Le cinéma espagnol est souvent perçu comme étant le fait d’un seul homme : Pedro Almodovar. Mais à côté de ces délires colorés et hystériques subsiste un vrai cinéma de genre, presque le seul en Europe d’ailleurs à atteindre ce niveau de qualité. Sous la férule de quelques réalisateurs ayant d’ors et déjà percé, comme Guillermo Del Toro, le cinéma ibérique explose totalement en ce moment. Un peu comme en France, beaucoup de jeunes réalisateurs émigrent aux USA, après quelques films vraiment percutants.
L’orphelinat – Un film de fantômes de plus ?
Laura décide de revenir dans l’orphelinat où elle a grandi, afin d’y créer un centre pour jeunes enfants handicapés. Elle-même et son mari ont adopté Simon un jeune enfant un peu solitaire et malheureusement condamné car porteur du VIH. Simon, qui a toujours eu deux amis imaginaires, semble s’épanouir dans sa nouvelle demeure où il a apparemment trouvé de nouveaux et invisibles compagnons de jeu. Mais un jour il disparaît soudainement.
La force du cinéma fantastique ibérique est de prendre des sujets connus et archi-rabattus pour les traiter sous un angle différent. Les Autres de Aménabar (avec Nicole Kidman) ou L’échine du Diable de Del Toro sont deux parfaits exemples de films de fantômes ayant un traitement à l’opposé de ce que l’on peut attendre…
En effet, les espagnols sont particulièrement attachés à leurs personnages et ont horreur de tomber dans le cliché facile, en répétant à outrance des scènes de flippe. Eux préfèrent en général une approche plus poétique, souvent nostalgique. On peut également trouver très souvent dans leur cinéma un lien avec l’enfance. Que ce soit dans La Secte Sans Nom, Les Autres, Le Labyrinthe de Pan, L’été où J’Ai Grandi, L’Echine du Diable, Fragile… les enfants sont souvent le cœur de l’intrigue, et même très souvent des fantômes. Et contrairement à leurs homologues américains, les petits espagnols titulaires des rôles ne sont jamais des têtes à claques, et certains d’entre eux sont même forts impressionnant en termes de jeu.
Juan Antonio Bayona, réalisateur du film, ressasse les mêmes thématiques que ces aînés. Omniprésence des enfants, nostalgie prégnante, sensation générale d’innocence perdue et d’âge adulte qui condamne à voir la réalité de manière beaucoup plus sombre.
Une ambiance bien travaillée est donc une bonne base pour raconter une histoire. Encore faut-il que celle-ci soit particulièrement bien tournée. Et malheureusement c’est là que le bas blesse. Bayona hésite tout au long de son film entre légèreté et rationalité, entre réalisme ou fantastique horrifique pur et dur. S’alternent donc scènes rationnelles et scènes « qui font peur » à un rythme trop élevé pour que l’ambiance arrive à se poser. C’est une des règles de l’horreur au cinéma que de prendre le temps de poser le contexte afin de pouvoir terroriser le spectateur. Ici les rares scènes qui s’y tentent sont trop courtes et pas assez bien amenées pour être efficace.
A contrario, les scènes plus rationnelles, comme cette séance de spiritisme high-tech, perdent un petit peu de leur intérêt en raison de la distanciation entre les évènements que vit la médium (interprétée par Géraldine Chaplin) et ce que perçoit le spectateur (via des écrans de contrôle dans une salle bien trop éclairée).
C’est particulièrement dommage, car le film à pourtant de bons atouts. Comme je l’ai dit plus haut l’ambiance poétique et nostalgique est très réussie. De même Belen Rueda dans son rôle de mère prête à tout pour retrouver son enfant touche droit au but. On peut également parler du fantôme en chef, un gamin avec un sac sur la tête, dont le design est particulièrement efficace.
Mais voilà, la mayonnaise ne prend pas tout à fait, faute à un scénario qui perd de son intérêt en cours de route et qui ne va pas au fond des choses. Il n’empêche que vu le niveau formel de sa première réalisation, Bayona risque de nous sortir quelques bombes pour ses prochains films !