Les médias s’émeuvent, ces jours-ci, d’un grand écart entre les sondages publiés sur les intentions de vote à la présidentielle. Les différences seraient inédites à ce stade de la campagne électorale, avec un candidat de tête – François Hollande – situé entre 28 % et 32 %, et un second –Nicolas Sarkozy – placé entre 27 % et 29 %, selon les différents instituts. Les pronostics pour le deuxième tour montreraient une même incertitude avec une victoire du candidat socialiste oscillant entre 55 % et 59 % des suffrages. Pourtant, de tels écarts n’ont rien d’exceptionnel si l’on se réfère au précédent de 2007 et peuvent parfaitement s’expliquer par le jeu de certains instituts cherchant à « relancer » la compétition.
Le précédent de 2007
Les 26 et 27 février 2007, sont publiés concomitamment trois sondages des instituts Ipsos, Ifop et LH2. Le premier place Nicolas Sarkozy à 31 %, Ségolène Royal à 26 % et François Bayrou à 17,5 %. Il faut noter que cette enquête, à huit semaines du premier tour, donne une photographie qui ressemble de très près au résultat final. Le deuxième sondage met Nicolas Sarkozy à 29 %, devant Ségolène Royal à 25,5 % et François Bayrou à 19 %. Enfin, le troisième indique des résultats voisins au premier tour mais l’institut estime que les intentions de vote au second tour se répartissent 50-50 alors que les deux autres donnent un net avantage au futur Président de la République (53 % contre 47 % ou 52 % contre 48 %).
Il y a cinq ans, jour pour jour, les enquêtes donnaient donc des résultats à peu près aussi dispersés qu’aujourd’hui. Les certitudes – ou les incertitudes – des électeurs interrogés étaient grosso de même niveau. Surtout, les estimations contradictoires sur le deuxième tour laissaient penser que le résultat n’était pas acquis et que le déplacement de un ou deux points des électeurs en faveur de Ségolène Royal pouvait faire basculer le pronostic majoritaire.
Les certitudes de 2012
A ce jour, les écarts constatés entre les différents instituts doivent être analysés avec un certain recul pour au moins deux raisons. La première est que les cartes de l’offre et de la dynamique électorale viennent tout juste d’être rebattues par l’entrée en campagne du Président de la République, il y a une dizaine de jours, et le ralliement à sa cause de plusieurs candidats présumés : Christine Boutin, Hervé Morin et Frédéric Nihous. Il est donc normal que les enquêtes puissent manifester quelques écarts, un certain nombre de répondants étant eux-mêmes dans l’expectative et leurs intentions pouvant varier d’un jour à l’autre.
La seconde raison est que sondeurs et médias s’accommodent mal d’un match qui paraîtrait joué d’avance. Certes, ce sont les électeurs qui trancheront les 22 avril et 6 mai et rien n’assure au favori actuel la certitude de gagner. Mais il n’est cependant pas indifférent que les instituts ayant produit des données manifestant un net resserrement de l’écart entre les deux principaux prétendants soient ceux réputés proches du pouvoir actuel. Et qu’à l’inverse, ceux réputés plus indépendants maintiennent une tendance que la campagne, jusqu’à présent, n’ pas démenti.
Comment lire les sondages ?
La meilleure façon de lire les sondages, dans ces conditions, est encore de raisonner sur la moyenne des données produites par les différents instituts. L’écart des intentions de vote au premier tour entre François Hollande et Nicolas Sarkozy était de 3,5 points il y a trois mois, 5 points il y a un mois et 3,5 points aujourd’hui. Quant au pronostic du résultat final, il n’a cessé de donner une fourchette situant le premier autour de 56-57 % et le second autour de 43-44 %.
A huit semaines du premier tour, tout est naturellement encore possible. Les efforts de François Bayrou ou Marine Le Pen pour revenir dans la course et les erreurs ou dérapages de tel ou tel candidat peuvent conduire les électeurs à changer leur opinion et à démentir ainsi une prévision qui, malgré quelques écarts, est pour le moment unanimement partagée par les sondeurs. Force est de constater, cependant, que, pour la première fois depuis longtemps, l’élection présidentielle n’offre pas l’occasion d’un véritable suspens. C’est peut-être la raison pour laquelle elle provoque une forme d’ennui auprès des observateurs.