Un film sur l’éducation ? Oui. Sans doute plus que sur l’enseignement ou le malaise des enseignants. Un film où les parents sont absents, comme dans cette journée parents - profs où les seconds attendent en vain les premiers. Le seul père qu’on entende parler à sa fille, Meredith (Betty Kaye), n’apparaît pas à l’écran. Est-ce à dire que les parents ne s’intéressent pas à leurs enfants ?
Le film n’apporte pas de réponse. Heureusement ! Il est déjà assez sentencieux !
Et ce serait oublier le personnage principal, interprété par Adrien Brody, Henry Barthes (ne pas prononcer le « s ». Comme Roland, dont l'enfance semble proche de la sienne ?). Sa douceur, son attention aux autres (plus qu’à lui-même), ce grand-père (Louis Zorich) qu’il va régulièrement voir à l’hôpital, cette jeune prostituée, Erika (Sami Gayle), qu’il va convaincre de faire le test du sida, nous feraient négliger ce geste automatique : fermer le verrou de sa porte quand il rentre chez lui. Certes, il est dit qu’on peut admirer un prof (ou quiconque, d’ailleurs) en s’en tenant à sa vie publique, en ignorant tout de sa vie privée. Mais ce que le film nous montre de la vie privée de Henry Barthes est honorable. Appartement propre, pas de consommation d’alcool, pas de cigarette, il vit seul. Reste qu’une image d’enfant vient régulièrement sur l’écran, semant l’angoisse (qu’on m’excuse, j’ai pensé à l’enfant du film de Sergio Leone, Il était une fois dans l’Ouest). Et une affirmation est également répétée par le jeune prof remplaçant : chacun de nous a une part secrète, une part d’ombre, une face cachée. Comment vivre, et vivre avec les autres, avec cette part d’ombre ?
Henry Barthes ferme le verrou en rentrant chez lui, est appelé à l’hôpital parce que son grand-père s’est enfermé dans la salle de bain, jette ses clés sur le sol de son appartement un peu plus tard, peu de temps après y avoir accueilli Erika, est surpris par une collègue (Christina Hendricks) qui ouvre sans frapper la porte de sa classe… Cet homme, qui semble si apte à entendre, si ouvert aux autres, a intégré dans sa vie un rapport bien particulier à l’enfermement, sa forme de détachement, lui qui semble en permanence engagé dans le monde et la société.
La mort est aussi permanente : c’est d’ailleurs le premier sujet que propose aux élèves ce prof original, écrire le discours funèbre qui sera prononcé après votre mort. En dire plus ici serait en dire trop. A moins de revenir à la citation d’Albert Camus qui ouvre le film : « Et jamais je n’ai senti, si avant, à la fois mon détachement de moi-même et ma présence au monde. » (Noces)