Les 60 000 postes n’étaient donc que du teasing ? Ceux qui craignaient que le programme socialiste ne se limite à cet horizon du « toujours plus de moyens » vont se sentir rassurés avec le discours que François Hollande devait prononcer, à Orléans, jeudi 9 février.
« Rythmes scolaires, pédagogie, formation, mission et même moyens, il faudra tout reprendre », estime le candidat socialiste dans un discours frappé du sceau de l’investissement éducatif.
« La connaissance, le savoir, l’école ne sont pas seulement des dépenses, ce sont des investissements, souligne M. Hollande. En termes économiques, la France n’a pas les résultats éducatifs lui permettant de préparer sa future croissance. De même qu’il y a une corrélation étroite entre la qualification et l’emploi, il y a une corrélation étroite entre les performances scolaires et le niveau de croissance. »
Voilà sur quoi pourrait se fonder le nouveau pacte entre l’école et la nation que M. Hollande appelle de ses vœux. Une fois remboursée la « dette éducative », dont le député de la Corrèze estime qu’il hériterait s’il prenait la direction du pays à l’issue du quinquennat de Nicolas Sarkozy.
Mettre la priorité sur le primaire L’école de M. Hollande concentre les moyens sur les petites classes. D’abord, parce qu’« il n’y a pas ceux qui peuvent et ceux qui ne peuvent pas » et parce que « tout enfant est éducable », estime le candidat, pour qui les 150 000 sorties sans diplôme, aussi bien que les 20 % de mauvais lecteurs, sont un vrai scandale et un gâchis, dans un pays qui doit s’appuyer sur toutes ses forces. Ensuite, parce que plus la difficulté est prise en amont, moins sa réparation coûte cher.
Une partie des 60 000 postes ira donc vers le premier degré, où le candidat socialiste propose de mettre « plus de maîtres que de classes ». Cette mesure peut se traduire par des dédoublements, par la présence de deux enseignants dans une classe, ou par la formule finlandaise de l’enseignant à disposition, qui prend à part l’enfant qui ne suit plus et l’aide à rattraper le groupe. La recherche montre l’efficacité de tels dispositifs s’ils s’accompagnent de changements réels dans la pédagogie mise en œuvre.
Allonger l’année scolaire Comme le prévoyait déjà le projet du Parti socialiste, la semaine et l’année scolaire devraient s’allonger, pour alléger la journée de classe. Cette mesure fait consensus chez tous les avocats des enfants.
Même l’UMP l’a en tête. Mais, à droite, l’affaire est délicate puisque c’est sous la présidence de M. Sarkozy que la semaine de classe a perdu une demi-journée. D’ailleurs, après des promesses et deux rapports, Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, a enterré le dossier.
La grande métamorphose du primaire devrait aussi passer par la suppression des évaluations de CE1 et de CM2, qui sont perçues comme non fiables, même par le Haut Conseil de l’éducation.
M. Hollande propose qu’elles laissent place à « une évaluation indépendante et incontestable », moins contraignante sans doute, puisqu’il veut aussi en finir avec « l’évaluation permanente » et réaffirme vouloir, dans les classes, « de la coopération plutôt que de la compétition ». « C’est ainsi que l’école sera une école de l’excellence », devait-il ajouter, dans un clin d’œil aux mesures de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), selon lesquelles les écoles qui emmènent toute une génération en fin de collège sont aussi les plus performantes.
S’agissant du collège, justement, M. Hollande critique l’UMP, qui tente d’orienter vers le professionnel à l’issue de la classe de cinquième. A ses yeux, cela s’appelle « accentuer les défauts de notre système », voire « aggraver les inégalités ». M.Hollande oppose à ces idées la volonté de gommer ce qui fait de l’école française une des plus inefficaces du monde face aux inégalités sociales.
Cela passe par le retour d’une scolarisation précoce dans les zones difficiles et par la relance d’une « politique d’éducation prioritaire sérieuse et dotée de moyens véritables ». Même si c’est en ce moment que se prépare la rentrée 2012, les zones en souffrance pourraient bénéficier de moyens d’urgence dès septembre, si M.Hollande l’emporte en mai.
Atténuer les moments de rupture Pour ces temps où les élèves les plus fragiles perdent pieds, M.Hollande promet une meilleure jonction entre l’école primaire et le collège grâce à des programmes revus « afin d’être en cohérence avec le socle commun de connaissances et de compétences, qui définit ce que tous les jeunes doivent savoir à 15 ans ».
Même chose entre le lycée et l’université, avec un vrai coup de pouce aux lycéens professionnels et technologiques. Le candidat socialiste promet ainsi de leur réserver « les formations supérieures qui étaient prévues pour eux et qui, aujourd’hui, leur sont trop souvent fermées ». Les bacheliers généraux continuent en effet, depuis des années, à être accueillis à bras ouverts dans les filières de formation en deux ans (BTS ou IUT), très encadrées, pendant que les plus fragiles vont se perdre dans une université qui n’a pas été pensée pour eux.
Procéder à la refonte de la formation des enseignants Très attendue, elle est au programme du candidat PS. « L’année de stage sera rétablie » et des « écoles supérieures du professorat et de l’éducation » seront créées. Ces établissements formeront tous les professeurs, « quel que soit leur niveau de recrutement, qu’ils se destinent à enseigner en maternelle ou à l’université ». On retrouve là le pari sur une culture commune à l’ensemble des enseignants plutôt que sur leur différenciation.
Un moyen de redonner envie d’enseigner ? La mise en place d’un prérecrutement dès la licence, elle aussi au programme, pourrait avoir la double vertu de regonfler le vivier maigrichon des candidats profs et de « redonner à l’éducation nationale son rôle exemplaire de promotion sociale et républicaine ».
Le candidat veut ouvrir une discussion avec les syndicats avant l’élection. « Pourquoi ne pas [parler] du métier d’enseignant pour le faire évoluer, le rendre plus attractif, plus heureux, plus efficace et qu’il puisse atteindre ses nouveaux objectifs? », lance-t-il à leur intention. C’est une façon polie de leur proposer de réfléchir à la redéfinition de leur métier, toujours cadré par les seules heures de cours hebdomadaires, alors que le métier inclut bien d’autres tâches.
Pour le PS, toucher aux décrets réglementant le temps de travail ne sera pas un préalable, alors que l’UMP est plus directe et que François Bayrou (MoDem) botte en touche, en proposant que cela se fasse sur la base du volontariat.
Le chef de l’Etat pourrait, lui, proposer la fin des décrets de 1950 en échange d’une revalorisation, alors que, chez M.Hollande, il n’est pas question d’augmentation dans un premier temps.
Changer l’école d’abord, c’est un peu le message clé du discours d’Orléans. Un discours de présidentiable, qui trace un horizon en ménageant les susceptibilités de cette profession, qui compte quand même 800 000 votants potentiels.