L'American Society for Microbiology qui regroupe les experts américains, revient sur le débat sur la gravité potentielle d'une épidémie de la grippe H5N1 chez l'Homme et appelle à régler la question de la sécurité de la recherche et le partage des données entre scientifiques, dans sa revue Mbio, du 24 février.
Alors que le (super) virus H5N1 est actuellement au centre des préoccupations des communautés scientifiques, de l'OMS et de la Biosécurité américaine (National Science Advisory Board for Biosecurity- NSABB) qui a demandé aux auteurs des 2 récentes études sur H5N1 de ne pas publier dans les 2 revues Science et Nature, deux experts du Center for Infectious Disease Research and Policy de l'Université du Minnesota, Michael Osterholm et Nicholas Kelley, font leurs propres commentaires :
Le virus H5N1 est très dangereux, écrivent-ils, prenant en compte, au-delà du débat en cours, l'analyse des études séro-épidémiologiques menées sur le virus H5N1 chez l'Homme. L'infection au virus H5N1 conduit à une mortalité extrêmement élevée et les vaccins actuels et les médicaments antiviraux ne pourront pas nous sauver d'une pandémie mondiale H5N1. «Nous pensons que l'affirmation selon laquelle le taux de létalité de la grippe H5N1 chez l'homme peut être surestimée est basé sur une analyse erronée des données», déclare Michael Osterholm.
Leur analyse des rapports de séroprévalence H5N1 (épidémie de Hong Kong-1997 puis données recueillies à ce jour) donnent une impression trompeuse, précisent-ils, car le génotype du virus H5N1 1997 est très différent de celui du H5N1 analysé sur les derniers cas. C'est d'ailleurs pourquoi la « première » souche H5N1 n'est pas prise en compte dans les vaccins anti-H5N1.
Un taux de mortalité élevé : Si l'on ne considère donc que les cas recensés depuis 2004, les personnes exposées sont gravement malades et présentent un taux élevé de mortalité, qui, selon les dernières études séro-épidémiologiques aboutissent à un « taux de létalité de 30% à 80%», explique M. Osterholm. Dans le cas d'une pandémie de H5N1, même avec un virus 10 ou 20 fois moins aussi virulent, le taux de mortalité serait plus élevé que celui de la pandémie de 1918 (environ 2% de taux de mortalité).
Les vaccins seraient inefficaces contre une nouvelle pandémie de H5N1, prenant en compte les délais de développement et de fabrication contre la dernière souche en circulation. Les auteurs rappellent le caractère tardif de la réponse vaccinale pour les pandémies de grippe de 1957, 1968 et 2009. Les chercheurs dénoncent ici « un processus qui a peu changé depuis 2009 » et une « technologie actuelle des vaccins antigrippaux insuffisante pour relever les défis d'une pandémie de grippe du 21e siècle».
Préparer une feuille de route pour l'avenir et revoir notre Plan de préparation est donc une urgence. Pour cela, rappellent les auteurs, il faut se préserver de la sortie des virus des laboratoires et régler la question du partage des données. Il y a aussi la question des délais de production et de l'efficacité des vaccins. Un travail qui profitera également, concluent les experts, à notre préparation face à l'émergence d'autres agents pathogènes.
Sources :American Society for Microbiology Mbios The H5N1 Manuscript Redaction Controversy et Opinion: H5N1 Flu Is Just as Dangerous as Feared, Now Requires Action, Science (AAAS) Flu Experts—And One Ethicist—Debate Controversial H5N1 et WHO Meeting of Flu Experts Calls for Full Publication of Controversial H5N1 Papers OMS et WHO statement on new H5N1 influenza research NSABB (Visuels CDC)
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