Seules, jusqu'à présent, la Suède et la Suisse n'ont pas légiféré en matière de financement des partis politiques.
A la demande de Simonetta Sommaruga [dont la photo provient d'ici],conseillère fédérale à la tête du Département de justice et police, un avis de droit a été établi le 10 juin 2011 par l'Office fédéral de la justice, OFJ ici. En conclusion cet avis faisait l'inventaire des questions à se poser en cette matière :
- le champ d'application horizontal et vertical de la réglementation
- l'éventuel financement étatique direct
- l'étendue de la transparence
- le plafonnement des dépenses de campagne
- les mécanismes de contrôle
- l'autorité de contrôle indépendante
- la constitutionnalité des mesures proposées
- le caractère plus ou moins contraignant des réglementations internationales
L'OFJ posait donc comme un préalable qu'il fallait légiférer et ne répondait évidemment pas à la question principale à se poser : est-il bien nécessaire de légiférer ? Ce qui revenait à ne pas se poser cette autre question : la Suisse est-elle un pays moins démocratique que les autres parce qu'elle n'a pas légiféré en la matière ?
Le rapport d'évaluation sur le financement des partis politiques suisses établi par le GRECO a été adopté en octobre 2011, lors de sa 52ème réunion plénière, à Strasbourg ici. En conclusion de ce rapport six recommandations ont été faites à la Suisse :
- tenue adéquate et complète des comptes pour les partis politiques et les campagnes électorales
- communication des dons reçus d'un certain montant et publication de l'identité des donateurs
- accroissement de la transparence par des tiers
- vérification comptable indépendante des partis politiques et des campagnes électorales
- supervision indépendante du financement des partis politiques et des campagnes électorales
- règles accompagnées de sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives
Qui l'EEG, l'Equipe d'évaluation du GRECO, a-t-elle rencontré lors de sa visite en Suisse ?
"L’EEG a rencontré des représentants de l’Office fédéral de la Justice, de la Chancellerie fédérale, de la Commission des Institutions politiques du parlement et des cantons du Tessin et de Genève. L’EEG a également rencontré des représentants de partis politiques, le PLR – les Libéraux-Radicaux, le Parti évangélique suisse, le parti socialiste suisse et le Parti démocrate chrétien. Enfin, l’EEG a rencontré des représentants des milieux académiques, de la presse et de Transparency International."
C'est-à-dire tous les grands partis à l'exception du premier en nombre de suffrages.
Quoiqu'il en soit la Suisse se voit demander fermement par le GRECO de remettre un rapport sur la mise en oeuvre de ses recommandations d'ici le 30 avril 2013...
Mardi 21 février 2012 paraît un rapport d'enquête sur les dépenses électorales ici, établi par l''institut de recherches Sotomo de l'Université de Zurich, dirigée par Michael Hermann. Le Temps du 22 février 2012 nous explique sous la plume de Bernard Wuthrich ici que :
"Ce rapport a été commandé par Simonetta Sommaruga dans le contexte des élections fédérales de 2011 et des critiques émises par le Groupe d’Etats contre la corruption (Greco)"
Que dit ce rapport commandée par Simonetta Sommaruga ici ?
- il estime les dépenses politiques à 28 millions de francs avant les élections fédérales de 2003, à 35 millions avant celles de 2007 et à 42 millions avant celles de 2011
- l'UDC ("Sans surprise, c'est l'UDC qui se taille la part du lion", note le journaliste du Temps) aurait dépensé 13,3 millions, le PLR 8,5 millions, le PDC 5 millions pour les élections fédérales de 2011
-entre 2008 et 2011, l'UDC aurait dépensé, en affiches et en annonces, 21 millions de francs pour les votations, le PLR 11, le PDC 4 et le PS 1
- les caissiers externes, les organisations économiques principalement, lors des votations, auraient favorisé le PDC dans 67% des cas, le PLR dans 66% des cas, l'UDC dans 63% des cas et le PS dans 37% des cas
- le montant des dépenses n'est pas un gage de succès : par exemple l'UDC a dépensé 95% des 4,5 millions de francs dépensés lors du scrutin, qu'elle a perdu, relatif à son initiative sur la naturalisation par le peuple.
L'article 137 de la Constitution fédérale dit :
"Les partis politiques contribuent à former l'opinion et la volonté populaire."
Quand on met bout à bout tous ces éléments qui vont être discutés au Parlement à la session de printemps, que constate-t-on ?
- que la Suisse est certainement le pays le plus démocratique des 47 pays membres du GRECO
- qu'elle n'a pourtant pas légiféré en matière de financement des partis politiques
- que l'UDC (que le GRECO n'a pas visité en mai 2011) est le parti qui dépense le plus en Suisse, suivi par le PLR et le PDC
Quel est le but de tout cela, l'avis de droit de l'OFJ, le rapport d'évaluation du GRECO et le rapport Sotomo ?
Le DFJP que dirige la conseillère fédérale socialiste Simonetta Sommaruga lève un coin du voile en disant :
"Les inégalités en matière de financement des campagnes sont criantes."
Il semble qu'en fait soient poursuivis officiellement deux buts :
- la transparence
- l'égalité des moyens financiers pour les partis et les campagnes
Officieusement le but poursuivi est de s'en prendre à l'UDC, accessoirement au PLR et au PDC. En ne tenant pas compte d'une donnée essentielle : les partis politiques ne contribuent pas tous seuls à former l'opinion et la volonté populaire. Il y a aussi, et particulièrement, les médias.
On peut se demander pourquoi une étude n'est pas menée sur la contribution des médias à cette formation de l'opinion et de la volonté populaire et combien cette contribution pèse financièrement au regard des dépenses effectuées par les partis politiques.
A qui profiterait la prétendue transparence ? Aux partis qui ne sont pas diabolisés et qui sont chouchoutés par les médias, singulièrement le PS et les Verts.
La transparence, autrement dit la publication du nom des donateurs, n'est-elle pas un bon moyen de restreindre la liberté de donner, comme la liberté de s'exprimer dans les urnes le serait si les votes n'étaient pas anonymes ?
A qui profiterait l'égalité des moyens ? Aux partis qui, à défaut d'être capables de convaincre les donateurs de les soutenir, reçoivent le soutien large, régulier et indéfectible des médias.
En présence de la criante inégalité de traitement des partis politiques par les médias, les demandes de transparence et d'égalité des moyens financiers pour les partis politiques et pour les campagnes ne sont tout juste pas crédibles et semblent bien hypocrites.
Francis Richard