J’aime ce genre de livre sur les secrets d’une ville, à la croisée du plan des rues, des livres d’histoires ou des archives. Rien de tel pour préparer une journée de découvertes dans un des coins de Paris que de lire ces pages et de partir d’un bon pied, tôt le matin, livre à la main et nez au vent. C’est le moyen idéal pour flâner en remontant les siècles. L’auteur est une journaliste qui a su doser curiosité et anecdotes, sans abus d’éruditions, sans lourdeurs mais comme une bonne camarade qui prendrait plaisir à nous faire découvrir sa ville bien aimée, en partageant ses connaissances. Une conteuse et un guide personnel à la fois. On cible un quartier et c’est parti! Grâce à elle, Paris prend une autre dimension! Derrière la ville actuelle se dessinent des tas d’autres Paris.
«C’est comme ça! A Paris, même s’il n’y a plus rien à voir, il y a encore tout à imaginer! Il n’est pas un pas de porte où il ne se soit passé quelque chose.»
Ainsi en est-il du
Quartier latin qui commence avec la difficile construction du
pont Neuf, commencé en 1578, sous
Henri III, qui posa la première pierre sous une pluie battante mais par la suite, des difficultés techniques, les guerres de religion et l’assassinat du roi interrompirent les travaux pendant onze ans.
Montaigne se désolait de la situation et ce fut
Henri IV qui prenant la décision de ne pas couvrir le pont de maisons et de créer une taxe prélevée sur le vin entrant dans Paris, puisera dans sa cassette personnelle pour terminer l’ouvrage. Il aménagea aussi la
place Dauphine et perça la rue du même nom en 1607, signant ainsi le premier projet d’urbanisme dans la capitale.
On érigea alors une première statue d’
Henri IV à cheval qui fut détruite le 12 août 1792 par des sans-culottes.
«La sculpture actuelle fut posée par Louis XVIII, à la Restauration. Son socle est une véritable caverne d’Ali Baba monarchique; on y trouve en vrac: La Henriade de Voltaire, la charte de 1814, une vie d’Henry IV, divers traités de paix… »
En 2004, cependant, lors de la restauration de la statue, on eut la surprise de découvrir ce qu’un ouvrier fondeur bonapartiste avait glissé à l’intérieur pour se venger de l’utilisation faite du bronze de la statue de
Napoléon qui surplombait la colonne
Vendôme. Il glissa dans la panse du cheval des libelles antiroyalistes et une statuette de l’empereur la transformant en
«une vraie poupée russe, tabernacle oublié des luttes politiques d’un autre temps.» Je prends beaucoup de plaisir à lire ce livre, lentement et à plusieurs reprises, pour mieux le savourer. Surtout ne pas le lire trop vite, ce qui rendrait indigeste une lecture légère et bienveillante qui comble ma curiosité. Les secrets de Paris de Clémentine Portier-Kaltenbach (La librairie
Vuibert, janvier 2012, 288 p.)
(Photos de Zoran Stajic et tableau de Renoir)