L’initiative, annoncée à la mi-2011, maintenant devenue réalité et au stade des essais, mérite d’être saluée : Safran et Honeywell ont mis au point ce qu’il est convenu d’appeler le «green taxiing», ce qui se traduit, semble-t-il, par «taxiage électrique». Une terminologie atroce pour une bonne idée : permettre aux avions commerciaux de se déplacer d’une extrémité à l’autre des aéroports grâce à des moyens de propulsion électrique logés dans le train d’atterrissage.
L’énoncé est néanmoins légèrement trompeur : l’énergie électrique est fournie par l’unité de puissance auxiliaire de l’avion, laquelle n’est autre qu’un petit turboréacteur qui fonctionne au kérosène. Mais le progrès potentiel n’en est pas moins considérable et annonce, dans l’hypothèse où le système serait généralisé, des économies considérables de carburant en même temps qu’une réduction importante des émissions de CO2.
On avait fini par l’oublier : les avions sont conçus pour voler mais ils roulent beaucoup. Un court courrier qui assure jusqu’à six ou sept allers et retours quotidiens évolue pendant plusieurs heures, au total, au fil des chemins de roulement. Ce faisant, il gaspille beaucoup de pétrole et use inutilement ses freins. Surtout quand il fréquente de grandes plates-formes comme CDG et, aux heures de pointe, doit patiemment attendre son tour avant d’obtenir l’autorisation de décoller.
Ce gaspillage a fait l’objet, à de nombreuses reprises, de discours écologiques pleins de bon sens en même temps qu’inutiles. Tout au plus a-t-on noté une proposition du groupe Virgin de remorquer les avions depuis l’aérogare jusqu’à proximité du seuil de piste, et inversement, la durée de fonctionnement au sol des moteurs pouvant ainsi être réduite au strict minimum. Cela, bien sûr, à condition de disposer d’un parc adéquat de véhicules de remorquage. Lesquels représenteraient un investissement qui ne serait pas nécessairement exorbitant. L’idée a bénéficié de ce qu’il est convenu d’appeler un intérêt poli, ce qui revient à dire qu’elle a été instantanément oubliée.
Safran et Honeywell, tandem de choc, n’accepteraient certainement pas que leur proposition conjointe tombe dans les oubliettes de l’écologie. D’autant que les deux industriels sont d’ores et déjà passés de la théorie à la pratique avec un A320 mué en démonstrateur technologique. Des essais sont en cours sur l’aéroport de Montpellier où les déplacements au sol de ce biréacteur devenu quasiment silencieux créent certainement la surprise. Reste à chiffrer l’investissement, d’une part, l’économie de carburant, d’autre part. Cette dernière se situerait entre 2 et 4%., suffisamment que pour attirer l’attention des directeurs financiers.
En attendant une version à 150 places du Solar Impulse à énergie solaire, A320 et 737, qu’ils soient NEO ou MAX, permettraient une précieuse avancée, un pas dans la bonne direction. Qui plus est, le taxiage vert renforcerait la bonne conscience écologique du transport aérien. A la seule condition de le rebaptiser au nom du respect de la langue française !
Pierre Sparaco - AeroMorning