Magazine
aujourd'hui, c'est quoi une marionnette, c'est quoi une compagnie itinérante ?
Publié le 06 mars 2008 par Moi1001
Je n'ai pas retrouvé le fil, je ne trouve pas les mots. Après une année 2007 entre création et diffusion, sans cesse sur la route, nous avons
démarré 2008 en nous disant qu'il fallait nous (ré)organiser avant de continuer. Le premier semestre 2008 entre ateliers et quelques représentations "était booké", nous nous disions qu'il
nous permettrait de travailler sereinement à la suite. Préparant la tournée d'été, je vois que rien n'est serein.
Regardant autour de nous, je sais que rien n'est tranquille. Avec notre projet artistique sous un bras, les marionnettes sous l'autre, le Théâtre de Marionnettes Itinérant et les bancs dans un
camion (de location) depuis fin 1998 nous sommes partis sur les routes, à la rencontre du public. Et de date en date, sans que jamais (ou si rarement) on nous demande de remettre en question nos
contenus ni la qualité que nous mettions derrière nos marionnettes, nous avons été assuré que nous faisions le bon choix ; celui du public, celui de l'humain. Mais nous n'avions pas imaginé que
l'époque avancerait contre nous, contre cette proximité et que favorisant l’immédiateté et les réseaux, morceau après bout, projet après établissement, elle déconstruirait avec minutie ce que
nous participons à construire. Avec patience.
Je dis que "nous n'avions pas imaginé" mais c'est faux ; je sais depuis longtemps que l'interstice dans lequel je me débats n'est qu'un interstice
(petit espace vide) et qu'il ne survivra pas longtemps aux assauts répétés de l'époque. Je ne suis rien ; "je" n'est rien.
Que représentent cent spectateurs, enfants et adultes, êtres humains réunis ici pour une représentation, là pour une autre ? Ne sont rien ces moments privilégiés que nous tentons de
construire ? Ne valent pas grand chose dans notre société de rentabilité et d'efficacité ? Loi du marché qui régirait aussi le monde de l'art et de la création ? Déjà ici j’avais parlé de ces
articles dans le supplément argent du « journal de référence » regardant l’art, investissement pas tout fait comme un autre mais investissement tout de même. Et cela va se
généralisant.
Société de consommation, consommant les « biens culturels », le chemin est tracé vers le mur.
Pourtant, me plongeant dans une oeuvre, ce n'est pas un profit immédiat que je recherche, ce n’est pas son coût ou sa capacité de me transformer en un consommateur heureux que je cherche ;
c'est autre chose, d'infiniment précieux mais tellement peu quantifiable. L'oeuvre m'élève, me fait grandir, continue de m'éduquer alors que l'école, quittée depuis longtemps s'est éloignée de
mes pas... Mais tout cela, je le sais, n'est plus au coeur.
Que nous faut-il aujourd'hui ? Ceux qui produisent doivent se rendre nécessaires à ceux qui consomment ? A quoi comparer l'oeuvre ? Serait-elle l'aliment de l'esprit, avec ses prix
réduits, ses promotions, ses produits rares... Et si je persiste à ne pas vouloir que ma faim soit immédiatement rassasiée ? Oui, je veux avoir faim, appétit intérieur qui n’accepte pas que le seul critère de choix entre deux aliments soit le prix ; la rentabilité économique d'une oeuvre en exclut combien d'autres.
Dans cette économie de prototypes qu'est celle de la culture, combien de réussites pour combien d'expérimentations et, si demain,(aujourd'hui déjà ?) nous ne nous autorisons plus les
expérimentations, il faut le dire, nous ne nous autorisons plus la culture, tout simplement..
Mes mots sont confus, ils sont pleins de ces histoires de vies croisés le long de notre chemin. Depuis 1998, nous avons, inconscients-volontaires construit une
aventure sur une route que certains travaillent à transformer en impasse mais, ils ne savent pas que les murs qu’ils dressent ne sont pas les nôtres.
Dimanche approche, il va me falloir assumer mon absence de sérénité. Je ne veux plus jouer ce jeu hypocrite ; les dés sont
pipés, les uns ne sont pas meilleurs que les autres, rien n’apaise aujourd’hui, feuille blanche dans l'enveloppe, cela s'approche, enveloppe dans l'urne et hop, je n'en suis pas
heureux...