Puisqu’en ce moment je lorgne du côté des années 70 et des artistes made in Britain, c’est le moment idéal pour donner un petit coup de projecteur à un magazine qui est en train de fêter ses 35 ans ce mois-ci, je veux bien sûr parler de 2000 AD que les amateurs connaissent grâce notamment à sa BD phare : Judge Dredd. Mais réduire ce journal à un seul de ses trésors ne serait pas lui faire honneur, d’autant plus que bon nombre d’auteurs britanniques ont démarré et ont fait leurs preuves grâce à lui.
Revenons donc en ce 26 février 1977, jour de la sortie du premier numéro de ce magazine, 2000 AD est en fait le projet commun de Pat Mills et John Sanders qui travaille pour la maison d’édition IPC. Sanders demande en effet à Mills qui est scénariste, de créer un magazine hebdomadaire de science-fiction. Celui-ci développera les premières séries et héros, et y tiendra le poste de rédacteur en chef. Il interviendra même dans le courrier des lecteurs sous le pseudonyme de “Tharg the Mighty“. On retrouve son nom au générique de pratiquement toutes les séries développées dans les premiers numéros : Invasion!, Harlem Heroes, Flesh, et M.A.C.H. 1.
Mais les premiers jours de 2000AD ont également été définis par deux personnages : Dan Dare (dont les origines remontent aux années 50) et Judge Dredd . Dan Dare, modernisé pour l’occasion ne reçu pas le succès escompté, il faisait vraisemblablement partie du passé. Judge Dredd, par contre était une création originale et incarnait vraiment l’essence même du magazine. Dredd est un homme de loi, un policier d’une ville de la côte Est américaine connue sous le nom de Mega-City One, au début du 22ème siècle. Il a le pouvoir de prononcer des peines sur place, et rendre une justice sommaire, si nécessaire. Et en général c’est exactement ce qui arrive. Dredd est donc un bel enfoiré, conçu non pas tant comme un anti-héros, mais comme un fasciste pur et simple. Carlos Ezquerra, l’artiste espagnol qui a conçu Dredd et son univers (avec John Wagner) a délibérément fait écho à l’iconographie du régime de Franco notamment pour le costume du personnage. Le succès de Dredd prouve que 2000AD excelle à développer ses propres personnages plutôt que de raconter et rebooter les aventures d’anciens héros.
Le succès de Judge Dredd est tel que 2000 AD devient la référence en matière de bande dessinée en Angleterre et la concurrence va rapidement plier boutique, comme le magazine Starlord dont les meilleurs personnages sont rapidement intégrés dans les pages d’AD. Le magazine devient alors le seul et unique moyen de faire ses preuves pour un artiste. C’est ainsi que tout au long des années 80 et 90 vont défiler tout un tas de dessinateurs et scénaristes désormais devenus des stars : Alan Moore, Neil Gaiman, Grant Morrison, Bryan Talbot, Brian Bolland, Mike McMahon, Peter Milligan, Mark Millar, Kevin O’Neil, Ian Gibson…
Mais c’est également dans les pages de 2000 AD qu’ont été publiés des chef d’oeuvre tels que The Ballad of Halo Jones, Zenith et Slaine: The Horned God, des titres qui ont su intéresser de gros éditeurs américains parmi lesquels DC Comics qui réussira à débaucher Alan Moore ou Neil Gaiman pour ne citer qu’eux, la suite fait bien entendu partie de la grande histoire des comic-book…