Quand j'étais Jane Eyre – Sheila Kohler

Par Theoma

« Écrire est sa façon de s'évader, de fuir cette cellule de solitude, d'obscurité et de désespoir. Son esprit est libre d'errer à sa guise. Elle ose s'affronter à ses humiliations, à ses peines et leur donner une structure. »

Il est commun de constater qu'après la lecture des Hauts de Hurle-Vent ou de Jane Eyre, les critiques s'interrogent. Comment des jeunes filles aux profils aussi sages ont pu décrire avec tant de précisions la passion et la noirceur ?

Je me demande à mon tour si ce n'est pas méconnaître les femmes ou l'écriture que de se poser une telle question. Les sœurs Brontë ne sont-elles pas le juste reflet de l'imagination au service de l'écriture ? Leurs vies, épiques et tragiques, ne démontrent-elles pas la source de leurs inspirations ?

Le carcan de la femme, la mort, l'abandon, l'addiction, la folie, la désolation, comment peut-on encore affirmer que Charlotte, Emily et Anne, n'ont rien connu excepté la lande et leur père malade ?

En n'expliquant rien mais en racontant beaucoup, Sheila Kohler dépeint les multiples facettes de ces trois sœurs exceptionnelles et tout particulièrement celles de Charlotte Brontë durant l'écriture de Jane Eyre, l'un de mes romans préférés.

Une lecture douce, le temps suspendu, que l'on quitte à regret.

La Table Ronde, 262 pages, 2012

Extrait

« Le nom lui vient comme ça. Elle ne croit pas l'avoir jamais entendu. A-t-elle connu quelqu'un qui le portait ? Est-il inspiré de la rivière et de la belle vallée de l'Ayre qu'elle connaît si bien ? Vient-il de l'air, ou du feu, peut-être ? Il y aura du feu et de la colère dans son livre, il sera en guerre contre le monde tel qu'il est. Injuste ! Injuste ! Colère visionnaire : elle est celle qui voit maintenant pour son père. Le voyeur, l'observateur, c'est elle. Jane si ordinaire, Emily Jane, le deuxième prénom de sa sœur chérie, Jane si proche de Jeanne, la courageuse Jeanne d'Arc, Jane si proche de Janet, Jeannette, la petite Jane. Un nom qui évoque le devoir et la tristesse, l'enfance et l'obéissance mais aussi le courage et la liberté, un nom d'elfe, un nom de fée, mi-esprit, mi-chair. Lumière dans la nuit, vérité au milieu de l'hypocrisie. Le nom de quelqu'un qui voit : Jane Eyre. »

Lu aussi par  Ys, Sylire, Clara, Cathulu..

Un petit moment avec Sheila Kohler « souvent la fiction vient d'une question »...