De premiers travaux menés par l'Inserm et publiés dans la revue Anesthesiology suggèrent que le sévoflurane, un agent anesthésique couramment peut entraîner, après plusieurs administrations, des troubles de la mémoire irréversibles… chez la souris. Cet agent pourrait également déclencher des mécanismes associés à la survenue de la maladie d'Alzheimer. Cette étude incite donc à poursuivre les recherches chez l'Homme. Une autre étude, publiée dans l'édition de février des Mayo Clinic Proceedings, alerte sur le lien chez l'enfant entre anesthésies répétées et développement des troubles du déficit de l'attention et hyperactivité (TDAH).
Les personnes opérées sous anesthésie générale peuvent présenter des troubles cognitifs comme des pertes de l'orientation spatiale ou temporelle, dans les heures ou les jours qui suivent, explique cette équipe de l'Inserm dirigée par Luc Buee (Unité Inserm 837 à Lille). Ces troubles généralement rapidement réversibles peuvent néanmoins persister jusqu'à trois mois chez les patients plus âgés, de plus de 70 ans.
Cette étude visait donc à comprendre, sur des souris, les mécanismes cellulaires susceptibles d'expliquer ces effets de plus long terme des anesthésies successives au sévoflurane. Après l'anesthésie, les auteurs constatent, sur la souris, une modification des protéines Tau, impliquées dans la dégénérescence des neurones associée à la maladie d'Alzheimer. Après 24 heures, ces protéines avaient retrouvé une activité normale. Après 5 doses successives de sévoflurane à un mois d'intervalle, les chercheurs constatent que ces modifications survenues sur les protéines Tau sont devenues irréversibles. En outre, les souris présentent des troubles importants de la mémoire.
Chez la souris, mais chez l'Homme ? Alors que ces modifications étaient déjà connues en cas d'anesthésie, les chercheurs montrent que l'exposition répétée à l'agent anesthésique est associé à des troubles de la mémoire irréversibles, chez la souris. "Il ne faut certainement pas faire de conclusion hâtive » explique le chercheur, « Nous devons vérifier si tous les agents anesthésiques ont un effet similaire chez la souris, si des modèles différents de souris donnent les mêmes résultats et, chez l'homme, si l'on peut déjà identifier les produits les mieux tolérés. Il ne faudrait pas que des anesthésies, surtout répétées puissent par exemple accélérer une maladie d'Alzheimer naissante ». Une étude épidémiologique devra confirmer ces premiers résultats.
Et chez l'Enfant ? Une autre étude, publiée au même moment dans les Mayo Clinic Proceedings, montre que les jeunes enfants exposés à des anesthésies multiples montrent des taux élevés de TDAH. Il s'agit ici d'enfants âgés de moins de 3 ans. Parmi ces enfants exposés plusieurs fois à l'anesthésie, l'incidence du TDAH est double par rapport aux enfants jamais exposés. Ce résultat a déjà été vérifié par une étude épidémiologique, portant sur 341 cas de TDAH. Les résultats sont sans appel. Alors que le taux de TDAH après une seule exposition à l'anesthésie ou sans anesthésie est similaire, pour 2 expositions ou plus à l'anesthésie et la chirurgie, le taux de TDAH s'élève 17,9% vs 7,3% (pour une seule ou pas d'intervention). Des résultats, précisent les chercheurs qui ne peuvent confirmer, en l'état, que les anesthésies sont la cause directe du TDAH. Mais, là, encore, les recherches vont être poursuivies.
Sources : Communiqué Inserm (Vignette) et Anesthesiology (2012) doi: 10.1097/ALN.0b013e31824be8c7 "Tau phosphorylation and sevoflurane anesthesia: a link to postoperative cognitive impairment".
Mayo Clinic Proceedings Volume 87, Issue 2 , Pages 120-129, February 2012 “Attention-Deficit/Hyperactivity Disorder After Early Exposure to Procedures Requiring General Anesthesia”
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