Situation carcérale : candidats, engagez-vous !
L’été dernier, le procureur de Dunkerque avait demandé aux policiers de reporter de quelques semaines certaines incarcérations. Motif : la maison d’arrêt connaissait un taux de surpopulation préoccupant.
Apeuré par les incidences médiatiques de cette initiative, le ministre de la Justice s’était empressé de désavouer publiquement le magistrat et d’exiger qu’il revienne sur cette décision pourtant frappée du sceau de l’évidence.
Dans une lettre ouverte du 4 août 2011, le Syndicat de la magistrature avait alors dénoncé la scandaleuse duplicité de Michel Mercier qui, par une note du 21 juillet, venait précisément d’encourager ce type de démarche…
Selon le journal La Voix du Nord, le tribunal administratif de Lille vient de condamner l’Etat pour manquement à la dignité humaine au sein de la maison d’arrêt de… Dunkerque. Il était saisi par sept anciens détenus, incarcérés courant 2010, qu’il a indemnisés à hauteur de 150 euros par mois de détention.
La promiscuité engendrée par la surpopulation dans cet établissement figure au rang des éléments retenus par les juges administratifs pour constater la violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme – qui prohibe les « traitements inhumains et dégradants ». L’un des requérants a ainsi été contraint de partager une cellule de moins de 17 m² avec six autres détenus…
Nul doute qu’une telle condamnation – qui vient après tant d’autres concernant divers établissements (Nanterre, Bois-d’Arcy, Rouen, Marseille, Paris…) – pourrait aussi bien porter demain sur des faits constatés à la maison d’arrêt de Dunkerque au cours de… l’été 2011, lorsque Michel Mercier, par manque de courage politique, a interdit au procureur de cette ville de faire son devoir.
Au-delà de l’irresponsabilité particulière de l’actuel garde des Sceaux, cette décision jette à nouveau une lumière crue sur la situation carcérale en France.
Le 1er février, un nouveau « record » a été atteint : 65 699 détenus, maximum absolu, avec un taux d’accroissement de + 6,4 % sur les 12 derniers mois (près de 4 000 détenus de plus) et 11 705 détenus en surnombre (+ 27 % en un an !)[1].
La question, bien sûr, n’est pas qu’arithmétique : les droits des détenus sont quotidiennement bafoués, les locaux souvent inadaptés, l’hygiène catastrophique, le travail rare, l’offre de soins – notamment psychiatriques – très insuffisante…
Et le constat n’est pas nouveau. Tout était déjà dit dans le rapport « Prisons : une humiliation pour la République » publié en 2000 par une commission d’enquête parlementaire. Mais le tabou demeure, si l’on en juge par le silence prudent globalement observé par les divers candidats à l’élection présidentielle sur ce sujet.
Il est désormais urgent qu’ils s’engagent, et sur des mesures précises.
En voici quelques unes :
- instaurer un numerus clausus fixé dans le respect du principe de l’encellulement individuel ;
- assurer le respect intégral des « règles pénitentiaires européennes » ;
- généraliser les « unités de vie familiale » ;
- réduire le recours à la détention provisoire (collégialité, délais plus courts, seuils de peines encourues plus élevés…) ;
- remplacer la filière expéditive de la comparution immédiate par une procédure respectueuse des droits des parties ;
- abolir les peines-planchers, mais aussi la rétention de sûreté, cet emprisonnement après la peine qui ne dit pas son nom ;
- généraliser la libération conditionnelle à mi-peine ou aux deux-tiers de la peine, sauf avis contraire du magistrat…
Avant tout, il y a lieu de mettre un coup d’arrêt à l’extension du parc pénitentiaire. La construction de près de 25 000 places de prison, dont le coût est estimé à 3 milliards d’euros – sans compter l’entretien –, doit être abandonnée. Jamais la France n’a construit autant de cellules, jamais elle n’a connu une telle surpopulation carcérale.
L’humiliation doit cesser.
[1] Source : Observatoire des Prisons et Autres Lieux d’Enfermement (OPALE), tableau de bord du 1er février 2012, fondé sur les statistiques mensuelles de la population écrouée et détenue en France établies par la Direction de l’administration pénitentiaire du ministère de la Justice.
Pour un exposé plus précis des propositions du Syndicat de la magistrature sur ce sujet, vous pouvez consulter son projet pour 2012 en cliquant sur le lien suivant (voir pages 37 à 44) :