Un homme fit un jour des reproches à Bayazid, le grand mystique du IXe siècle :
« J’ai jeûné, prié, pratiqué trente jours durant, et je n’ai pas trouvé la joie dont tu parles.
-- Tu peux pratiquer trois cents ans encore, et tu ne la trouveras pas, dit Bayazid.
-- Mais pourquoi ?
-- Parce que ta vanité fait obstacle.
-- Indique-moi le remède.
-- Il y a un remède, mais tu ne pourras pas le prendre.
-- Dis-le-moi quand même.
-- Va chez le barbier, fais-toi raser la barbe, ta barbe vénérable, enlève tous tes vêtements, ceins-toi les reins d’une corde ; puis procure-toi une musette, remplis-la de noix et suspends-la à ton cou. Va sur la place du marché, et crie : « Une noix à tout gamin qui me donnera un coup sur la nuque ! » Présente-toi ensuite au tribunal, pendant qu’il est en séance, que l’on te voie ainsi accoutré.
-- Mais je ne peux pas faire ça ! Indique-moi, je te prie, un autre remède, aussi efficace.
-- C’est le premier pas, le seul effort que tu dois faire. Je t’ai dit que tu en serais incapable. Tu ne peux donc être guéri. »
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