C’est justement de ce livre que je souhaite parler aujourd’hui.
C’est le livre d’une femme dont le père vient de mourir et qui traverse au fil des jours tous les sentiments liés à la séparation, à la perte.
Alternent dans ce recueil des images de son père mort, des souvenirs de son père vivant, des moments de détresse, et des images de la vie quotidienne qui malgré tout continue. Ce recueil donne un peu l’impression d’un film dans lequel chaque poème représente une petite scène.
Le premier poème de ce recueil montre une femme qui prend le train pour assister aux derniers instants de son père. Malheureusement elle arrive à l’hôpital trop tard. Pendant ce voyage en train, submergée par la tristesse et l’angoisse, elle semble retomber en enfance, comme le suggèrent ces quelques vers :
Le train foncé sous la pluie dure pas mourir mon père oh steu plait tends moi me dépêche d’arriver.
Pas mouranrir désespérir père infinir lever courir -
Main montre l’heure sommes à Vierzon dehors ça tombe des grêlons.
Nous nous loupons ça je l’ignore passant Vierzon que tu es mort en cet horaire.
Plus loin dans le recueil, cette femme a du mal à retenir ses larmes quand elle va faire courses mais elle se sent obligée de faire bonne figure. Je mets ici le poème en entier car je trouve que Valérie Rouzeau a un grand talent pour parler de la vie quotidienne et suggérer son absurdité :
Ca va quand on demande moi je dis bien surtout s’il y a du monde je prends sur moi très bien.
On ne me voit pas chez l’épicière sangloter sur les pommes de terre.
Ni aux guichets de la poste retarder l’envoi pressé d’un colissime.
Ca va je dis sans dire et la tête et la tête.
Ca rime à rien ta mort intérieurement pauvre chant.
Des timbres je voudrais et des patates un carnet s’il vous plaît, un filet.
Merci beaucoup de monde.
Le poème de ce recueil qui me bouleverse le plus c’est celui où elle regarde son visage dans la glace en y cherchant le visage de son père qu’elle ne reverra plus.
Miroir dis-moi voir c’est ma tête ?
N’ai-je pas une grimace, une nouvelle ligne aussi à me barrer le front ?
Fais voir un peu ma figure : la figure orpheline ressemblante.
Renvoie-moi tout craché mon visage si je bouge vivante.
Si je bouge encore plus tu ne vois plus du tout ma gueule de fille frappante.
J’enlève mon visage de vivante, miroir.
Pas revoir.
Parmi les autres poèmes de ce recueil, certains me plaisent beaucoup, d’autres moins, il y en a quelques uns que je ne suis pas sûre de bien comprendre – mais l’ensemble mérite largement d’être feuilleté, lu, relu, et apprécié.