La république n’est pas partout. Elle s’arrête à l’entrée de nos prisons. Des établissements indignes d’un pays moderne par leur vétusté et leur sur-occupation (65 600 détenus pour 57 213 places). Sans parler des pratiques internes dégradantes telles les fouilles à nu, qui devraient selon la loi être exceptionnelles, mais qui sont banalisées par pur confort de sécurité par les personnels pénitentiaires.
Il y a la théorie, à l’extérieur, et puis à l’intérieur, à l’abri des regards, de bien étranges pratiques. Celles qui par les humiliations répétées vous transforment des agneaux en loups.
Peu importe les multiples condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour "traitement dégradant". Rien ou presque ne change. Sur le papier, la France a profité de la loi pénitentiaire de 2009 pour encadrer la pratique très polémique des fouilles à nu qui devraient désormais "être justifiées par la présomption d’une infraction ou par les risques que le comportement des personnes détenues fait courir à la sécurité". Leur fréquence doit normalement être "strictement adaptée à ces nécessités".
Dans la pratique, c’est une autre histoire. Le constat posé tout récemment par Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des prisons est sans appel : "Une circulaire d’avril 2011 a réhabilité le caractère systématique des fouilles, trahissant ainsi l’esprit de la loi".
Le texte permet aux directeurs de prison de recourir quotidiennement aux fouilles à nu dès lors que leur établissement fait face à une "situation dangereuse". Comme souvent, le diable se cache dans le détail. Il aura suffi aux fonctionnaires du ministère de la justice de remplacer les mots "personnes dangereuses" par "situation dangereuse".
Le quotidien La Croix s’est intéressé à cette question. "Concrètement, il suffit que je trouve quelques objets illicites au sein de la prison pour pouvoir recourir à ces fouilles pendant une période de trois mois", confirme sous couvert d’anonymat un directeur de prison de l’ouest de la France. "À la fin de cette période, il suffit que je fasse une nouvelle prise pour renouveler le dispositif".
Alors certes, différents tribunaux administratifs ont condamné ces pratiques mais cela reste insuffisant pour mettre fin à ce qu’il faut bien appeler une dérive grave.