À Montréal, j'ai l'habitude de ne pas connaître mes voisins. C'est comme ça, ce n'est pas parce que je ne suis pas sociable. Bien sûr, j'échange avec ma voisine l'été au-dessus de la clôture sur les choses pratico-pratiques qui concernent des propriétaires, mais on ne s'invite pas pour un café.
Comme vous y avez tous goûté, ce week-end la neige en a incommodé plus d'un. Je vous montre une photo de notre rue, prise dimanche matin par mon homme chat après qu'il eut pelleté un 2e jour pour enlever 40 cm de neige sur l'auto et plusieurs dizaines de kilos autour.
Voici comment se déroule la solidarité. Premièrement, elle ne se manifeste que lorsque l'humain a besoin d'aide et que seul le pouvoir de la collectivité peut le démerder. Ainsi, lorsqu'on a passé une demi-heure à 2 - blonde et chum - à déneiger la voiture, il reste que les pneus de celle-ci spinnent dans le beurre puisque la neige de la semaine dernière a fondu lors du redoux de jeudi ou vendredi et regelé dès la nuit. Nous patinons donc sur de la glace vive. Blonde ne peut pas pousser le char toute seule pendant que chum pèse sur le gaz, ni plus l'inverse même si l'homme chat est quand même tout un Hercules. Bon, la solidarité entre en scène. Elle se manifeste sous la forme d'un passant, de manteau et capuchon vêtu, que tu interceptes sur son air d'aller et à qui tu expliques candidement ta situation en demandant, sans lui laisser grand choix, son aide si précieuse. À deux, vous poussez la voiture que blonde conduit et sans grand étonnement, celle-ci finit par s'engager dans la rue. Bravo! La solidarité a fait son travail. Blonde sort du char et donne une chaleureuse poignée de main au passant qu'elle n'aurait jamais salué par ailleurs en d'autres circonstances...
La petite solidarité se manifeste également lorsque le voisin sexagénaire piétonne la rue au complet et s'arrête devant chacun des pelleteux de neige pour leur expliquer qu'il les aiderait bien mais voyez-vous, il s'est fait opérer pour le coeur cette année, et sa belle-soeur vient juste de mourir ce vendredi.
La solidarité fait le tour de la boucle lorsque dimanche, c'est au tour du chum à pousser le char de voisins blonde et chum pognés dans la glace. Ils veulent le lui remettre. Ben non, "ça m'est arrivé hier et quelqu'un m'a aidé, c'est le juste retour des choses".
Solidarité : Dépendance mutuelle entre les hommes. Sentiment qui pousse les hommes à s'accorder une aide mutuelle. (le Petit Larousse, éd. 1998).
Une chance qu'elle existe.
Okay, okay : il faut exclure les cas exceptionnels de malfaisance que l'on a connus au Québec en janvier 1998 : vendre de l'eau, des chandelles et des génératrices 3x le prix pour profiter des petits humains dans le besoin. Il y aura bien sûr toujours les maudits, ceux qui ne pensent qu'à manger le copilote pour sauver leur petite peau.
M'enfin...
Finalement, il reste que moi, j'aime mieux la solidarité quand elle n'a pas besoin d'aide. Celle qu'on appelle la communauté. L'esprit de communauté unit les humains simplement parce qu'ils ont des intérêts communs, lorsqu'ils comprennent instinctivement qu'ils ont besoin les uns les autres, car la vie est meilleure quand on la partage. Je le sens présent (même virtuellement) lors de la partie de hockey annuelle du chemin des Castors au lac Dufault que nous raconte Zoreilles. Il est palpable également lorsqu'on va écouter la partie de hockey chez Serge samedi après-midi en plein milieu de la tempête et que le Canadien mène 5-2 contre les Kings qui jouent sous les palmiers à Los Angel (c'est pas parce que le Canadien gagne, mais parce qu'on aime TOUS le hockey dans ce temps-là). L'esprit de communauté existe aussi lorsqu'on verdit les ruelles du Mile End juste pour le plaisir de vivre bien ensemble dans un monde meilleur. Allez vas, allons de ce pas saluer nos voisins. D'un coup qu'il se mette à faire beau trop vite et qu'on retombe dans notre petit individualisme qui nous fait marcher vite en regardant par terre...