Devant les agriculteurs, Sarkozy continue son show

Publié le 27 février 2012 par Juan
Tout ceci n'est qu'un show, parfois fatiguant.
Samedi 25 février dernier, Nicolas Sarkozy a inauguré le Salon de l'agriculture une bonne heure avant l'ouverture officielle, dès 7h30. Son agenda l'annonçait à 8h30. Il voulait éviter de croiser des vrais gens ou de rencontrer des opposants.
Pourtant, il était en terrain conquis. Cela fait deux ans qu'il a tourné casaque. En nov-langue sarkozyenne, on appelle cela du pragmatisme. Avant, il adorait l'écologie. Puis il a décidé qu'il préférait opposer les agriculteurs à la réglementation écologique. La démarche était facile. Il s'était trouvé un bouc-émissaire un peu visible pour divertir l'attention, y compris agricole, de la grave crise qui frappe le secteur.
Où est passé Sarko l'écolo ?
On ne savait plus si c'était le candidat ou le président qui se déplaçait. Il est parti vers 10h30, juste avant que le gros des visiteurs n'envahisse la place. De toutes façons, il n'avait aucune aucune annonce à faire.
Sur place, il réitéra son nouveau crédo, lancé en 2010 après l'échec du sommet de Copenhague, le succès électoral d'Europe Ecologie et sa propre débâcle aux élections régionales et européennes: il ne faut pas trop de normes contraignantes pour l'agro-industrie française. Le Grenelle de l'environnement et les belles déclarations éco-responsables de la campagne 2007 puis des premiers mois du quinquennat étaient bien loin: « je crois qu'il faut continuer dans le sens de la compétitivité, du respect des producteurs. Ils sont prêts à respecter eux aussi des normes mais ils demandent simplement que les contrôles ne soient pas aussi tâtillons, qu'on leur fasse confiance et qu'on les associe à la défense de l'environnement ». L'argument lui permet d'évacuer la crise de la filière: surendettement, hausse des matières premières, surproduction, abus de la grande distribution, les sujets ne manquent pas. Mais il est plus facile de cibler Eva Joly alliée à François Hollande.
Devant une assistance choisie, micro en main, il s'est aussi permis son désormais traditionnel appel à l'aide et aux valeurs: «Je me sens au coté des valeurs que vous portez : celles de gens qui aiment leur travail et qui veulent vivre de leur travail. (...) Pour l'agriculture, le mot-clé, c'est le mot compétitivité. (...) Si on partage les mêmes valeurs, j'ai besoin que vous m'aidiez à faire triompher ces valeurs.»
Une campagne sur les valeurs mais sans programme ? 
Le Figaro voulait se rassurer que l'opération de reconquête du coeur électoral agricole avait réussi: « Selon un sondage OpinionWay-Fiducial pour Le Figaro et LCI, 40 % des agriculteurs voteraient pour le chef de l'État si le premier tour de l'élection présidentielle avait lieu ce dimanche. Un score qui le place largement en tête du vote paysan ». Mais Sarkozy avait besoin d'aller « à la pêche au voix ». Après les élections régionales de 2010, l'Elysée avait réalisé que le socle s'effritait. Il fallait réagir. Le Monarque multiplia les discours sur l'identité agricole, une variante paysanne du « Travailler Plus » compatible avec les écarts identitaires du moment. Dans les sondages, le Président sortant reste préféré des agriculteurs.
Au Salon, les réactions furent timides. «Venir sur le Salon, ça ne suffit pas pour récupérer des voix» a expliqué un éleveur de vaches du Cantal. Son plaidoyer pour la hausse de la TVA, qui affecte directement les agriculteurs comme les autres, n'a pas séduit. Il « n'emballe pas les paysans » commente l'AFP. Malgré l'heure matinale, le candidat sortant a quand même goûté « la charcuterie, les fromages, le reblochon ».
Incroyable !
C'est un spectacle
Au Salon, une caméra de BFM-TV surprit le Monarque répondre à une question de journaliste à propos de François Hollande qui « se gargarise » de participer également au Salon. Se gargarise ? Oui, l'expression fut utilisée par la journaliste, Valérie Astruc, accrédité à l'Elysée par France 2.
Sarkozy: Il doit avoir bien des choses à se faire pardonner !  Ben j'sais pas, c'est une drôle d'idée... On vient au Salon de l'Agriculture...Moi j'y vais pour rencontrer des gens et entendre ce qu'on a à me dire... Si c'est uniquement pour faire 10 heures... Bon... Il va leur expliquer pourquoi il veut travailler avec Madame Joly...
La journaliste: Avec les écologistes, c'est ça ?
Sarkozy: ... Et à mon avis, il faudra plus que 10 heures... Il faudra plus que 10 heures...
Les caméras le suivaient de stand en stand. Il fallait donner l'impression d'une foule. En fait de foule compacte, Nicolas Sarkozy était encombré de journalistes, de micros, de caméras et de gardes du corps. De temps à autre, ce troupeau volumineux butait sur de vrais gens, comme en témoigna la journaliste de l'AFP: « À côté du grand ring, la famille Gourmaud, venue du Morbihan, s'est retrouvée par hasard sur le passage du cortège. Un peu effarée par la masse de journalistes qui suit le président, la grand-mère emmène sa troupe dans les allées de traverse. »
Vers 10h30, il quitta les lieux. Il y avait assez d'images et de clichés.
Un peu plus tard, dimanche, il avait réuni sa proche équipe de campagne au Château de la Lanterne. Il paraît qu'il peaufine les dernières pages de son livre-confessions. Le précieux manuscrit est passé entre les mains d'Emmanuelle Mignon et de Jean Castex. Mais le candidat sortant « hésite » toujours.
A défaut de livre, on attend toujours son programme.
Ami sarkozyste, es-tu impatient ?