Les 16 nouvelles de ce recueil se révèlent toutes mordantes, piquantes, acides, bref méchantes en définitive mais d’une féroce lucidité sur la vie en société. Chacune d'elles est une petite merveille, une caricature finement ciselée, sèche et claquante à souhait. Elles décrivent les ridicules de certains couples dans leur vie mondaine ou restituent leurs pensées sombres et secrètes derrière les apparences policées et souriantes. Je suis charmée, subjuguée, amusée aussi par tant de talent!
La jarretière est une de celles que je préfère. Une jeune femme qui espérait bien s’amuser à une soirée de bal, se retrouve clouée sur sa chaise car une de ses jarretières trop relâchée laisse tomber son bas. Elle doit donc refuser toute invitation à danser et passe la soirée à faire tapisserie et à se désespérer dans son coin.
«Cet homme, cet homme qui me regardait! Il s’approche! Oh! Et maintenant? Je ne peux pas lui dire: «Monsieur, je crains devoir émettre des doutes quant au plaisir de faire votre connaissance.» Je serais nulle pour ces trucs-là. Et puis je n’arriverais jamais à faire semblant d’être française. Si encore je pouvais me lever et m’éloigner d’un air hautain. Je me demande comment il le prendrait si je lui disais tout. Il a un peu trop l’allure Brooks Brothers pour être vraiment compréhensif. Plus ils ont fière allure, plus ils sont persuadés que vous cherchez à faire votre intéressante si vous parlez de Choses Sérieuses, Choses Qui Ne Plaisantent Pas. Peut-être qu’il penserait que je suis juste une excentrique; Peut-être qu’il a une once d’humanité quelque part en dessous. Peut-être qu’il a une sœur ou une mère ou quelque chose. Peut-être qu’il se révèlera une grande âme de la Nature.» The New Yorker, 1928J'aime les histoires courtes de Dorothy Parker à l'égal de celles de Raymond Carver , ce qui n'est pas peu dire! (Débutants ICI)
Dorothy Parker est née dans le New Jersey en 1893. Proche de Scott Fitzgerald, elle est connue pour son humour corrosif et ses bons mots. Auteur de poèmes, de recueils de nouvelles, de pièces de théâtre, elle collabore à Vogue, Vanity Fair, au New Yorker, à Esquire, et écrit des scénarios pour Hollywood, dont Une étoile est née (Oscar du meilleur scénario). Dans les années cinquante, elle est un temps inquiétée en raison de ses sympathies communistes avant d’être jugée inoffensive. Elle reprend alors sa chronique satirique au New Yorker et publie des reportages sur la guerre d’Espagne. Elle meurt d’une crise cardiaque à New York en 1967, léguant tous ses biens au mouvement du pasteur Martin Luther King.