Pourquoi l’armée a rasé la maison de Ben Laden

Publié le 27 février 2012 par Journalpakistan @journalpakistan

Alors que des bulldozers de l’armée sont à pied d’oeuvre à Abbottabad, les questions sur d’éventuelles complicités pakistanaises demeurent.

Paru sur le Point.fr le 26 février.

Emmanuel Derville

L’assassinat de Ben Laden par un commando américain a été le pire fiasco que l’armée pakistanaise ait jamais connu. Un an après, le mystère demeure sur les complicités dont a bénéficié le chef d’al-Qaida auprès des services secrets militaires. Le cerveau des attentats du 11 Septembre vivait avec toute sa famille à plusieurs centaines de mètres de quelques casernes et de l’Académie militaire de Kakul, le Saint-Cyr pakistanais. Nul doute que l’armée aimerait rayer cette affaire de la mémoire collective.

C’est d’ailleurs elle qui a pris en charge la destruction de la maison de Ben Laden. En effaçant le bâtiment de la carte, elle tente de faire oublier le scandale. Et ce n’est pas la première fois. Dans les mois qui ont suivi la mort de Ben Laden, les journalistes étrangers étaient interdits de séjour à Abbottabad. Deux reporters français avaient été arrêtés en septembre 2011 alors qu’ils travaillaient sur l’enseignement de la langue française dans la région.

Épouses au secret

Tous les témoins liés à cette affaire sont silencieux ou en prison. Le médecin pakistanais qui a aidé la CIA à repérer Ben Laden est toujours emprisonné. Les Américains réclament sa libération et des membres du Congrès veulent lui donner la nationalité américaine. Mais le Pakistan refuse de le laisser partir. Autres témoins-clés : les trois épouses d’Oussama Ben Laden, qui seraient toujours au Pakistan. Début décembre, un officier de l’Isi, les services de renseignements militaires, confiaient au Point qu’elles étaient détenues par l’agence dans un lieu tenu secret. Leur témoignage est important, puisqu’elles pourraient révéler à quelle date la famille Ben Laden est arrivée à Abbottabad et qui leur mari fréquentait. On ignore quand elles seront libérées.

Enfin, une commission d’enquête travaille depuis huit mois pour tenter de comprendre qui a protégé Ben Laden et pourquoi. Elle devait rendre son rapport en décembre dernier. Elle ne l’a toujours pas fait. Plus étonnant, un général fait partie de cette commission. Il faut dire que parmi les complices possibles figure le chef de l’armée en personne, le général Kayani, considéré comme l’homme le plus puissant du Pakistan. Il était le chef de l’Isi à l’époque où Ben Laden se serait réfugié à Abbottabad.


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