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Contrairement aux idées reçues, le barbare, ce n’est pas l’autre, c’est moi.
Moi, dès lors que je me cantonne dans mon impuissance devant l’état du monde.
Moi, lorsque je passe devant les mains tendues et les regards implorants et que je ne sais que faire ni que dire.
Moi, lorsque je trouve tous les prétextes pour ne pas être de ces manifestations qui pourtant fleurissent un peu partout.
Moi, lorsque, drapé dans ma superbe d’écrivain je reste enfermé des heures à lire et rêver quand il y aurait tant à faire pour arrêter le bras de ces guerriers d’un nouveau genre que sont les financiers internationaux.
Moi, si je ne remet pas en cause et ne sais poser des limites à mes propres enfants et me proclame vaincu devant les sirènes d’un consumérisme sans limite, dont je sais qu’il est désormais toxique.
Parce que je laisse faire me contentant de mes mots,
Parce que je ne sais rien entreprendre qui arrête la mécanique implacable qui justifie le meurtre, en quelque point de ce monde,
Parce que je me terre si facilement dans ma montagne de vocabulaire, laissant à d’autres le soin d’agir,
Je suis moi-même le barbare qui demain condamnera et exécutera Sakineh.
Si je ne me dénonçais pas comme je dénonce l’implacable impuissance de milliers qui me ressemblent, je ne serais qu’un pleutre ajouté aux autres, complice du bras des assassins.
*
Une fois battue ta coulpe
Tu réciteras quelques vaines prières
Qui te feront entrer dans le rang
D’une histoire écrite par d’autre
Dont tu ne seras que la verte prairie
A broyer entre leurs implacables mâchoires
Au crépuscule de ta vie
Tu regarderas par-dessus ton épaule
Le joli champ de ruine laissé
Pour tout héritage
Aux enfants oubliés du siècle
*
Joyeux tu iras six pieds sous terre
Cracher à l’envers de ta tombe sur cette vie mal vécue
Manosque, 27 décembre 2011
© Xavier Lainé, janvier 2012
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