Moraliser la vie politique. Assainir les comportements politiques, en finir
avec les petits arrangements qui s’assoient sur la démocratie, redonner à la politique sa noblesse d’origine. Tel est le projet de François Bayrou pour le premier mois de son
quinquennat.
Je suis venu au 4e et dernier forum à la
Maison de la Chimie à Paris le samedi 25 février 2012, organisé par le candidat François Bayrou sur la démocratie et les institutions, parce que je pressentais qu’il prononcerait un discours important dans cette campagne (voir le texte intégral
ici). Je n’ai pas été déçu puisque je pourrais presque dire que le "Président Bayrou" a annoncé aux Français un référendum sur la moralisation de la vie politique.
Devant de nombreux journalistes, entre autres Olivier Mazerolle (BFM-TV) et Sylvie Pierre-Brossolette ("Le Point"), ce discours a été retransmis en direct (il me semble) sur trois chaînes de
télévision (LCP, BFM-TV et iTélé) et vient bouleverser le cours assez convenu de la campagne présidentielle dans le sens où un candidat vient de faire une proposition concrète, réalisable de
façon précise et datée pour renouer le lien de confiance entre les Français et leur monde politique.
Même si cela pourrait se trouver un tantinet démagogique, il a eu raison de montrer sa détermination à aller
vite. En proposant de faire un référendum dès le 10 juin 2012, en même temps que le premier tour des élections législatives, les Français en auront ainsi pour leur argent : pas de faux
fuyant, pas de discours hypocrite, pas de procrastination calculée, enfin de l’action immédiate.
C’est un véritable pavé dans la mare que François Bayrou a lancé, d’autant plus qu’il est le seul, dans la
classe politique, par son indépendance assumée, par son honnêteté et son intégrité reconnues, à pouvoir le proposer aux Français de manière
convaincante : « Je serai un Président libre et j’assurerai un pouvoir honnête qui leur rendra leur dignité. ».
En effet, ce n’est ni l’UMP ni le PS qui pourraient moraliser la vie politique actuellement car ces deux
partis profitent des petits arrangements avec la morale. Les affaires politico-financières qui se multiplient encore aujourd’hui tant à gauche (Bouches-du-Rhône, Pas-de-Calais etc.) qu’à droite (la liste est déjà longue) montrent à quel point ces deux grands
partis n’ont aucune envie de faire le ménage chez eux. Ce n’est d’ailleurs pas anodin : l’ex-avocat général Philippe Bilger, blogueur bien connu, vient d’annoncer son soutien à la
candidature de François Bayrou.
Dès le début de son discours de quarante minutes, François Bayrou a placé le décor : « La volonté d’un peuple ne peut se forger que dans un mouvement de lucidité. ».
Et de lucidité, les Français en ont bien plus que les gouvernants depuis trente ans, aveuglés par ce monde d’aubaines et de combines, de réseaux et de
privilèges, de passe-droits et d’avantages. François Bayrou veut ainsi redonner à la vie politique un peu de raison et de sérieux.
Ce sérieux, c’est notamment de ne pas balancer d’un revers de mains tout ce qui peut représenter certaines catégories de la population :
« Nous défendons les corps intermédiaires parce que nous défendons le peuple et ses droits. ».
François Bayrou n’a pas eu de mots assez durs pour fustiger autant le PS que l’UMP. Le PS qui concentre déjà
tous les pouvoirs dans les communes, les regroupements de communes, les départements, les régions et le Sénat et qui voudrait en plus contrôler l’Assemblée Nationale et l’Élysée pour distribuer
encore plus de postes (François Hollande a déjà annoncé à ses futurs obligés qu’il y aurait des places à
prendre et a même affirmé la semaine dernière sur BFM qu’il renverrait des hauts fonctionnaires, créant de la suspicion dans la haute fonction publique à l’instar des têtes réclamées par Paul
Quilès que fameux congrès de Valence de 1981). L’UMP avec sa pratique partiale de l’État, ses "affidés", ses "récompensés", ses "compensés", ses "connivents" installés « dans une multitude de fonctions d’État ».
