Où va le Sénégal ?

Publié le 23 février 2012 par Micheltabanou

D’un ami à Dakar, ces impressions non retouchées et écrites au cœur de la crise,

Où va le Sénégal ? Le Sénégal est un des rares pays d’Afrique à ne pas avoir connu de coup d’état. Il est même cité en exemple de démocratie parmi ceux qui ont accédés à l’indépendance dans les années 60.

C’est un pays laïc avec une population estimée à 13 millions d’habitants à majorité musulmane.

50% de la population à moins de 15 ans et les 2/3 moins de 25 ans.

Là, en germe, il y a l’instabilité future de ce pays de Téranga, bienvenue en wolof, langue vernaculaire du pays dont le français est la langue officielle voulu par les colons.

De tradition calme et accueillant, voilà que des troubles secouent ce pays lors de cette campagne électorale dont le 1er tour a déjà commencé le dimanche 19, pour les hommes en tenues (militaires et police).

Le 1er tour pour le reste de la population doit se tenir ce dimanche 26 février…s’il n’est pas empêché par des contestataires au président Abdoulaye WADE, candidat à sa propre succession à l’issue de son deuxième mandat.

L’un des mouvements de contestation dénommé M23 est né, au mois de juin dernier, d’un refus d’une frange de la population de permettre une nouvelle modification de la constitution qui aurait permis la mise en place d’un vice-président.

Ce projet était perçu comme la mise en place d’une succession monarchique.

Abdoulaye WADE, l’actuel président-candidat, dont l’âge reste incertain (entre 86 et 95 ans) aurait eu l’intention de remettre son fauteuil de président à son fils Karim.

Ces contestataires ne sont pas politisés. Beaucoup de jeunes ont la conviction que Wade n’aurait pas le droit de se représenter. Ils considèrent qu’il a menti, et le trouvent aussi trop vieux, en décalage avec la moyenne d’âge, très jeune, du pays. Ils le jugent également responsable de la grave crise économique qui touche le pays. Il y a un grand ras-le-bol. L’un des mouvements de jeunes s’appelle d’ailleurs «Y en a marre». Ces jeunes ne veulent pas le pouvoir, mais défendre les droits de la société.

Depuis quelques semaines des marches, c’est ainsi que se nomment les manifestations au Sénégal, ont lieu régulièrement et font souvent l’objet de débordement par des esprits échauffés par des leaders, pas toujours politiques.

Les français qui résident au Sénégal, qu’ils y soient né et parlent le wolof ou bien arrivé plus tard pour jouir du climat agréable et de l’accueil des gens reçoivent des mises en garde du Consulat. Ces textos les invitent à éviter de se trouver à certains lieux à certaines périodes car des débordements sont à craindre.

Les plans d’évacuations (exfiltration disent les militaires) sont prêts. Le B.A. 160 a hérités des missions dévolues au Bima (Bataillon d’infanterie de marine) depuis disparu.

Des îlotiers sont désignés et des points de ralliement sont envisagés pour évacuer la communauté française (20.000 inscrits au consulat).

Il faut bien rassembler ce qui est épars. Des provisions de denrées non périssables sont effectuées.

D’ailleurs, les prix ont commencé à monter depuis début février. C’est l’application du principe de précaution.

Une situation à l’ivoirienne est redouté par certains.

L’union européenne appelle à l’arrêt des violences. Les chefs des différentes confréries religieuses aussi.

Au Sénégal, un coup d’état est-il possible ?

L’armée du Sénégal est une armée républicaine fidèle aux institutions et ne semble pas prête à s’engager dans l’aventure d’un coup d’état.

Toutefois, en cas de désordre persistant, elle pourrait être tentée de rétablir le calme avec un couvre-feu d’une durée suffisante pour que des élections puissent se tenir.

