Ces chercheurs de l'Université du Michigan et du New York Consortium of Evolutionary Primatology appellent cela « le Bruce effect », un effet déjà constaté chez certains rongeurs femelles en cage. Leur étude montre que les singes géladas femelles, comme ces rongeurs, mettent interruption à leur grossesse en cas d'exposition à des mâles inconnus. Cette recherche, publiée dans la revue Science du 25 février, fait réfléchir sur l'hypothèse que cet effet Bruce serait une stratégie adaptative pour les femelles…
Les chercheurs, Elia Roberts, A. Lu, T.J. Bergman et J.C. Beehner de l'Université du Michigan expliquent que les preuves directes d'un effet de Bruce, un effet connu et reconnu font défaut dans des conditions naturelles. Ils rapportent ici cet effet chez un primate sauvage, le singe gelada (Theropithecus gelada), un effet déjà observé chez des rongeurs, mais en captivité. Les auteurs n'étaient donc pas certains que cet effet se produise dans la nature.
Elia Roberts et ses collègues ont étudié une population de géladas sauvages du Parc national des Simiens situé dans les montagnes étiopiennes. Ils ont fait des relevés démographiques et examiné le déroulement des naissances en lien avec la prise de pouvoir par un mâle. Ils ont aussi fait des mesures d'hormones pour identifier les femelles en gestation et déterminer quand avaient lieu les conceptions.
Les résultats montrent l'arrêt des grossesses dans 80 % des cas dans les semaines qui suivent l'arrivée d'un nouveau mâle dominant. En outre, leurs données sur les intervalles séparant les naissances suggèrent que l'interruption de grossesse offre des avantages de conditionnement physique pour les femmes dont la progéniture serait à risque d'infanticide. C'est en fait lorsqu'un nouveau mâle prend en charge le groupe, que les géladas femelles avortent. Car les singes géladas vivent en groupe de plusieurs femelles mais avec un seul mâle et quand un nouveau mâle dominant chasse le mâle plus âgé, il tue aussi souvent toute la descendance de son prédécesseur. En arrêtant la gestation de leur petit, les femelles évitent de s'investir dans la naissance et l'éducation d'une progéniture par avance « condamnée ».
Mais, la fin de l'histoire est que les femelles qui interrompent ainsi leur gestation reconcevront plus tôt, ce qui suggère, pour les chercheurs, que l'arrêt de la gestation offre un bénéfice adaptatif aux femelles.
Source: Science DOI: 10.1126/science.1213600 « A Bruce Effect in Wild Geladas » (visuel Fotolia)