C’est donc au milieu de son discours que le candidat centriste a lâché le principal "morceau" de la journée,
une proposition qui fera date : « J’en suis arrivé à une certitude : le monde politique tel qu’il est dominé par les deux partis du
monopole du pouvoir est incapable de se réformer lui-même. Or, la réforme est vitale pour retrouver l’estime du peuple envers ses élus et ses dirigeants (…). Elle est nécessaire en particulier et
surtout pour redresser la France et la sortir de la crise, car la condition du redressement, c’est la confiance retrouvée. ».
C’est aussi la réponse aussi à cette majorité centrale supposée introuvable que seuls les citoyens peuvent
rassembler d’eux-mêmes : « Pour rétablir les principes de la République, les simples principes de l’éducation civique, il faut donc passer par
la seule autorité qui vaille, qui est l’autorité directe des Français. Élu Président de la République le 6 mai, j’organiserai donc le 10 juin (…) un
référendum de moralisation de la vie publique en France. Je soumettrai aux Français directement avec le gouvernement que j’aurai nommé une loi-cadre, conformément à l’article 11 de la
Constitution de la République. ».
Le texte de ce projet de référendum sera rédigé par un comité de juristes que François Bayrou va réunir
autour de lui et sera proposé avant le premier tour de l’élection présidentielle pour être transparents avec les électeurs. Le texte devra être rédigé de manière claire, simple et compréhensible
par tous.
Sans dire son nom (à ma grande joie car je tiens à la Ve République), c’est le projet d’une nouvelle République qui a inspiré François Bayrou et ce projet
contient ainsi beaucoup de sujets. J’en cite quelques uns.
1. Réduire constitutionnellement le gouvernement à vingt ministres maximum, réduire d’un tiers le nombre des parlementaires, instaurer
pour un quart des députés le scrutin proportionnel pour les courants politiques qui représentent plus de 5% des voix sans empêcher de
dégager une majorité (j’ai déjà écrit ce que j’en pensais).
2. Interdire le cumul des mandats pour les députés et limier à deux mandats pour
les sénateurs. Cette interdiction (drastique) du cumul des mandats sera applicable pour les députés élus les 10 et 17 juin 2012. Donc, dès maintenant, pas dans cinq ans comme le proposent par
exemple les socialistes.
3. Supprimer dans le règlement des assemblées parlementaires les délégations de vote pour les lois : le vote de la loi sera systématiquement public et nominatif (si le parlementaire est absent, il ne pourra pas se faire déléguer).
4. Reconnaître le vote blanc à comptabiliser parmi les suffrages exprimés.
Commentaire personnel : si cela ne changera rien pour les résultats des seconds tours, cela pourra empêcher certaines élections dès le premier tour en obligeant la tenue d’un second tour (le
premier tour nécessitant toujours la majorité absolue des suffrages exprimés).
5. Rendre obligatoire la parité homme/femme après ce constat accablant que la
France est classée 61e dans le monde pour la place des femmes dans la vie publique.
6. Supprimer les multiples micropartis qui ne font que contourner la loi sur le
financement de la vie politique.
7. Renforcer et clarifier les incompatibilités entre fonctions d’élus et fonctions au sein de l’État et des grandes entreprises
publiques avec la transparence des fonctions, des ressources et des avantages et la lutte contre les conflits d’intérêt. Pour cela, sera
créée une autorité de déontologie de la vie publique saisissable directement par les citoyens et sera établie l’interdiction aux élus condamnés de
revenir dans le jeu politique « avant une période suffisamment longue ».
8. Protéger l’indépendance de la justice par une mesure déjà proposée par
Raymond Barre en 1988 : « Le Ministre de la Justice, Garde
des Sceaux, deviendra un ministre de statut particulier dont la nomination proposée par le Premier Ministre et le Président de la République sera soumise à l’approbation d’une majorité qualifiée
du Parlement devant qui il sera responsable et par qui il pourra être censuré. ».
9. Défendre l’indépendance des médias et en particulier, en réformant la nomination des
présidents de l’audiovisuel public avec notamment la nécessité d’obtenir du Parlement d’une majorité qualifiée pour approuver (et pas pour refuser comme dans le système instauré par Nicolas Sarkozy), et en protégeant le secret des sources.