Une situation tendue depuis la validation de la candidature d'Abdoulaye Wade

Depuis le 27 janvier, date de la validation de la candidature d'Abdoulaye Wade à l'élection présidentielle du dimanche 26 février, le Sénégal est entré dans l'instabilité. En effet, le président sortant a été élu en 2000 puis en 2007 et ne peut donc théoriquement pas se porter candidat pour un troisième mandat, selon la constitution du pays. La validation de sa candidature a été entérinée au motif que cette règle n'était pas encore en vigueur au moment de sa première élection.
Cette décision du Conseil constitutionnel sénégalais, l'opposition, incarnée par le Mouvement du 23 juin, la conteste. Le Mouvement du 23 juin (M23) est une coalition de partis de l'opposition et d'organisations de la société civile réclamant le retrait du président Wade. Porté par la voix de Youssou Ndour et par l'action de trois candidats : Idrissa Seck (ancien Premier ministre d'Abdoulaye Wade), Ibrahima Fall et Cheick Bamba Dièye, le M23 milite pour que l'élection ait bien lieu le 26 février, et pour que la stabilité soit restaurée avec le départ de M. Wade. D'après eux, le président Wade a tout intérêt à repousser la date de l'élection dans la mesure où il est susceptible d'être défait.  

Mort de 6 sénégalais et Youssou Ndour blessé

Les récentes échauffourées constatées à Dakar depuis le vendredi 17 février ne laissent pour le moment pas croire que le président sortant entende se retirer de la course. La mosquée Zawiya El Hadji Malick-Sy, lieu de la confrérie Tidjane, a été frappée par une grenade lacrymogène, en marge d'affrontements entre la police et les manifestants et, au total, ce sont six Sénégalais qui sont décédés durant ces journées de violence. Mardi 21 février, Youssou Ndour a lui-même été blessé à la jambe lors de la dispersion d'une foule, précisant immédiatement qu'il ne souhaitait pas faire de l'incident une affaire d'Etat.
A quatre jours de l'élection, la situation au Sénégal est donc extrêmement préoccupante. Le divorce entre les positions d'Abdoulaye Wade et celle du M23 semblent irréconciliables et la colère de l'opposition envers le gouvernement sortant ne fait que croître. Outre le président lui-même, les partisans du retrait d'Abdoulaye Wade s'en prennent également à Ousmane Ngom, ministre de l'Intérieur. M. Ngom est tenu pour responsable de l'incident de la mosquée et de la brutalité de la répression policière. La presse sénégalaise n'hésite d'ailleurs pas à parler de "massacre", "d'embrasement", "d'apocalypse" pour qualifier les événements. Les superlatifs sont l’expression du climat passionnel. 

Quelle réponse de l'Union européenne et de l'Union africaine?

Dans un tel contexte insurrectionnel, les regards se tournent naturellement vers la réponse de la communauté internationale, et particulièrement de la mission d'observation électorale de l'Union européenne. Suite aux incidents du 21 février, la mission d'observation a naturellement appelé à "l'arrêt des violences", militant pour que "la libre réunion électorale" soit garantie. De plus, la mission de l'Union européenne a également exprimé sa "préoccupation quant à l'interdiction des manifestations", décision prise par le ministère sénégalais de l'Intérieur, et dénoncée par le M23.
Autre mission d'observation présente au Sénégal à l'approche de l'élection présidentielle : celle de l'Union africaine dirigée par l''ex-président nigérian Olusegun Obasanjo. M. Obasanjo a déclaré que la mission pourrait dépasser le cadre de l'observation "en raison de la situation sur le terrain". Le Mouvement du 23 juin s'est immédiatement déclaré prêt à dialoguer avec la mission d'observation de l'Union africaine, tout en rappelant son intransigeance concernant la date du 26 février pour la tenue de l'élection présidentielle et le retrait d'Abdoulaye Wade. Notons que M. Obasanjo avait lui-même été conseillé par Abdoulaye Wade en 2006 alors qu'il projetait de briguer un troisième mandat présidentiel contre l'avis de la population. "Si le président Wade m'a conseillé de ne pas me présenter à un troisième mandat, ce que je n'ai pas fait, il est sans doute le mieux placé pour se conseiller lui-même", a déclaré Olusegun Obasanjo.