24 février Phylactères - Tragic Strip Marc avait un physique transparent : cheveux d'un brun anodin, un épi timidement rebelle. Ses yeux, deux, hésitaient entre le bleu glauque le vert d'eau et le marron yeux de cochon. Il avait le teint assez mat l'été pour se faire traiter de sale arabe, lui, natif de Saint Marcel les Valence depuis trois générations. Saint Marcel les Valence, un village tout petit cerné par une coque de pavillons de banlieue, qui s'ajoutent par couches. Au fur et à mesure que les travailleurs s'éloignent de la métropole. Les mêmes pavillons qu'à Caen, qu'à Pau ou Perpignan, qui rivalisent en un concours de tristesse alors que les vieilles maisons de la vallée en galets du Rhône s'écroulent de vieillesse et d'absence de soins, cimetière des éléphants. Jadis coupé en deux par la nationale Valence-Grenoble Saint Marcel Est et sa vue en loupe sur le Vercors les jours d'avant l'orage, s'enorgueillissait du nouveau stade de rugby. Saint Marcel Ouest, et son cimetière à flancs de coteau, les tombes plantées comme des pieds de vignes. Bref, une cité dortoir dénuée de tout intérêt. Marc, un mètre et soixante-neuf centimètres, pas assez petit pour être remarqué, n'a jamais réussi à atteindre le mètre soixante dix que sur la pointe des pieds. Le mollet gauche relativement atrophié, des suites d'une sale maladie infantile, mais pas assez malingre pour faire pitié : Marc claudiquait discrètement lorsqu'il était fatigué. Aussi fut-il surpris de trouver ce job par hasard en poussant la porte de l'Agence Anonyme d'Intérim. "Recherche homme-sandwich, pour mission courte et costumée, promotion d'un film, sérieux s'abstenir." Paria de la société depuis un certain temps déjà, il avait un peu de mal à se sustenter correctement les dernières semaines du mois et mars étendait son grand manteau blanc sur la ville. Et le voilà en plein frimas, vêtu d'une combinaison blême, et d'un pantalon moulant blanc, qui lui englobait même les pieds, déclamant des phylactères insignifiants sur le trottoir gelé, harnaché d'une lourde pancarte en bois à l'affiche du film. Tout en récitant des insanités autorisées (c'était un film à caractère pornographique) il se posa une question métaphysique : de quelle couleur est le sang de ces petits hommes bleus ? Est-il rubis comme tout un chacun, ou sont-ce des sang-bleu ? ou blanc ? ou vert ? Rapidement son personnage s'empara de lui, et il eut l'impression illusoire que sa peau sa propre peau - était-ce le froid ? bleuissait. A suivre... demain !
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