Le sociologue François de Singly s’est intéressé, dans son dernier livre « Séparée » au fait que les trois quarts des divorces sont demandés par des femmes.
En 1978, il y avait 17 mariages dissous sur 100 après 20 ans de mariage ; en 2008, on en est à 34 (le concubinage n’est pas comptabilisé).
De Singly a interrogé de nombreuses femmes et essayé de comprendre à la fois pourquoi elles étaient les principales instigatrices du divorce et pourquoi elles avaient estimé qu’il fallait le demander.
L’ouvrage est émaillé de nombreux exemples issus de la littérature ou du cinéma. On retrouve des livres d’auteur ayant marqué les années 80 comme Pancol ou Ernaux qui évoquaient le divorce alors que le phénomène était en pleine augmentation.
De Singly note que l’acquisition de droits, leur reconnaissance en tant qu’individu, a poussé les femmes à avoir de nouvelles demandes dans le mariage : le mari doit leur procurer des soins (alors qu’elles étaient auparavant les seules à le faire) et davantage s’occuper d’elles.
Une enquête aux Pays-Bas portant sur le divorce montre que les motifs ont changé. Auparavant, le motif le plus répandu était l’adultère. Sans que ce motif disparaisse, on note désormais d’autres raisons telles que l’indifférence du mari, réelle ou supposée, son désintérêt, son manque d’implication dans les discussions, ou son trop grand investissement dans la vie professionnelle.
L’auteur souligne un point important dans la décision des femmes de demander le divorce ; le trop grand effacement de soi.
Une remarque personnelle – et issue d’une référence culturelle indéniable
– . Dans les émissions de type Confessions Intimes, il est très fréquent de voir des sujets de type « il ne s’intéresse qu’au foot ». Nous voyons alors une gourdasse se les geler sur le bord d’un terrain pendant que son mari joue avec ses amis. Il ne lui vient pas l’idée une seconde d’aller faire autre chose, d’avoir ses propres loisirs, elle a tout investi dans son couple. C’est, encore aujourd’hui, le cas de nombreuses femmes, alors que les hommes envisagent, me semble-t-il, différemment le couple.Dans son chapitre 3, de Singly évoque ce qu’il appelle le premier type de séparation : « se séparer pour survivre ». Les femmes concernées par ce type de séparation estiment avoir été enfermées par le mariage ; elles ont eu en charge le travail domestique mais aussi toutes les responsabilités familiales. Il nous donne l’exemple d’une femme dont le mari sortait en permanence ; elle, avec leur enfant à charge ne le pouvait pas aussi aisément. Lorsqu’elle lui disait de rester pour qu’elle puisse sortir, il refusait en prétextant qu’il n’était pas libre. « Tout à ses rôles de mère et de conjointe, la femme perd l’habitude d’en jouer d’autres, contrairement à l’homme« . En clair, on divorce car on estime avoir fortement investi dans le mariage sans en avoir été récompensé. On y voit souvent des femmes qui divorcent aprèes 20 ou 30 ans de mariage et se retrouvent souvent seules, sans ami ni ressource.
Le deuxième cas de divorce concerne les femmes qui pensent que le mariage est un obstacle à leur développement personnel. Ainsi des femmes considèrent que leur mariage – ou leur concubinage – nuit à leur carrière.
Le troisième cas concerne des femmes qui divorcent mais sans pour autant considérer que le couple est « nuisible » pour elles ; elles peuvent donc envisager rapidement une nouvelle relation.
Même si l’ouvrage s’attache peut-être un peu trop à des témoignages individuels, qui ne suffisent pas à dresser un portrait clair des raisons pour lesquelles les femmes demandent le divorce, il montre bien néanmoins le changement extraordinaire qui s’est opéré en 30 ans. Les femmes, en bénéficiant des acquis du féminisme, ont su davantage prendre conscience d’elles-mêmes et de leurs envies.