Quelqu'un qui doit préparer une conférence me demande mon avis sur "L'officier et la culture du risque". En un mot, je crois qu'elle a disparu.
Pour dire la vérité, je crois que l'institution militaire s’illusionne beaucoup sur cette « culture du risque ». Elle fait partie des mantras, des présupposés, des idées reçues, transmises, ressassées. Mais elle ne correspond pas forcément à la réalité. Comme la lumière d'un astre mort nous paraît toujours brillante, même si la distance nos empêche d'apercevoir la réalité. En quelque sort, une rémanence : la persistance d'un effet optique une fois que celui-ci a disparu.
Certes, les officiers font des pistes d’audace et apprennent à se comporter collectivement dans des situations d’imprévu.
Mais l’imprévu n’est pas le risque et tout le système actuel est extrêmement contrôlé : à la fois à cause des règles militaires mais aussi des règles civiles que nous avons adoptées : droit, contrôle de gestion, budget, prévention, précaution, … Tout cela fait que l’officier n’est plus quelqu’un qui, par état, sait gérer le risque (le calculer, et le prendre). Au contraire, on ne cesse de lui apprendre à s'en défier. Sous couvert de le contrôler, à le bannir. Pas de .. ouille, pas d'embrouille.
Plus lapidairement : à force de vouloir maîtriser le risque, nous n’en prenons plus.
Le sujet désormais c’est : « l’officier et la culture du non-risque ».
Mais disons toute la vérité : cette évolution n'est pas le fait du seul officier : elle appartient à toute la culture managériale, y compris dans l'entreprise. Posez la question aux cadres des écoles de management : c'est pire. On apprend aux ingénieurs et aux managers à appliquer des recettes. Mais cela, ce n'est pas prendre un risque.
C'est d'ailleurs la cause d'un certain déclin collectif : qui a tout à perdre ne risquera rien, ne jouera pas, et donc perdra assurément. L'abus de prudence est encore plus délétère que la témérité.
Conclusion; continuez à le raconter partout (après tout, quand on a une image de marque, il faut la garder et l'entretenir : une Jaguar a toujours l'image d'une Jaguar, même si ça tombe en panne). Mais n'y croyez pas.
NB : j'apprends à l'instant le décès d'Hervé Coutau-Bégarie. J'y revendrait dans un prochain billet : dès à présent, je présente mes condoléances à toute sa famille. Il nous manque déjà.
O. Kempf