Je suggère également d’inclure dans ce texte l’interdiction du
vote électronique (j’y reviendrai certainement).
Dans son discours, François Bayrou a aussi insisté sur le pouvoir local : il s’en prend à la réforme des
collectivités territoriales de 20120 (qui a probablement incité de nombreux élus divers droite à désigner un
Sénat majoritairement à gauche), et surtout, il ne croit pas à l’intérêt de concentrer les territoires : « Je crois à l’élu de proximité, à
sa présence, à l’attention de tous les jours qu’il est obligé de porter aux problèmes de ses concitoyens et je dis solennellement à ces élus : je veux que l’on cesse de vous affaiblir, je
veux vous renforcer, je veux assurer votre légitimité. ».
Renouant avec la pratique gaullienne de la fonction présidentielle, François Bayrou ne veut pas que le Président de la République soit un chef de parti : « Par exemple, c’est une offense à la fonction que l’on organise à l’Élysée des réunions partisanes autour du Président de la
République. ». Il rappelle aussi que le Président de la République « a une mission de pédagogie civique. Il a le devoir de porter à leur plus haut, selon la phrase de Marc Sangnier (…), "la conscience et la responsabilité des
citoyens" ».
Au "Grand Jury" de RTL-LCI-"Le Monde" du 26 février 2012, François Bayrou est revenu sur
les erreurs et les dérives de l’UMP et du PS : « Du côté de l’UMP, nous constatons chaque jour le mélange des genres entre pratiques du pouvoir
et intérêts privés. Au PS, ce mélange est celui où des élus sont souvent salariés d’une autre collectivité, tandis qu’ils perdent ainsi leur liberté de parole. Ils ont aussi une dérive commune
que de vouloir que l’appareil d’État soit rendu partisan, qu’on y progresse parce qu’on a la carte du parti ou qu’on est sympathisant. ».
Alors, il a répété : « Arrêtons le blabla » avec
le référendum qu’il propose : « Le référendum doit être utilisé pour des grands sujets et surtout, il ne doit pas monter la moitié des Français
contre l’autre. ».
Pour résumer, François Bayrou, qui est resté sept heures au Salon de l’Agriculture ce dimanche 26 février
2012, va marteler tout au long de ces deux derniers mois de campagne cette évidence : « Je serai
le Président de l’État impartial, le Président libre d’une République honnête. ».
Cet esprit de liberté et d’honnêteté a déjà séduit beaucoup de Français. Malgré le ralliement peu fier des notables du Nouveau centre à l’UMP de ce 25 février 2012, les jeunes militants du Nouveau centre viennent d’apporter
clairement leur soutien à François Bayrou, comme des proches de Dominique de Villepin (le député Daniel
Garrigues a même animé un atelier de ce forum), des anciens ministres chiraquiens ou sarkozystes (Anne-Marie Idrac, Dominique Versini, Philippe Douste-Blazy, etc.) et probablement d’autres élus de la majorité présidentielle, comme le député-maire NC
de Blois Nicolas Perruchot (sur LCP le 24 février 2012), qui ont compris que Nicolas Sarkozy aurait
une bien trop faible chance de gagner l’élection au second tour, tant sa personnalité est rejetée par l’opinion publique.
En quelques sortes, au lieu de faire de l’élection présidentielle de 2012 un référendum pour ou contre
Nicolas Sarkozy ou encore pour ou contre François Hollande, François Bayrou veut en faire un référendum sur la réconciliation entre le monde
politique et le peuple français.
C’est un objectif ambitieux, mais qui mieux que lui pourrait réussir une telle tâche ? Que pensez-vous de ces mesures pour restaurer le lien entre les gouvernés et les gouvernants ? Ne serait-il pas
temps de prendre son destin en charge ?
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (27 février 2012)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Discours de François Bayrou du 25 février 2012 à Paris (texte
intégral).
Vidéo du discours de François Bayrou le 25 février
2012 à Paris.
Le vote
utile.
L’État
impartial.
Quelques
mesures concrètes de François Bayrou.
L’union nationale.
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/bayrou-reconstruire-la-democratie-111258