“Elle ne m’a pas quitté à travers toutes ces années, cette ombre, elle voilait de deuil chacune de mes pensées, de jour et de nuit… Peut – être que sa silhouette apparaît dans bien des pages écrites. Mais toute ombre, après tout, est fille de la lumière. Et seul qui a éprouvé la clarté et les ténèbres, la guerre et la paix… La grandeur et la décadence a vraiment vécu.” Zweig, Le Monde d’hier
Le célèbre écrivain autrichien, Stefan Zweig quitte New York en bâteau pour rejoindre le Brésil, accompagné de sa deuxième épouse, Lotte.
Au premier abord, les deux époux sont très différents : Lotte a trente ans tandis que Stefan en a soixante. Elle aime l’agitation, la compagnie tandis que lui apprécie le calme et la solitude. Mais surtout l’écrivain est habité par une mélancolie profonde, par un véritable mal être qui semble être lié en grande partie à la seconde guerre mondiale et aux traitements réservés aux Juifs.
“A Londres nous étions vus comme des ennemis. “Enemy aliens”. Des étrangers indésirables. Juif en Allemagne. Allemand en Angleterre. Etranger partout. J’en ai assez d’être l’ennemi du genre humain.”
Malgré la promesse d’une vie meilleure à Petropolis et l’optimisme de Lotte, Stefan s’enlise un peu plus dans le désenchantement tandis que sa jeune épouse lutte contre des crise d’asthme assez importantes.
Cet exil permet quand même la naissance d’une autobiographie : Le Monde d’hier, qui a surtout une fonction de témoignage et une volonté de faire ressusciter les disparus car toute écriture fictionnelle semble vaine après la tragédie que vivent les Juifs. Mais, peu à peu, Lotte comprend que son mari a décidé d’en finir parce qu’il ne peut plus supporter le poids de la souffrance qui l’accable.
J’ai beaucoup aimé le parallèle fait entre Zweig et Kleist : tous deux remariés avec une femme malade beaucoup plus jeune qu’eux, qui finissent par se donner la mort ensemble pour ancrer leur amour dans l’éternité.
Pour découvrir les dix premières pages de l’album et vous faire une idée plus précise du graphisme, c’est ici (avec un concours pour gagner une BD en prime !)
En somme, cette bande dessinée est un bel hommage à cet immense écrivain… A conseiller aux lecteurs assidus de Zweig !
“Vos livres sont comme des diamants éternels / Vos livres nous parlent et vos livres nous racontent … / Vos livres ont la splendeur des âmes pures … / Vos livres sont comme la prière des hommes…”
Sorel & Seksik, Les Derniers jours de Stefan Zweig, Casterman, 16 €