises bénéficiaires en terre vaudoise auraient en effet généré en moyenne, entre 2006 et 2008, 172 millions de francs d'impôts. En tenant compte de l'augmentation des versements au titre de la péréquation financière intercantonale, basée sur les bénéfices exonérés ou non, le solde resterait positif et se monterait à 90 millions de francs. Sans parler des milliers d'emplois créés...ici.

La Confédération reproche à l'Etat de Vaud de ne pas s'assurer suffisamment que les conditions d'octroi de ces exonérations sont bien remplies par les sociétés bénéficiaires. Exemple du groupe brésilien Vale International à l'appui.

Depuis 2007, Vale International bénéficie d'allègements fiscaux généreux : 80% sur l'IFD et 100% sur l'ICC, ce pendant dix ans. Allègements consentis par le canton, par la commune de Saint-Prex où se trouve l'entreprise, et par le Seco, Secrétariat d'Etat à l'économie.

Seulement les contreparties à ces allègements n'auraient pas été tenues et la décision d'exonération de 80% d'IFD accordée par l'ACI serait contestée par l'AFC, qui voudrait la remener à 60%. C'est du moins ce que 24 Heures révèle le 17 février 2012 sous la plume de Daniel Audétat. Il y aurait même un litige fiscal inédit entre l'AFC et l'ACI ici :

"Faute de parvenir à un règlement à l'amiable, la première a déposé un recours qui amènera la seconde devant la Cour administrative du Tribunal cantonal vaudois."

Aujourd'hui Daniel Audétat dans 24 heures ici [d'où provient la photo] nous apprend que Vale International a été taxée pour les années 2006 à 2009 ... en décembre 2011 par l'ACI et s'indigne cependant :

"Encore quelques jours, et Vale International n’aurait payé aucun impôt sur des bénéfices «rapatriés» en Suisse en 2006 après avoir été réalisés dans le monde entier."

Cette indignation est de pure forme. Car cette nouvelle est un démenti à la révélation d'il y a onze jours, même si Daniel Audétat prétend que le litige entre l'AFC et l'ACI demeure...

Des opposants, tels la Déclaration de Berne, à la concurrence fiscale entre les cantons, qui est pourtant, avec le frein à l'endettement, une bonne chose pour enrayer la pression fiscale, se sont évidemment saisis de cette affaire pour enfourcher leurs dadas : "le manque à gagner pour le pays d'origine et le coût final pour les contribuables vaudois" ici.

On a vu plus haut qu'il n'y avait pas vraiment de coût final pour les contribuables vaudois. Quant au manque à gagner du pays d'origine, il ne tient qu'à ce dernier de ne pas inciter les sociétés nationales à prendre le large et de se montrer moins gourmand pour les retenir. Enfin rien n'empêchait les autres cantons de profiter des dispositions de l'arrêté Bonny, tant qu'il était en vigueur...

Cela dit, on ne peut qu'applaudir que l'arrêté Bonny n'ait pas été reconduit, parce qu'il n'y a pas de raison que des entreprises, étrangères ou non, jouissent de privilèges fiscaux aux dépens des autres, même temporairement, quels que soient leur domaine d'activité.

On voit les recettes fiscales directes et indirectes, et les créations d'emploi. On ne voit pas les réels manques à gagner pour l'économie entière et les destructions d'emplois induits par ces privilèges, le revers de tous les privilèges, quelles que soient les contreparties incertaines acceptées par les bénéficiaires et négociées par les autorités.

Francis Richard 


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Francisrichard 12008 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazine