Je me suis replongée hier dans la lecture du livre IV des Contemplations. J’avais envie de chasser l’image de Victor Hugo, poète des fleurs et des oiseaux, que j’avais gardée de ma lecture des premiers livres et que je trouve un peu mièvre doucereuse!
En effet, cette section est celle qui est dédiée à Léopoldine, la fille du poète, morte noyée à Villequier, avec son jeune époux et deux membres de sa belle famille. Comme je venais de lire Le garçon dans la lune, je me suis dit que ça serait un moyen de prolonger la thématique de la perte d’un enfant (mais bon, point trop n’en faut, je ne vais pas relire Philippe Forest et son Enfant éternel dans la foulée ! )
Livre du deuil, de la colère parfois, du doute mais aussi de l’acceptation de la destinée tragique, Pauca Meae retrace les épreuves traversées par Victor Hugo depuis la découverte de la noyade. La plupart des poèmes sont très connus (“Demain, dès l’aube… “, “Mors”, “Veni, vidi, vixi”…).
Dans de nombreuses pièces du recueil, Hugo semble avoir la volonté de faire revivre sa fille à travers l’écriture comme dans une longue anamnèse.
Les poèmes du souvenir retracent le bonheur familial et nous font plonger dans des scènes de bonheur simples où l’enfant est source d’amour et de félicité (sans oublier la dimension spirituelle fortement présente chez Hugo).
Parfois, si l’évocation nostalgique du bonheur fait place à une rhétorique de l’inquiétude (celle qui interroge Dieu mais celle aussi qui concerne la possibilité même de la création pour ce poète qui se sent investi d’une mission ), ce n’est finalement qu’une passerelle vers l’acceptation de la volonté divine, peut être parce qu’il faut bien se faire une raison pour continuer à vivre :
“Je conviens que vous seul savez ce que vous faites
Et que l’homme n’est rien qu’un jonc qui tremble au vent ». Dans ce poème l’écriture de Hugo a quelque chose de pascalien : il met en avant la petitesse de l’homme face à la grandeur de Dieu.
Le poème qui m’a le plus émue (à l’exception de “Demain dès l’aube…” !) est celui intitulé “Charles Vacquerie”, nom de l’époux de Léopoldine. Au cours de ce très long texte, Hugo fait l’éloge de l’amoureux et rend hommage à son gendre, son “fils”qui a choisi de suivre celle qu’il aimait dans la mort puisqu’il n’a pas pu la sauver ( Charles Vacquerie était apparemment un bon nageur.). C’est probablement pour ce geste d’amour fou que les deux époux sont enterrés dans le même cercueil.
“En présence de tant d’amour et de vertu. / Il ne sera pas dit que je me serai tu, / Moi qu’attendent les maux sans nombre! / Que je n’aurai point mis sur sa bière un flambeau, / Et que je n’aurai pas devant son noir tombeau / Fait asseoir une strophe sombre!”
Un beau recueil (pour moi le plus beau et le plus profond des Contemplations) qui mêle toute une gamme de sentiments et d’émotions et qui semble concentrer l’essence de la vie humaine dans ce qu’elle a de tragique mais aussi de doux…