Spielberg est capable du pire comme du meilleur. Le meilleur, en tout cas pour moi, ce furent, outre ses classiques des années 70 et 80, des œuvres aussi éblouissantes que "A.I", "War of the worlds" ou "Munich". Parmi les ratages, je citerais le récent volet des aventures d'Indiana Jones (ennuyeux et sans inspiration) ainsi que la transposition numérique de Tintin (froide et désincarnée). Auxquels je pourrai ajouter désormais "War horse". Dans ce dernier opus, Spielberg certes se montre toujours aussi fort dans l'art de créer des séquences épiques et puissantes - War Horse en contient deux qui sont pas mal dans le genre: la charge héroïque et insensée de la cavalerie britannique à l'assaut d'un corps d'infanterie allemand, et la folle échappée du cheval Joey à travers le no man's land jusqu'à ce qu'il se retrouve pris dans les fils de fer barbelés. Le quart d'heure qui suit ce tableau cauchemardesque est également très réussi, Spielberg y installe un moment de poésie et d'humanité en racontant les efforts unis d'un soldat britannique et d'un soldat allemand pour porter secours au cheval en peine.Mais bon, je pense que j'ai cité les trois moments intéressants et même superbes du film. Pour le reste, le récit baigne dans le larmoyant et le convenu. On a droit à une succession de cartes postales à l'eau de rose, avec les lumières diaphanes chères à l'auteur et les violons emphatiques à souhait. Le scénario est terriblement niais et superficiel, les rebondissements à gogo sont très mal amenés, et les acteurs sonnent pour la plupart creux. En plus, pourquoi faire parler les personnages français et allemands dans un anglais hollywoodien aussi vieillot, bourré d'accents pittoresques? Et cela sans le moindre soupçon d'ironie !J'ai ressenti "War horse" au final comme une accumulation de saynètes enchaînées de façon très artificielle et, à l'exception des trois séquences déjà citées, platement réalisées et interprétées.Pourtant, le film permet une deuxième lecture, mais que je n'ai effectuée qu'après-coup, une fois digérée la vision purement émotionnelle en salle. En replaçant "War horse" dans l'oeuvre de Spielberg, on revoit clairement les mêmes thématiques, les mêmes obsessions, les mêmes angoisses. Si Spielberg en rajoute tellement dans le côté guimauve de ses personnages, c'est pour les faire apparaître comme de purs pantins dénués d'intériorité. Il n'y a pas de personnages profondément creusés dans "War horse", même le cheval est traité comme une sorte d'automate métaphorique. Ce qui prévaut dans ce film, c'est l'absurdité et l'arbitraire des folles situations qui emportent les hommes dans leur tourbillon fou, qui broient indistinctement leurs rêves, leurs espoirs, leurs iniquités. Il n'y a pas vraiment de méchants dans "War horse", juste un monde immonde.