Le héros du ciel,
Ayant triomphé de Satan,
Veille sur le pays Bas-Normand.
Voici comment
Un paysan
Me raconta
L’histoire de leur contrat.
Pour se protéger des vilaines
Incursions de son voisin
Le Malin,
Le maître de l’enfer,
L’archange entoura son grand domaine
De sables mouvants
Plus perfides que la mer.
Le diable, lui, n’avait qu’un petit logement
Mais il était bordé de terres fertiles.
Il vivait
Dans un luxe fastueux.
Alors que le saint régnait
Sur du sable inutile
Comme un gueux.
Le saint ennuyé de son état.
Passa avec le diable un contrat :
-Je te propose un compromis.
Le diable lui répondit :
-Ça me va.
-Voici, tu me céderas
Toutes tes terres. Je sèmerai,
Je labourerai, je cultiverai
Je moissonnerai.
Et, avec toi, la récolte je partagerai.
Le diable, paresseux accepta.
Les mains se tapèrent.
Les bouches crachèrent.
Le saint ajouta :
-Je ne veux pas que tu te plaignes.
Aussi, daigne
Choisir ce que tu préfères :
Les récoltes qui pousseront sur terre
Ou celles qui resteront dans la terre ?
Satan s’écria :
-Celles qui seront sur terre.
Content, le saint s’en alla.
L’été suivant,
Dans les jardins de Satan
On vit pousser des quantités de potirons,
Tomates, haricots, choux et melons.
Satan, furieux,
De se sentir fait comme un rat
Traita l’archange de malicieux
Et voulut rompre le contrat.
Le saint ayant pris goût à la culture
Lui répondit :-Je t’assure,
Ça c’est trouvé comme ça.
Donc, à la saison prochaine, je prends
Tout ce qui se trouvera sous terre.
-Ça me va
Dit Satan.
L’été suivant, les terres du malin
Étaient couvertes de blés, d’avoines, de lins.
Satan piqua une rage des plus belles
Il reprit ses prés, ses labours
Et resta sourd
À toutes propositions nouvelles.
L’archange, ne pouvant plus le duper,
L’invita à diner.
Il lui fit avaler un vol-au-vent,
Un gigot, un faisan,
Et cetera…
Satan prit du cidre, du vin, du calva…
Il but et mangea tant
Qu’il se trouva gêné.
Alors saint Michel, se levant,
S’écria d’une voix de stentor :
-Pauvre infortuné,
Par ici, viens dehors.
Satan éperdu s’enfuit.
Le saint le poursuivit.
Après avoir souillé tapis et coussins
Satan arriva sur la terrasse enfin.
De là, il vit au loin les villes, les champs…
Mais ne put échapper plus longtemps.
D’un coup de pied au derrière,
Le saint lança Satan dans les airs.
Le diable atterrit à Mortain.
Ses cornes et ses griffes entrèrent
Profondément dans la roche calcaire.
Ce rocher garde pour l’éternité
Les traces de la chute réputée.
Le diable se relevant boiteux pour toujours
Regarda le Mont et ses alentours.
Il comprit qu’il sera vaincu au final
Dans cette lutte inégale.
Alors il partit en trainant
La jambe, se dirigeant
Vers de lointains pays,
Abandonnant son ennemi,
Ses champs, ses prés,
Ses coteaux, ses vallées.
Voilà comment le patron des Normands
Vainquit Satan.
Céleste MAIPATRAU
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Mieux vaut tenir le diable dehors que le mettre à la porte.
J. Kelly
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